Attentats: Comment en parler aux enfants?
C'est important de parler avec les enfants de ce qui s'est passé. C'est même nécessaire disent unanimement les psys interrogés sur le sujet, car si les enfants ont été submergés d'infos et d'images, on aurait tort de croire qu'ils sont surinformés. En fait, ils sont plutôt perdus; ils ont besoin de s'exprimer à ce sujet et que les adultes leur donnent des grilles de perception et de projection dans l'avenir.
Voici quelques-unes des recommandations de la Catherine Jousselme (pédopsychiatre), de Geneviève Djenati (psychothérapeute de la famille) ou de Serge Tisseron (psychanalyste)
Eviter de laisser la télé allumée en permanence
Ils peuvent avoir vu ou voir certaines images et débats à la télévision mais évitez de laisser la télévision allumée en permanence. Ces images répétitives sont anxiogènes
"Tu n'y es pour rien"
C'est important d'entendre les enfants, d'écouter les mots qu'ils disent et de leur donner des réponses honnêtes dans les mots de tous les jours, quitte à leur dire: "Ce qui s'est passé est terrible et très angoissant. Je ne trouve presque pas les mots pour en parler mais tu n'y es pour rien".
Qu'est-ce que tu en penses?
C'est aussi judicieux de demander à l'enfant ce qu'il en pense, de lui montrer qu'il est un interlocuteur dans la famille parce que, "si on l'exclut, si on est en défaut de communication sur ce coup-là, cela peut avoir des conséquences sur toutes les communications familiales ultérieures".
Leur donner des repères didactiques
Pour les aider à mieux comprendre, ce peut être bien de leur donner des repères dans le temps et dans l'espace, de leur montrer sur une carte un aperçu de ce qu'est "daesh", sans rentrer dans les détails les plus sordides.
Est-ce que ça peut nous arriver à nous?
C'est important aussi de comprendre que les enfants sont peut-être préoccupés par autre chose que les adultes. Par exemple: "est-ce qu'ils pourraient venir dans notre maison?" Et recadrer, les rassurer à ce sujet.
Les parents peuvent aussi admettre qu'en tant qu'adultes, il y a des réponses qu'ils n'ont pas, qu'ils ne savent pas.
Mais sans les angoisser, tout en les rassurant quelque peu. ils peuvent par exemple expliquer que les militaires et les policiers qui patrouillent dans les rues, sont là pour nous protéger.
Est-ce que ça va encore se passer?
Type de réponse préconisée: "Et bien, écoute, je n'en sais rien, j'espère que non. Il y a des questions auxquelles nous n'avons pas de réponse. Mais la police et l'armée développent des systèmes de plus en plus efficaces pour éviter que cela arrive encore".
Et s'ils ont des propos agressifs à l'égard de leurs petits condisciples musulmans?
C'est le rôle des parents de faire en sorte qu'il n'y ait pas de propos déplacés. N'hésitez pas à dire: "Ce qui s'est passé est horrible. La majorité du monde est scandalisée. La majorité des musulmans est aussi scandalisée que nous. Restons bien unis contre les terroristes, nous serons plus forts".
Faut-il les emmener dans des manifestations de solidarité?
Les enfants sont en première ligne. Bien sûr qu'il faut les associer si nous participons à un mouvement de solidarité. Ils en seront gratifiés et cela leur donnera davantage confiance en l'avenir et dans les autres êtres humains.
Faire passer un message positif aussi
Faire valoir que, à côté de ces terroristes, c'est bon de voir à quel point les gens réagissent solidairement, peuvent s'entraider et en profiter pour promouvoir de telles valeurs afin de rendre le monde meilleur.
Des conseils selon les âges
Avec des enfants de moins de 6 ans
En rester à l'information, sans montrer trop d'images. Parler de ce qui s'est passé en disant que c'est grave pour tout le pays, que cela nous touche et nous émeut. Mais ces enfants doivent percevoir que les adultes sont là pour les protéger et que tout le pays s'organise pour protéger tous les habitants.
Avec des enfants un peu plus grands (jusqu'à 10-12 ans)
C'est bien de pouvoir en parler, mais sans devancer leurs questions. Apportez des réponses franches quand eux en parlent mais en faisant bien passer le message que les adultes et l'Etat veillent à ce que cela ne se reproduise pas même s'ils ne peuvent le garantir à 100%.
Avec des ados
Difficile de canaliser l'information à laquelle ils ont accès via la télé, les réseaux sociaux. "Il faut les aider à cadrer leurs réactions et redonner des informations simples sur la loi qui protège la liberté d’expression et pose l’interdit du meurtre ainsi que la nécessité d'être solidaires face à un événement d’une telle violence qu’elle peut entraîner des réactions en chaîne. Il est important qu’ils sentent que les adultes sont des soutiens solides, tant dans la famille qu’à l’école".
Et s'ils font des cauchemars dans les semaines qui suivent?
Certains peuvent être plus touchés que d’autres malgré l’attention des parents. "Un enfant qui ferait des cauchemars fréquents dans les semaines qui viennent, qui perdrait le goût de jouer ou de manger devra être l’objet d’une attention toute particulière. Il faudra l’inciter à s’exprimer, en discutant, en dessinant avec lui. Voire en lui permettant de rencontrer un professionnel – médecin, psychologue, psychiatre – qui saura l’aider".
Nicole Burette