GebRaa

Journée des Droits des Femmes: GebRaa, une entreprise d’un nouveau type

8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes et pour l’occasion, les entrepreneuses sociales sont à l’honneur.

Le saviez-vous? 45% des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes – une proportion bien plus élevée que dans l’entrepreneuriat «classique» (33%). Des entrepreneuses sociales qui pensent que l’entreprise ne doit pas se limiter à générer des profits, mais peut être un levier pour changer les choses. A l’occasion de la Journée de la Femme, découvrez le portrait de 21 d’entre elles aux 4 coins du monde, grâce à l’opération Women in Businesses For Good à laquelle Femmes d’Aujourd’hui, ainsi que 20 autres médias internationaux, participe.

GebRaaa, une entreprise d’un nouveau type

Une femme d’affaires avec une fibre sociale adopte une approche systémique pour ouvrir la voie à un vrai changement en Egypte. 

Certains entrepreneurs sociaux créent des emplois. D’autres œuvrent à préserver le patrimoine culturel ou l’environnement. Rania Salah Seddik, 35 ans, fondatrice de GebRaa for Egyptian Treasures, fait les trois – voire plus. Rania Salah Seddik n’a pas mis longtemps à trouver sa vocation. Une fois diplômée en économie et politique culturelle, elle travaille et fait du bénévolat dans de nombreuses organisations nationales et internationales, de l’USAID et Médecins Sans Frontières à l’UNICEF, s’efforçant toujours de
promouvoir le bien-être social et économique. En 2008, elle comprend comment réunir toutes ses passions: en créant une entreprise qui vende des produits artisanaux égyptiens fabriqués de façon durable.

Elle nomme son entreprise GebRaa – de « Geb », dieu de la Terre, et « Raa », celui du Soleil – et commence à sillonner le pays à la rencontre d’artisans qui pratiquent encore des métiers traditionnels, certains remontant à des milliers d’années. Au cours de ses voyages, elle découvre des boîtes en bois incrustées de nacre, du verre chatoyant soufflé à la main, des tissus imprimés autrefois destinés aux tentes du désert, des étoffes tissées main et de fines broderies. Chaque artisan a une histoire incroyable, et elle apprend d’eux tout ce qu’elle peut.

Rania Salah Seddik découvre également la précarité de plusieurs de ces métiers. Ainsi, un artisan spécialisé dans l’incrustation de nacre ne compte plus que cinq employés, contre 40 auparavant. Parmi les nombreuses causes de ce déclin figurent le peu d’appréciation des Égyptiens pour leur propre patrimoine, leur incapacité à acheter les biens de la plus haute qualité et le flot de reproductions chinoises bon marché vendues aux touristes. Rania Salah Seddik sait que, pour que le changement soit durable, l’approche doit être holistique.
Son but est d’aider les artisans à rationaliser et adapter la production pour accroître leur rentabilité et de trouver de nouveaux débouchés internationaux pour leurs créations.

C’est ambitieux, mais potentiellement très porteur. De manière générale, une telle initiative
contribuerait à préserver la culture égyptienne et favoriserait la diversité culturelle dans le monde. Localement, cela permettrait aux artisans d’accroître leurs revenus, mais aussi de regagner du respect et d’améliorer leur statut au sein de leur communauté. Ainsi, ils pourront transmettre leurs compétences aux jeunes générations et créer des emplois. « Je savais que, si je pouvais apporter du travail aux artisans dans leurs villes ou villages d’origine, ils n’auraient pas à migrer au Caire ou à l’étranger », déclare Rania Salah Seddik.

La jeune femme est suffisamment lucide pour voir que les articles traditionnels auraient besoin d’être revus pour plaire à une clientèle internationale sophistiquée. Elle embauche donc un designer pour travailler avec les artisans (ce qui la conduit, plus tard, à lancer toute une ligne de décoration GebRaa). Elle sait également que veiller à ce que les produits soient respectueux de l’environnement, 100% égyptiens et issus du commerce équitable fournirait d‘importants arguments de vente. Après avoir étudié diverses options, Rania Salah Seddik prend une décision avisée: renoncer à la vente de détail au profit des canaux B2B. Elle participe à des salons internationaux et fait connaître ses produits aux importateurs, distributeurs et galeristes. Aujourd’hui, elle vend aux États-Unis, en Europe et au Liban. En Egypte, les créations GebRaa sont commercialisées dans les boutiques hors
taxes des aéroports et dans des marchés d’artisanat haut de gamme, et les entreprises en
commandent souvent comme cadeaux d’entreprise. Actuellement, elle développe son site web pour en faire un outil B2B qui s’adressera aux clients égyptiens et étrangers.

Les comptes de GebRaa ne sont plus dans le rouge depuis les premiers bénéfices de 2017, avec un chiffre d’affaires annuel de 300.000 livres égyptiennes. Cette réussite, loin d’être aisée, témoigne du cran et de la ténacité de Rania Salah Seddik depuis 2011, au lancement de son initiative grâce aux 8000 dollars du prix SEED d’encouragement à l’entrepreneuriat dans le développement durable. « Mais les choses restaient encore très difficiles », se souvient la fondatrice. «J’ai donc participé à un concours de la Banque mondiale et remporté 25.000 dollars. Cela m’a aidé à relancer mon projet à plus grande échelle. J’ai recruté quelques employés et contacté plusieurs artisans dans diverses provinces égyptiennes. J’ai aussi sollicité des membres de la diaspora égyptienne pour m’aider à trouver des marchés pour nos produits».

Depuis 2014, GebRaa a fixé son siège social au Campus GrEEK, le premier parc technologique et d’innovation du Caire. L’entreprise compte quatre employés, trois stagiaires et une équipe d’entrepreneurs indépendants. Rania Salah Seddik a pour vision que GebRaa devienne un tremplin pour d’autres initiatives. Elle a déjà lancé une fondation, Karama, pour favoriser de nouvelles générations d’artisans par le biais de programmes d’apprentissage et de formation continue. «Nous avons récemment reçu une subvention de 250.000 dollars de la Fondation Drosos pour contribuer à relancer l’artisanat égyptien des incrustations», se réjouit-elle. «Tout ce dont nous avons désormais besoin, c’est de l’approbation du gouvernement».

A plus long terme, Rania Salah Seddik espère que la fondation Karama (qui signifie «dignité») permettra de répondre aux besoins fondamentaux des communautés où vivent et travaillent les artisans: eau potable, réseaux d’égouts, éducation. En fin de compte, elle aimerait que GebRaa fasse assez d’argent pour financer une grande partie du travail de Karama, bouclant ainsi la boucle dont le début n’est autre que l’artisan assis à son métier à tisser ou devant son établi…

Par Mohamed Elporame pour Al Masry Al Youm

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