Témoignage: “Je suis accompagnante sexuelle”
L’accompagnement sexuel est un moment d’intimité offert à une personne en situation de handicap en demande de relations sexuelles. En Belgique, ils sont 15 accompagnants francophones et 15 néerlandophones à proposer ce service, cadré par l’ASBL Aditi. Parmi eux, Michèle, 38 ans.
“C’est suite à un reportage télé que j’ai pris contact avec l’association Aditi. C’était à une époque où je ressentais l’envie de donner une autre direction à ma vie, à côté de mon travail. J’avais besoin de combler quelque chose dans l’équation ‘donner et recevoir’. Impressionnée par le projet très humain et le sérieux de l’ASBL, je voulais savoir quelle était la structure qui la sous-tendait. Ma décision prise – après une longue période de réflexion -, j’ai entamé un cycle de formations sur les spécificités de la sexualité des personnes en situation de handicap”.
Ce n’est qu’au bout d’un an et demi qu’Aditi propose à Michèle d’assurer sa première prestation, chez un homme atteint d’autisme profond. “Très nerveux au début, il s’est détendu petit à petit, parce que j’avais pris le temps de le laisser me toucher. Avant de partir, sa mère m’a prise dans les bras pour me remercier. Ce moment a été très précieux pour moi. J’ai vu que je pouvais aider quelqu’un en lui offrant un peu de tendresse et de plaisir. Chez ceux que je fréquente régulièrement, je vois le changement: ils deviennent plus calmes et épanouis. Son handicap oublié, la personne se sent écoutée et considérée. Les médecins, les infirmières ou les familles nous font remarquer ces changements”.
Accompagnement sexuel ou prostitution
“J’ai beaucoup de respect pour les travailleurs du sexe, nous dit Michèle, mais les critères des deux activités sont différents. Dans la prostitution, la motivation, c’est l’argent. Dans l’accompagnement sexuel, il s’agit de soins, des besoins d’intimité et de bien-être des personnes en situation de handicap. Les institutions et Aditi essaient de combler ces aspects en gérant le processus qui va de la demande à la prestation concrète. Aditi envoie un accompagnateur et si le déclic ne se fait pas, la prestation ne se réalise pas”.
Faire preuve d’humanité
Celui ou celle qui collaborerait avec Aditi pour des raisons purement matérielles ne tiendrait pas le coup sur la durée. “Il faut se sentir bien dans sa peau et faire preuve de beaucoup d’humanité pour pouvoir le faire. D’ailleurs, les personnes en situation de handicap qui ont un sens très particulier des rapports humains, comme les autistes, ressentent immédiatement si quelqu’un n’est pas sincère avec eux. Dans ce cas, elles bloquent. D’autre part, il n’y a pas suffisamment de demandes pour que l’on puisse vivre de cette activité. On reçoit 100€ pour un accompagnement. Il faut se déplacer vers l’institution où vit la personne ou chez elle… Après chaque prestation, on appelle Aditi pour un feedback qui est toujours intégré dans un cadre de soins et de bien-être géré par des professionnels. Tout cela prend minimum trois heures”.
Michèle nous explique que la pratique lui apporte beaucoup sur le plan personnel. “Quand on me dit: ‘Vous ne vous rendez pas compte du cadeau que vous me faites’, je suis comblée par tant de gentillesse et de sincérité. Cela me porte et me donne de l’énergie positive. J’ai toujours été touchée par les personnes fragilisées. Qu’elles soient handicapées, âgées ou simplement ‘différentes’, j’y vois des êtres humains uniques”.
Un autre métier
Tous les accompagnants sexuels ont un métier. C’est d’ailleurs une exigence d’Aditi. “Il peut se passer plusieurs semaines sans être appelé. Même si c’est lourd émotionnellement, cette collaboration me convient toujours après six ans de pratique car je me sens valorisée en sentant que j’apporte un peu de lumière à quelqu’un”.
La réaction de l’entourage
“J’ai préféré ne pas en parler à mes enfants. Et si mon mari n’avait pas été d’accord, je ne me serais pas lancée dans cette aventure. La seule limite que nous avons fixée ensemble, c’est d’éviter les gestes trop intimes, comme celui d’embrasser. Cette activité m’a appris à aller vers l’essentiel et ne plus me gâcher la vie avec des petits problèmes. Les personnes en situation de handicap que je fréquente me transmettent leur courage et leur joie de vivre. Leur sens de l’humour, leur sincérité et leur tendresse sont de vraies leçons de vie, dont je m’enrichis”.
Texte: Sofia El Baz / Coordination: Stéphanie Ciardiello
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