Dans le très réussi Carnivores, la talentueuse actrice incarne Mona une comédienne en mal de succès (et de rôles) qui, à défaut, devient l’assistante de sa petite sœur (Zita Hanrot), actrice à succès; avant de s’immiscer, un peu trop, dans la vie de cette dernière. Rencontre.

Je n’avais jamais joué de personnage aussi trouble.

Vous racontez que quand vous avez lu le scénario de Carnivores, vous avez eu peur… Pourquoi?
En lisant le scénario et en comprenant le personnage qu’on me proposait, je me suis rendue compte que, jusque là, je n’avais jamais joué de personnage aussi trouble. Certes, j’ai déjà joué des personnages qui sont loin de moi, de ma vie, et pour être honnête, c’est ce que je préfère parce que c’est plus jouissif, mais aussi trouble et violent, ça m’était jamais arrivé et ça m’a fait peur. En plus, je n’avais pas de béquille, c’est-à-dire que je ne pouvais même pas me reposer sur un quelque chose que je connaissais comme ma famille par exemple. J’ai un grand frère et une grande sœur qui ont 7 et 8 ans de plus que moi mais avec qui je n’entretiens pas du tout un rapport de rivalité. Mais bon, c’est chouette d’avoir peur! Moi, ce sont les peurs qui m’animent. Je pense que, paradoxalement, le jour où je n’aurais plus peur, ça me terroriserait.

Ce personnage, à l’opposé de vous, vous êtes allée le chercher où?
Ce qui était très important pour moi, c’était de savoir que j’allais aborder ce personnage avec amour. Ce sont deux sœurs qui s’aiment; qui s’aiment mal, certes, mais qui s’aiment. Ensuite, j’ai travaillé ce rôle physiquement, j’ai adopté une autre manière de marcher, une autre manière de parler. Mais déjà, d’aborder le personnage avec beaucoup d’amour, c’était primordial pour raconter cette histoire.

Jérémie et Yannick ont mis beaucoup de choses personnelles dans cette histoire, c’était une pression supplémentaire pour vous?
Non… La pression elle est toujours là mais parce que tu as envie de donner à tes metteurs en scène ce qu’ils veulent, qu’ils soient heureux. Pour ce film, on était tous dans le même bateau. Il y avait beaucoup de tension dans nos personnages mais dans la vie on riait beaucoup. C’était assez joyeux comme tournage. Pour le reste, c’est tout qui t’aide,  une équipe où chacun, à son poste, fait en sorte que tu puisses raconter cette histoire.

Vous évoquez l’amour de ces deux sœurs, on sait que vous vous êtes très bien entendue avec Zita Hanrot, ça vous a aidée?
On a vraiment eu un coup de cœur avec Zita, c’était assez animal comme rencontre. Après, pour être tout à fait honnête, on aurait très bien pu raconter cette histoire même si on n’avait pas été comme ça. Mais il est clair que ça a facilité énormément de choses et que, pour moi, on peut plus rentrer dans des zones d’ombre, de tension et de violence quand tu pars d’amour et de bienveillance. C’est plus intéressant.

Ce métier, c’est une sorte de fantasme, tu vis la vie des autres.

Dans la façon d’agir de Mona, on peut percevoir une forme de jalousie sournoise… Vous êtes une jalouse?
Non. Enfin, quand j’étais petite, j’étais jalouse parce que ma copine avait une robe qui tournait ou parce que ma copine était blonde aux yeux bleus… Moi j’avais les cheveux bouclés et ma copine les cheveux lisses… Mais je pense que dans le film, ça va plus loin que la jalousie. Il y a des problèmes plus profonds qui viennent de la mort de leur père, de leur enfance… Mona, qui est dans l’ombre, ne rêve que de lumière et Sam, qui est dans la lumière, ne rêve que d’ombre au final.

Vous parlez de cette violence du personnage, vous avez été surprise de trouver cette violence en vous?
Oui. Je n’aurais pas pensé… C’est peut-être ça qui me faisait peur. Je vis assez intensément les choses dans la vie, je me laisse tellement traverser par mes émotions, quand j’ai envie de pleurer, je pleure, quand j’ai envie de rire, je ris quand, j’aime, j’aime… Tout ce que n’est pas Mona. C’est aussi pour ça que je l’aime ce métier, c’est une sorte de fantasme, tu vis la vie d’autres gens.

“Carnivores”, actuellement en salle.

Retrouvez l’interview de Yannick & Jérémie Rénier à propos du film dans le Femmes d’aujourd’hui du 19 avril.

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