Chemin de Compostelle: nos réponses à 10 questions-clés
Où commencer? Que prendre dans son sac? Quel budget prévoir? Et surtout, où dormir? Soline, journaliste, répond aux interrogations les plus fréquentes sur l’itinéraire.
En avril 2023, j’ai eu le plaisir de vivre cette expérience inoubliable: parcourir 800km à pied en un mois, avec mon sac à dos pour seul bagage. Et j’ai remarqué que mon aventure suscitait de nombreuses interrogations. J’ai listé ici les plus fréquemment posées.
Où commence le chemin de Compostelle?
“Toutes les routes mènent à Santiago de Compostela”, dit le dicton. Enfin, presque. Il n’existe pas un, mais des chemins de Compostelle. L’Espagne est en effet traversée par de nombreux itinéraires “officiels”, débutant de Valence, Irún, Séville ou encore Ferrol. Le plus fréquenté est le Camino Francés (le chemin français), d’environ 800km, qui débute à Saint-Jean-Pied-de-Port dans les Pyrénées françaises. C’est celui-là que j’ai parcouru et pour lequel je peux partager mon expérience. Certains pèlerins réalisent avant ça le GR 65 depuis le Puy-en-Velay, tandis que d’autres débutent… de leur domicile!
Depuis la Belgique…
En Belgique, il existe d’ailleurs une dizaine de chemins traversant le pays. Il n’y a donc pas de règle: tout dépend de la forme physique, du temps dont on dispose et surtout, de l’envie.
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Faut-il se préparer physiquement?
Je ne me suis pas spécialement entraînée, mais j’ai 28 ans, j’aime marcher et je ne connais pas de problèmes de santé. J’ai rencontré lors de mon pèlerinage des personnes qui avaient beaucoup plus d’expérience que moi en randonnée itinérante, des sportifs endurcis, mais également des aventuriers non aguerris partis sur un coup de tête, d’autres qui n’étaient pas vraiment en forme ou qui avaient même des soucis moteurs.
Le Camino Francés ne présente pas de difficultés insurmontables. Il faut toutefois connaître ses limites et accepter de faire des étapes plus courtes ou de prendre des jours de repos de temps en temps, si nécessaire. Pour se faciliter la tâche, il est possible de faire transporter son sac d’un lieu à l’autre.
Quels indispensables emporter?
L’équipement influence réellement le bon déroulement de l’expérience. On ne le dira jamais assez: de bonnes chaussures et chaussettes font toute la différence (mais n’oubliez quand même pas de prendre un nécessaire pour soigner les ampoules!), ainsi qu’un sac à dos léger et adapté. Des bâtons de randonnée peuvent aussi se révéler utiles. Depuis la crise sanitaire, il faut emporter son sac de couchage, les auberges ne mettant plus de couverture à disposition. Si en été, un simple “sac à viande” est suffisant, le reste de l’année, les nuits peuvent être fraîches. J’ai rencontré plusieurs pèlerins forcés de s’arrêter au Décathlon de Pamploma (première grande ville sur le chemin)…
Où dormir?
Tout au long du chemin, des auberges accueillent les pèlerins. Certaines acceptent uniquement les voyageurs dotés de la crédentiale (ainsi se nomme le passeport des marcheurs). Les réservations ne sont généralement pas possibles: ne vous étonnez pas si vous découvrez à l’arrivée qu’il n’y a plus de lits disponibles (surtout lors de la haute saison, en été). Le camping/bivouac n’est quant à lui pas vraiment pratiqué puisqu’il y a très peu de campings sur le chemin et qu’en Europe, le camping sauvage est interdit. Pensez donc à vous renseigner au préalable pour calculer les étapes: il se peut en effet qu’une quinzaine de kilomètres séparent deux options de logement (une distance considérable si on en a déjà parcouru 25!).
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Combien de kilomètres effectue-t-on par jour?
Le Camino Francés est découpé en 33 étapes, allant de 18 à 35km. À Saint-Jean-Pied-de-Port, si vous vous procurez la crédentiale au Bureau des Pèlerins, vous obtenez la liste de ces étapes, ainsi que les logements par ville et village. Chacun suit cependant son propre planning, selon ses conditions physiques et en fonction des places disponibles en auberge (il m’est arrivé de marcher une quinzaine de kilomètres supplémentaires car tous les dortoirs étaient complets). J’ai finalement mis 29 jours pour atteindre Saint-Jacques, avec un minimum de 19km et un maximum de 42km (c’était beaucoup!).
Mon livre fétiche
Pour bien planifier mon itinéraire, je me suis fiée au guide des Éditions Rando de Glénat, l’un des plus complets à mes yeux. Chaque halte y est décrite, avec les infos techniques (kilomètres, dénivelé…) et les bonnes adresses (à visiter, où manger, dormir…).
Quel budget prévoir?
Comptez maximum 30€ par jour, mais il est tout à fait possible de s’en sortir pour moins si vous faites vos courses et cuisinez vous-même (lorsque l’auberge a une cuisine, ce qui n’est pas toujours le cas). À titre informatif, une nuitée coûte entre 8 et 15€ pour un lit dans un dortoir – la note grimpe évidemment si vous vous octroyez une chambre individuelle ou une chambre double. La plupart des cafés et restaurants proposent des “menus pèlerins” pour une dizaine d’euros, tandis qu’un lunch (une tortilla et une boisson) coûte environ 5€.
Une partie à privilégier?
Si vous manquez de temps, les 100 derniers kilomètres suffisent pour obtenir la Compostela (le certificat de pèlerinage, autant dire le Graal!) à l’arrivée, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup débutent donc à Sarrià, séparée de 114km de la destination finale. Résultat: cette partie est bien plus touristique que le reste du chemin (on le voit aux prix plus élevés et aux infrastructures plus sophistiquées) et trop courue (on se retrouve rarement seuls sur le chemin, il y a beaucoup de marcheurs avec guide, de nombreux groupes scolaires…).
J’ai adoré la ville de Burgos, que j’aimerais visiter dans un autre cadre (sa cathédrale est vraiment splendide, l’intérieur aussi!), et la partie suivant Foncebadón, dans la montagne, qui était recouverte de jolies fleurs mauves.
Mais à mon sens, ce qui compte réellement sur le Camino, c’est l’ambiance. Et elle ne s’expérimente qu’en se donnant le temps. Je conseillerais dès lors de se lancer pour minimum deux semaines, depuis Saint-Jean-Pied-de-Port. On ne débute ainsi pas seul(e) et cette durée permet de s’ancrer réellement dans l’expérience. Libre à vous par ailleurs de réaliser l’entièreté du pèlerinage en plusieurs fois, ce qui est très commun: de nombreuses personnes reprennent d’année en année le chemin là où elles s’étaient arrêtées jusqu’à ce qu’elles le terminent.
Le pèlerinage a-t-il toujours une connotation religieuse?
Le Camino reste un pèlerinage catholique: tout au long du chemin, des messes sont organisées pour les pèlerins, des églises et cathédrales ponctuent l’itinéraire, des paroisses tiennent des auberges… Plusieurs lieux-clés sont liés à la religion, telle que la cathédrale de Saint-Jacques, où se termine l’aventure. Ou encore la Cruz de Ferro, une croix en fer où, depuis toujours, les pèlerins déposent une pierre transportée depuis le lieu de départ, représentant ce qu’ils souhaitent laisser derrière eux. J’ai par ailleurs eu la “bonne idée” de démarrer à Pâques, période symbolique très prisée par les croyants espagnols, qui profitent de la Semaine sainte pour marcher.
Il n’est pas rare qu’on vous demande la raison pour laquelle vous êtes là…
Cependant, dans la globalité, très peu de marcheurs sont présents pour des raisons religieuses. La majorité des pèlerins entreprennent ce voyage pour des motivations personnelles et spirituelles au sens large. Tous ceux que j’ai rencontrés avaient ce besoin de prendre du recul et de faire le point sur leur vie. C’est une ambiance très étrange: lors du premier échange avec un(e) inconnu(e), il n’est pas rare que celui/celle-ci demande la raison pour laquelle on est là, considérant d’emblée qu’il y a une explication profonde. On se retrouve donc vite à se confier, à réfléchir, à s’interroger… C’est vraiment un lieu favorable à l’introspection, qui permet de déconnecter de la vie quotidienne. Il y a bien des personnes pour qui le chemin est un simple défi sportif, mais elles sont minoritaires.
Est-ce dangereux en solo?
Je n’ai ressenti aucune insécurité sur le chemin. Tout d’abord parce qu’il est très bien balisé et qu’il est donc presque impossible de se perdre, ce qui est déjà rassurant. Ensuite, parce que ceux qui se lancent dans cette aventure sont généralement dans un état d’esprit bienveillant. Il en est de même pour ceux qui tiennent les auberges et cafés: beaucoup d’entre eux ont réalisé le pèlerinage et sont venus s’installer par la suite, tandis que les locaux adorent la convivialité entre pèlerins.
Enfin, même si la solitude est comprise et respectée, on n’est pas nécessairement seul(e) pendant cette aventure: lors d’une pause, d’un repas à une auberge ou au détour d’un sentier, c’est assez facile de discuter. Au fil des jours, on revoit les mêmes têtes et des amitiés se nouent, entre ceux qui marchent à la même allure ou ceux qui ont, par hasard, décidé de s’arrêter aux mêmes étapes. J’ai commencé à Saint-Jean en solo, mais fêté mon arrivée à Saint-Jacques avec cinq amis rencontrés sur le chemin.
Quel est ton meilleur souvenir?
Les endroits où s’arrêter sur le chemin ne sont pas si nombreux (sauf sur les 100 derniers kilomètres). On se retrouve donc souvent toutes et tous dans le premier (et parfois seul) café de chaque village traversé. Après avoir quitté Ponferrada sous la pluie, je me suis arrêtée pour prendre mon petit-déjeuner dans le premier endroit ouvert et j’y ai retrouvé Veronica, Kinsey, Alain, Marie et Abbie, mes rencontres les plus chères. Ça faisait plus de 20 jours que je marchais et je suis finalement restée une heure dans ce bar miteux: pendant tout ce temps, chaque personne qui entrait nous connaissait et était heureuse de nous voir. On se disait bonjour en criant, surpris de se tomber dessus (même si la probabilité n’était pas si mince), puis on discutait de la météo et des prochains arrêts.
À mon sens, ce qui compte réellement sur le Camino, c’est l’ambiance
C’est difficile à décrire mais c’était vraiment un moment hors du temps qui définit bien ce que cette expérience a été à mes yeux: me connecter avec de belles personnes et profiter de moments simples avec elles.
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