Journée des Droits des Femmes: Ndeye Amy Kebe, toquée de TIC
8 mars, c’est la Journée internationale des Droits des Femmes et pour l’occasion, les entrepreneuses sociales sont à l’honneur.
Le saviez-vous? 45% des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes – une proportion bien plus élevée que dans l’entrepreneuriat «classique» (33%). Des entrepreneuses sociales qui pensent que l’entreprise ne doit pas se limiter à générer des profits, mais peut être un levier pour changer les choses. A l’occasion de la Journée de la Femme, découvrez le portrait de 21 d’entre elles aux 4 coins du monde, grâce à l’opération Women in Businesses For Good à laquelle Femmes d’Aujourd’hui, ainsi que 20 autres médias internationaux, participe.
Ndeye Amy Kebe, toquée de TIC
À 33 ans, Ndeye Amy Kebe Sylla incarne la jeune génération d’entrepreneuses africaines. Passionnée de techniques d’information et de communication (TIC, pour les initiés), en 2015, elle a lancé Jokalante (dialogue, en wolof), une société qui met en œuvre des outils de communication interactifs afin d’encourager et de diffuser les bonnes pratiques en matière d’agriculture, de nutrition et de bien-être animal.
Ndeye Amy Kebe Sylla parle vite. Très vite. Elle agit vite, aussi ! En 2013, après un baccalauréat scientifique et une licence en finance et comptabilité obtenue à Dakar, elle choisit de changer de cursus pour suivre par correspondance un master de sciences de l’éducation et formation des adultes, option ingénierie pédagogique et multimédia de l’université Lille I. « À l’époque, j’étais salariée pour l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), à Dakar. La comptabilité ne m’intéressait pas, en revanche, j’adorais l’ambiance qui régnait à l’AUF et je me passionnais déjà pour les technologies de l’information et de la communication. Passer mes journées dans cet environnement a stimulé cet intérêt jusqu’à me donner envie de travailler moi-même dans ce domaine. J’ai donc choisi de suivre des études par correspondance. Ce master m’a permis à la fois d’embrasser les sciences de l’éducation et m’a sensibilisé à la mise en œuvre de dispositifs de formation à distance, une forme d’enseignement nouvelle en Afrique, en particulier au Sénégal. »
“Jours de champs”
En 2013, selon l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie du Sénégal, le pays compte 755 559 ménages agricoles. De plus, l’agriculture emploie 69% des actifs et fait vivre deux tiers de la population encore majoritairement rurale du pays. Ce n’est donc pas un hasard si en 2015, deux ans après avoir obtenu son master, Ndeye Amy Kebe Sylla imagine Jokalante, une entreprise de communication atypique qui met en œuvre des actions de communication originales en faveur, notamment, du développement et du changement de comportement en matière d’agriculture, de nutrition et de bien-être animal. « Jokalante est une plateforme mise en place par un consortium d’organismes internationaux dans le cadre du projet TIC Mbay (TIC pour l’agriculture, en wolof). Nous faisons la promotion de solutions agricoles à travers des spots radio ou des messages téléphoniques. » Particularités du dispositif : la bonne parole est diffusée dans l’une des cinq langues les plus parlées au Sénégal – le sérère (sereer), le wolof, le diola (joola), le peul (pulaar) et le mandingue –, et l’interactivité est la règle. En effet, les auditeurs sont invités à faire entendre leur point de vue et à partager leurs expériences avec le plus grand nombre. Aujourd’hui, son dispositif touche 11 régions du Sénégal à travers des stations de radio communautaires, plus de 50 000 personnes via le téléphone et plus d’un million d’auditeurs grâce à la radio. Jokalante collabore avec USAid Sénégal sur le programme New ICT Challenge, excusez du peu !
De novembre à janvier dernier, après la récolte et avant l’hivernage, Jokalante a vanté, via des spots téléphoniques et radiophoniques, les mérites du khétakh, ces balles de mil dont les cultivateurs se débarrassent après la récolte alors qu’elles peuvent servir de fertilisateurs pour les terres. « Répandues sur le sol jusqu’à l’hivernage prochain, ces matières organiques augmentent considérablement la fertilité du sol, sans avoir à “décaisser” (débourser) quoi que ce soit. Certains anciens connaissaient cette pratique traditionnelle mais ils l’avaient oubliée. Et comme le paysan n’embrasse que ce qu’il voit ou ce qu’il connaît de son pair, nous avons organisé des interviews et des spots en langue locale, mais aussi des “jours de champs“, en partenariat avec des organisations paysannes partenaires, pour visiter des exploitations qui pratiquent ces méthodes. Bien sûr, nous retransmettons ces visites sur les radios locales ! »
Devenir un hub d’information
Avec ses cinq salariés, on peut dire que Ndeye Amy Kebe Sylla ne chôme pas ! À 33 ans, elle envisage même d’étendre l’activité de Jokalante à la Gambie voisine à la faveur d’un programme de promotion des bonnes habitudes alimentaires des 0-5 ans. « Notre cœur d’activité, c’est le domaine agricole : l’agriculture est la clé du développement au Sénégal et dans tous les autres pays africains, mais l’autonomie des agriculteurs est une problématique importante et nous nous appliquons à transmettre des technologies faciles à mettre en œuvre pour eux, et instaurer un dialogue avec ces populations. Nous avons le projet de lancer une web radio et une grande plateforme d’information pour partager notre expérience. Nous souhaitons nous étendre jusque dans la sous-région, avoir un pied là-bas. » Pour prêcher la bonne parole, Jokalante place les femmes au cœur du processus d’information, privilégiant des débats animés par elles. Hyper dynamique, l’entreprise vient de participer à une campagne de promotion du bien-être animal en partenariat avec une ONG britannique. Elle organise aussi la diffusion d’informations climatiques aux agriculteurs et aux pêcheurs dans tout le Sénégal. Souhaitons-lui bon vent !
Texte: Malika Souyah pour Amina
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