Journée des Droits des Femmes: Marcella Hansch veut sauver les océans
8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes et pour l’occasion, les entrepreneuses sociales sont à l’honneur.
Le saviez-vous? 45% des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes – une proportion bien plus élevée que dans l’entrepreneuriat «classique» (33%). Des entrepreneuses sociales qui pensent que l’entreprise ne doit pas se limiter à générer des profits, mais peut être un levier pour changer les choses. A l’occasion de la Journée de la Femme, découvrez le portrait de 21 d’entre elles aux 4 coins du monde, grâce à l’opération Women in Businesses For Good à laquelle Femmes d’Aujourd’hui, ainsi que 20 autres médias internationaux, participe.
Des mers asphyxiées par le plastique
Marcella Hansch a peur des poissons mais s’adonne quand même à la plongée. Lorsque les poissons nagent vers elle, elle respire plus vite et vide rapidement sa bouteille d’oxygène. Lors d’une plongée au Cap-Vert, en 2013, ce n’est pas un poisson qui l’effraie, mais un sac en plastique. Cela conduit l’étudiante en architecture d’Aix-la-Chapelle à proposer une idée pour sa thèse universitaire : un concept qui pourrait résoudre l’un des plus grands problèmes environnementaux de notre planète, la pollution plastique.
Sa rencontre aquatique marque durablement Marcella Hansch. Les chercheurs océaniques estiment qu’entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques se retrouvent chaque année dans les océans et les mers du monde. « A ce rythme, il y aura d’ici 2050 plus de plastique dans l’océan que de poissons », dit-elle. Pour son projet, la jeune femme allemande conçoit une plateforme qui permet de filtrer l’eau de ses déchets plastiques. « Je voulais faire quelque chose qui m’amuse vraiment ».
En règle générale, les projets de thèse ne voient jamais le jour. Mais ce projet a peut-être un avenir : une équipe essaie actuellement de le mettre en œuvre. Après tout, il aurait été dommage que cette idée disparaisse tout simplement dans un tiroir.
Marcella Hansch s’anime lorsqu’elle explique comment son projet a commencé à prendre forme puis est devenu de plus en plus scientifique, même si elle se décrit comme « une personne plus artistique » qui « n’a jamais eu un grand penchant pour les sciences ». Pour ce projet, elle ose dépasser les limites de son propre champ d’études. Elle assiste à des conférences sur l’ingénierie, calcule les courants océaniques et étudie les algues. Le résultat : un système en boucle fermée qui ne produit aucun déchet.
Plus légères que l’eau, les microbilles (ou micro-plastiques) ont tendance à flotter à la surface de l’eau ou à se retrouver juste en-dessous, mais les courants océaniques peuvent aussi les entraîner jusqu’à 30 mètres de fond. Les calculs de Marcella Hansch indiquent qu’une forme bulbeuse et un système de chenaux sous-marins ralentiraient les courants océaniques, ce qui permettrait aux particules de plastique de remonter pour être récupérées à la surface par la plateforme.
Marcella Hansch parle vite, avec les mains, pour expliquer son idée. Elle a maintes fois présenté son concept à son université, lors de conférences, devant des scientifiques. « La structure moléculaire des morceaux de plastique filtrés hors de l’océan a été détruite par l’eau salée, ces déchets ne peuvent donc raisonnablement pas être recyclés », explique-t-elle. Elle voulait néanmoins trouver le moyen de les utiliser.
Son plan initial prévoyait de soumettre les déchets plastiques à un procédé de gazéification au plasma pour les convertir en hydrogène et en dioxyde de carbone. L’hydrogène pourrait alors être utilisé comme source d’énergie pour les piles à combustible qui alimentent la plateforme. Le dioxyde de carbone serait quant à lui utilisé comme nutriment pour les cultures d’algues sur la plateforme. La biomasse d’algues servirait alors de matière première pour fabriquer des bioplastiques d’algues respectueux de l’environnement.
Tout en conservant l’idée d’une boucle fermée, Marcella Hansch n’a pas validé toutes les approches envisagées comme réalistes. Elle a par exemple abandonné l’idée de gazéification du plasma, pour laquelle son équipe de chercheurs étudie actuellement des alternatives. « Les autres solutions possibles devront elles aussi créer de l’hydrogène et du dioxyde de carbone », insiste Marcella Hansch, ajoutant que la recherche d’une solution pratique est en cours.
« Est-ce que cela a du sens ? », demande Marcella Hansch après avoir fini son explication. Oui, concluent les nombreux proches qui l’ont soutenue jusqu’à présent.
Son diplôme en poche, Marcella Hansch débute une carrière d’architecte. Un jour, pendant sa pause déjeuner, elle se rend à l’Institut de génie hydraulique et de gestion des ressources en eau de l’Université RWTH d’Aix-la-Chapelle pour présenter son projet. « J’étais sûre que l’on se moquerait de moi », dit-elle. Mais personne ne s’est moqué. Au contraire, son travail et ses idées ont suscité beaucoup d’intérêt.
La présentation est suivie d’invitations et l’Institut encourage d’autres étudiants à orienter leurs mémoires de thèse en rapport avec le projet pour aider Marcella Hansch à le faire avancer. Davantage de personnes s’impliquent.
Pendant longtemps, les progrès ont été lents et laborieux. À un moment, Marcella Hansch a même été tentée de jeter l’éponge, puis elle a accepté de faire une dernière présentation. Ce qui aurait pu être son dernier discours sur le sujet donne lieu à une révélation : elle se rend compte à quel point le projet lui tient à cœur. « Il m’est clairement apparu que je ne pouvais tout simplement pas le laisser tomber », se souvient-elle.
Peu de temps après, Marcella Hansch et ses collègues fondent une organisation sans but lucratif, Pacific Garbage Screening. L’ONG de 35 membres comprend des ingénieurs, des spécialistes de l’environnement et des biologistes. Ensemble, ils travaillent au déploiement de la future plateforme. Ils font avancer la recherche en tant que bénévoles, couvrant même la plupart des coûts de leur poche.
Il est difficile d’établir un calendrier pour le projet, prévient Marcella Hansch, qui espère toutefois que les recherches sous-jacentes seront toutes terminées d’ici cinq ans.
Marcella Hansch indique qu’elle s’efforce aussi, à titre personnel, de produire moins de déchets. « Je ne traque pas les gens pour leur donner des leçons, mais j’utilise l’humour pour essayer de faire ressortir certaines choses ».
http://pacific-garbage-screening.com/
Texte: Par Anna-Sophie Schneider pour Spiegel Online
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