
Témoignage: “J’ai perdu mon bébé, Louis, à 8 mois de grossesse”
“C’était le 24 décembre 2014, j’étais enceinte de 7 mois. J’avais rendez-vous chez la gynéco pour un simple contrôle de routine. Mathieu, mon compagnon et Alice, notre fille, étaient là aussi, car on partait ensuite chez ma belle-mère pour le réveillon. On se réjouissait de montrer à tous l’échographie de notre fils, qui devait naître début février. Très vite, la gyné a changé d’attitude, elle s’est concentrée un peu plus. Je l’ai remarqué tout de suite. ‘Il y a du liquide dans le cerveau, ce n’est pas normal. Il faut immédiatement aller faire des analyses complémentaires à l’hôpital.’
L’échographie a confirmé qu’il y avait ‘un sérieux problème’. J’ai dû faire un scanner et une amniocentèse. On était en panique totale. En deux heures de temps, on est passés d’un chouette moment où on se disait ‘On va voir notre petit bout’ à un moment horrible où on nous a dit ‘Il faut envisager d’interrompre la grossesse’. C’était d’autant plus difficile à entendre qu’on avait créé un bon contact avec Louis. On faisait de l’haptonomie, il était super réceptif. Dès qu’on posait les mains sur mon ventre, il bougeait beaucoup, il reconnaissait la voix de sa sœur…
Une décision personnelle
Quelques jours plus tard, on a eu rendez-vous chez le neurologue pour analyser les résultats du scanner. Il ne nous a pas poussés à interrompre la grossesse, il estimait que c’était une décision personnelle. Par contre, il nous a dit que si Louis naissait, il ne pourrait jamais marcher, ni parler ; il n’aurait même pas conscience d’être là. On était dévastés par le chagrin. Par après, on a appris qu’il avait eu une hémorragie. Il serait décédé de toute façon à sa naissance. En revanche, ni l’autopsie ni aucun test n’a pu révéler la cause de cette hémorragie. On ne saura jamais ce qui s’est passé…
Je me souviens qu’un mois plus tôt, en me relevant de mon canapé, j’avais ressenti une douleur comme un coup de poignard dans le ventre. Ça m’avait fait mal toute la journée. J’en avais parlé à la gynéco et à la sage-femme. Selon elles, c’était sûrement musculaire. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Mais moi, j’avais senti qu’un truc n’allait pas. Quand on a su qu’il n’y avait plus rien à faire pour Louis, on a voulu interrompre la grossesse au plus vite, car c’était très difficile. Je continuais à le sentir bouger, Alice voulait toujours lui parler… Comme c’étaient les vacances de Noël, on a dû attendre. D’une certaine façon, j’ai profité de ces 15 derniers jours pour lui dire au revoir… avant le pire jour de ma vie.
Tellement injuste
Ce jour-là, ‘l’éminent professeur’ dont je ne sais même plus le nom a déboulé dans la salle d’examen avec une dizaine d’étudiants, comme s’ils entraient dans un auditoire, sans même me regarder. Il a éteint la lumière pour faire une dernière écho: ‘Vous voyez, ici, y a pas le choix, il faut interrompre la grossesse… Qui veut essayer ?’ Une étudiante a levé le bras : ‘Moi, je veux bien!’ C’est une intervention qui se pratique avec une gigantesque aiguille, comme pour les péridurales. Elle a dû s’y reprendre à trois fois avant de réussir son coup, je crevais de mal. C’était si triste comme moment. On voit notre bébé bouger sur l’écran de l’écho et trois secondes après l’injection, c’est fini. Il ne bouge plus… Tout le monde est parti, nous laissant seuls, Mathieu et moi… Jusqu’à ce qu’une infirmière passe sa tête: ‘Il faut libérer la place parce qu’on a des consultations.’ Zéro tact, alors que toi, tu viens de vivre le pire moment de ta vie! On m’a ensuite gavée de médicaments pour accélérer l’accouchement. Le lendemain matin, Louis est mort-né. C’était un bébé parfait, si beau. C’est tellement injuste…
Le jour des funérailles de Louis, nous avons eu énormément de soutien. Même s’il y a toujours des gens qui manquent de délicatesse, du style ‘C’est pas grave, vous en ferez un autre’. Mais personne ne remplacera jamais Louis. Jamais.
Comment on fait pour surmonter ça? J’ai d’abord eu droit à mes 3 mois de congé de ‘maternité’, ce qui m’a permis de reprendre pied. J’ai lu des témoignages, ça m’a aidée de voir comment s’en sont sorties d’autres personnes qui ont vécu la même épreuve. J’ai vu une psychologue et je me suis aussi inscrite à un cours de céramique. Me concentrer sur le travail de la terre parmi des gens qui ne connaissaient pas mon histoire m’a permis de penser à autre chose. C’est ça qui m’a donné envie de suivre une formation en art-thérapie, et de me reconvertir professionnellement.
Pas épargnée…
Les résultats de l’autopsie et des tests ADN, qui sont parvenus au compte-gouttes, nous servaient juste à éliminer des possibilités, ils n’apportaient aucune réponse. Pour les médecins, cela revenait à dire que c’était ‘la faute à pas de chance’, et qu’il n’y aurait donc pas forcément d’incidence sur les grossesses futures. Ils voyaient du positif là où nous, on aurait aimé avoir une solution pour que ça n’arrive plus.
L’été suivant, j’ai reçu la facture de tous ces tests. Elle était adressée à mon petit garçon… à qui le courrier reprochait un ‘défaut de mutuelle’. Sans blague? Bien sûr, qu’il n’avait pas de mutuelle, puisqu’il était mort! J’ai dû aller sur place, réexpliquer mon histoire à plusieurs reprises, faire un tas de démarches administratives. Déjà qu’on avait dû courir pour récupérer les photos – introuvables! – qu’une infirmière avait faites de Louis à sa naissance. Je trouve ça vraiment très pénible: il faut à chaque fois raconter sa vie, souvent à un bureau où tout le monde autour entend…
Ce sont des choses qui pourraient nous être épargnées. Comme cette remarque blessante que m’a faite ma gynéco, un mois après l’accouchement, alors que j’avais rendez-vous pour un contrôle. Elle avait plus de deux heures de retard. J’avais dû poireauter dans la salle d’attente, entourée de femmes enceintes ou avec leur bébé, comme j’aurais dû avoir le mien… Quand enfin, ça a été à mon tour, qu’elle m’a demandé comment j’allais et que j’ai répondu que je venais de passer deux heures atroces, elle m’a rétorqué ‘Il faut prendre sur soi madame !’ J’ai changé de gyné…
Avant Alice, déjà, j’avais fait deux fausses couches, dont une à trois mois de grossesse. Le médecin des urgences avait ‘sorti’ le fœtus et l’avait laissé à côté de moi, dans une bassine, alors qu’il avait déjà la forme d’un bébé. Franchement, au niveau de la psychologie des gynécos, il y aurait beaucoup de choses à revoir… Peut-être qu’ils pratiquent ce genre d’intervention tous les jours, et tant mieux si ça ne les touche plus. Mais ils pourraient se dire que pour la patiente en face d’eux, c’est une tragédie.
Deux ans jour pour jour
Cela a pris un an pour retrouver la force et l’envie d’avoir un autre bébé. Je suis tombée enceinte en mars de l’année suivante. J’ai été suivie par des sages-femmes extraordinaires, dans un tout autre hôpital. Mais j’ai eu peur tout au long de ma grossesse. En plus, autant Louis bougeait beaucoup, autant William était d’un calme… On a aussi fait des séances d’haptonomie pour lui, mais quelque part, c’était différent. On se protégeait, on s’impliquait moins. J’ai attendu longtemps avant de préparer sa chambre. Par superstition, je ne voulais rien acheter avant qu’il soit là. Jusqu’au bout, je m’attendais à ce qu’il y ait un problème.
Quel soulagement ça a été quand il est né – avec le cordon autour du cou, on a frôlé le drame! C’était le 27 décembre 2016, presque deux ans jour pour jour après… Parfois, on regarde William, et on se demande comment Louis aurait été au même âge. On ne pourra jamais le savoir. Mais on se dit aussi que si Louis avait été là, on n’aurait pas eu la chance de connaître William. C’est la vie…”
Témoignage recueilli par notre journaliste Stéphanie Ciardiello.
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