autrice Marzena Sowa
Marzena Sowa est autrice de BD et réalisatrice. On l'a rencontrée! © Chloé Vollmer

Interview: Marzena Sowa, raconteuse d’histoires

Scénariste de BD et créatrice de documentaires multirécompensée, Marzena Sowa a une passion: raconter la vie, dans toute sa richesse et sa complexité. Elle nous a consacré une interview fin 2024.

2024 a été une année très intense pour l’autrice. Elle a multiplié les parutions, tant côté BD et littérature jeunesse que film documentaire.

Quitter la Pologne pour la France

Vous avez grandi en Pologne, sous le Communisme, puis en France et en Belgique. Pourquoi avoir quitté la Pologne?

“Je rêvais d’autre chose et la France incarnait pour moi ce rêve depuis que j’avais rencontré une de mes tantes françaises. J’avais 7 ans. Autour de moi, les femmes portaient toutes des jupes jusqu’en dessous du genou, et une permanente. Elle, elle était libre: elle portait un jeans, un t-shirt et des baskets, elle n’était pas coiffée… Cette tante incarnait le monde auquel j’aspirais pour l’avoir vu à la télé. Elle m’a fait réaliser que ce monde existait vraiment, qu’il était accessible. Quand j’ai pu apprendre une langue étrangère, j’ai choisi le français. C’était comme pouvoir devenir quelqu’un d’autre, comme pouvoir choisir ma vie. J’étais née polonaise, mais je me choisissais française”.

Vous racontez votre enfance dans la BD Marzi. Comment est née cette aventure?

“Je fêtais Noël avec Sylvain Savoia, dessinateur de BD et mon compagnon à l’époque, et je lui racontais les traditions polonaises: on achetait une carpe vivante pour le repas de Noël et on la conservait dans la baignoire jusqu’au dernier moment, pour qu’elle reste fraîche malgré les coupures d’électricité. Il m’a conseillé d’écrire mes souvenirs pour ne pas les oublier”.

Vous aviez déjà eu envie de faire de la BD?

“Non, je voulais devenir interprète ou traductrice. J’avais envie de lier les mondes, de permettre aux gens de se comprendre. Quand on a commencé Marzi, je ne me sentais pas à ma place. D’ailleurs, au début, on était installés à Bruxelles et je cherchais un ‘vrai’ boulot: serveuse ou intérimaire…

Il y a 20 ans, la BD était un milieu très masculin et je ne me reconnaissais pas dans les sujets abordés. J’ai d’ailleurs essuyé pas mal de refus. Aujourd’hui, ce sont plutôt les éditeurs qui viennent me chercher. Et dans les salons, il y a plus d’autrices et plus de sujets qui me parlent. Je me sens aussi plus à ma place depuis que j’ai commencé à écrire des BD jeunesse, avec les éditions La Pastèque à Montréal, parce qu’ils m’ont fait confiance sans même connaître Marzi et que j’ai commencé à parler d’autre chose que de la Pologne”.

Marzena ne s’arrête pas…

Dernièrement, vous avez cumulé des albums très variés!

“Oui! En 2023, il y a eu La petite évasion qui a remporté le Prix des Écoles à Angoulême. En 2024, j’ai adoré travailler sur Vivian Maier avec Émilie Plateau et sur Petit Pays, de Gaël Faye, avec Sylvain (Savoia, ndlr). Sans oublier notamment le western Dirty Rose et la BD jeunesse un peu hybride Hibou abasourdi avec la Bruxelloise Johanna Lorho”.

Comment naissent vos idées?

“Ce sont surtout des rencontres. J’ai discuté avec Émilie Plateau à la Fête de la BD à Bruxelles, de son projet sur Vivian Maier (une photographe américaine, ndlr) et elle a fini par me proposer de réaliser le scénario… Pareil avec Geoffrey Delinte, dessinateur, qui m’a raconté les vacances qu’il a passées avec son père dans la cabine de son camion: j’ai trouvé ça génial!”.

En plus, devenir camionneuse a été un de vos rêves d’enfance…

“Oui, j’aime l’idée d’être sans cesse en mouvement, d’être comme un escargot avec tout à portée de main et de pouvoir se poser où on veut, de rencontrer de nouvelles personnes. Pour moi, c’est l’image de la vie. Cela correspond sans doute aussi au fait que j’ai du mal à m’installer quelque part”.

Passage au grand écran

Quand avez-vous décidé de créer des films documentaires?

“C’est encore grâce à une rencontre! Une de mes amie faisait l’école Agnès Varda, à Bruxelles. Je m’y suis inscrite et j’ai appris à filmer, éclairer, enregistrer le son… Mais je me suis très vite rendu compte que ce qui m’intéressait le plus, c’était de raconter des histoires. Dans The Godmother, j’ai filmé ma tante, Niuśka, l’héroïne de mon enfance. Je la trouve très forte et j’avais envie de lui donner la parole, parce qu’on peut la voir dans Marzi, mais sans réellement entendre sa voix: c’est moi qui mets des mots dans sa bouche. Niuśka m’a un jour avoué n’avoir jamais été heureuse de sa vie. Et je me suis demandé s’il en aurait été autrement si elle avait, comme moi, quitté le pays à la recherche du bonheur en Occident.

Réaliser un film est un travail de funambule: on est à la fois fort et fragile

Comme mon premier petit court métrage (une pépite visible sur sa chaîne YouTube, ndlr) avait été remarqué par ARTE, je me sentais en confiance pour réaliser ce film, même si ça reste un travail de funambule: on est à la fois fort et fragile, parce qu’on ne sait pas quel accueil on aura. D’ailleurs, il y a eu seulement deux projections publiques, à Bruxelles et à Paris et les deux fois, j’étais dans la salle, angoissée, à guetter les réactions du public. Sentir l’accueil chaleureux à Bruxelles a été une consécration. Et je reçois encore des messages de spectateurs qui le découvrent (le film a été diffusé sur ARTE, France Télévisions et est encore visible sur BeTV, ndlr)”.

Comment imaginez-vous le futur?

“L’adaptation du livre Le racisme expliqué à ma fille de Tahar Ben Jelloun va sortir aux éditions du Seuil. J’ai un projet de BD avec Geoffrey Delinte, et de documentaire sur la Pologne… Et je serais bien sûr ravie d’adapter Jacaranda (le nouveau roman de Gaël Faye, prix Renaudot, ndlr), après l’expérience Petit Pays“.

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