L'art d'empiler les livres qu'on n'a pas lus
S'il est de bon ton de fustiger la société de consommation, la surconsommation de livres semble étrangement échapper à la règle… © Getty Images

Souffrez-vous du tsundoku, cet art d’accumuler des livres qu’on ne lit pas?

Elle s’élève quelque part chez vous à côté de votre lit, dans le bureau ou près du canapé. Elle ne cesse de croître et pourtant, vous ne vous y attaquez pas. C’est la fameuse “pile à lire”, qui porte le doux nom de “tsundoku” au Japon.

S’il est de bon ton de fustiger la société de consommation, la surconsommation de livres, elle, semble étrangement échapper à la règle. Entasser des bouquins serait-il plus vertueux que d’accumuler de l’électroménager, du maquillage ou des vêtements? Sous prétexte qu’ils renferment du savoir, de la connaissance, des histoires? Que penser de cet art de l’accumulation? Émilie, journaliste et home organiser, a sa petite idée sur le sujet…

“Il faudrait que je lise…”

Tous les soirs quand vous vous affalez dans votre sofa, GSM à la main, vous ressentez une culpabilité quand votre regard se pose sur cette pile de romans ou d’essais jamais consultés. Vous pensez “Il faudrait que je lise tout ça”, mais vous manquez de temps… et d’énergie. Puis finalement, vous n’avez jamais réussi à lire dans ce salon. C’est peut-être à cause du canapé, de la lumière, de la table basse toujours encombrée et dont la vue vous décourage. Ou serait-ce à cause du manque de place. En fait, il faudrait peut-être juste une plus grande bibliothèque?

Une présence rassurante

“Accumuler des livres qu’on ne lit pas est une façon bénéfique de nous rappeler tout ce que nous ignorons”: voilà ce que me répond un ami lorsque j’invite à limiter notre soif de posséder des livres et à hiérarchiser nos possessions. Pour beaucoup, posséder des livres, même non lus, c’est s’entourer d’une présence rassurante. Parce qu’elle évoque les doux moments de lecture blottis au fond de son lit, qu’elle nous rappelle des émotions, des histoires qui nous ont touchés.

Avoir une bibliothèque remplie, c’est afficher qu’on fait partie de ceux qui lisent et donc de ceux qui sont cultivés

Une présence qui rassure aussi parce qu’elle symbolise le savoir, l’intellect, l’ouverture au monde. Rien qu’en regardant la pile qui s’érige fièrement vers le plafond, on se sent déjà plus intelligent. Elle nous renvoie une belle image de nous-même. Avoir une bibliothèque remplie, c’est afficher qu’on fait partie de ceux qui lisent et donc de ceux qui sont cultivés, qui s’instruisent. Encore faut-il les lire effectivement…

Défendre la lecture, pas la possession des livres

Je ne condamnerai jamais le fait de lire des livres. Il faut lire. Mais sommes-nous obligés de posséder des livres pour lire? On croit détenir le savoir en faisant des piles, mais c’est bien l’espace qu’on occupe. Ce qui est important à mon sens, c’est d’assimiler cette connaissance, de s’évader à travers des récits, de découvrir de nouveaux horizons… Pas de contempler des couvertures, pétris de culpabilité, parce qu’il faudrait lire tous ces spécimens achetés.

Si certaines personnes vivent très bien parmi les PAL (pour piles à lire, le concept a même son abréviation), d’autres peuvent en souffrir et le vivre comme un fardeau. Elles leur rappellent tous les jours ce qu’ils devraient faire et qu’ils ne parviennent pas à faire, justement. C’est s’infliger au quotidien un sentiment de culpabilité. D’autant qu’on n’a jamais vécu dans une société où autant d’informations et de connaissances étaient disponibles. De qualité variables certes, mais elles nous inondent. Et on ne cesse jamais d’en produire. C’est sans fin, contrairement à la taille de votre bibliothèque. C’est pour cette raison qu’il est urgent, je pense, de hiérarchiser, de choisir, de limiter.

Retour à la bibliothèque

Je l’ai plusieurs fois constaté chez des clients chez qui j’opère en tant que home organiser: les livres, c’est sacré. On ne jette pas un livre. C’est un sacrilège, qui rappelle d’ailleurs les périodes sombres de notre histoire où les autodafés étaient un moyen de censurer et de condamner un savoir, une culture, une vision du monde.

Si on ne jette pas des livres, pourrait-on alors les donner, les abandonner sur un banc?

Si on ne jette pas des livres, pourrait-on alors les donner, les abandonner sur un banc, dans une boîte à livres, ne pas les réclamer auprès de ceux qui oublient de nous les rendre? Et ensuite? C’est sa consommation qu’il faudra réduire et réviser. Tiens, et si on retournait simplement à la bibliothèque?”.

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