Témoignages: elles ont subi des violences gynécologiques pendant leur accouchement
Non-respect de l’intimité et de la dignité, culpabilisation voire dénigrement de la femme qui accouche, actes médicaux non consentis… Les cas de violences obstétricales ne sont hélas pas rares. Trois de nos lectrices en ont été victimes.
Les violences gynécologiques ont longtemps été un sujet tabou. Ces dernières années ont permis la libération de la parole des femmes, notamment sur ce sujet épineux. Les réseaux sociaux regorgent d’ailleurs de témoignages de femmes ayant été violentées physiquement et/ou moralement lors de visites gynécologiques ou durant un accouchement.
Qu’est-ce qu’une violence gynécologique?
S’il n’existe pas de définition claire des violences gynécologiques, on peut considérer que le terme regroupe les actes posés qui ne sont pourtant pas justifiés par une urgence médicale, les comportements et/ou les paroles qui intentent à la santé physique et/ou mentale de la femme, ainsi que tous les gestes réalisés sans son consentement pendant un rendez-vous médical et/ou un accouchement.
Trois femmes nous parlent des violences qu’elles ont subies pendant leur accouchement
Nous avons interviewé trois lectrices qui ont été victimes de ce type de violences durant leur accouchement. Elles nous racontent avec émotion et pudeur ce qu’elles ont eu à endurer ce jour pourtant supposé être le plus beau.
Anna a subi des touchers vaginaux non consentis
Anna a 37 ans. Pendant l’accouchement de son fils, elle a subi des touchers vaginaux de la part de nombreux stagiaires.
“Mon fils est né en mars, et l’hôpital grouillait de stagiaires le jour où je me suis présentée pour accoucher. Pas de chance pour moi, j’étais le seul accouchement du jour… Un détail qui a son importance, puisque les sages-femmes m’ont un peu prise pour leur cobaye, demandant aux stagiaires de me faire des touchers vaginaux répétitifs. Au bout de la troisième fois, j’ai demandé à ce que cela s’arrête et que seule une sage-femme puisse m’ausculter. Déjà parce que j’avais l’impression d’être une bête de foire avec deux sages-femmes et trois stagiaires qui observaient mon vagin, et aussi parce que j’en avais assez d’être triturée à chaque fois que l’on devait savoir si mon col avait bougé… Mais une des sages-femmes m’a répondu, le plus naturellement du monde, qu’il ‘fallait bien qu’elles apprennent’.
J’ai compris qu’à aucun moment, elles n’allaient prendre en considération que c’était un être humain qui accouchait, et pas uniquement un vagin. Du haut de mes 25 ans, je n’en menais pas large, alors j’ai tout simplement subi les autres touchers sans broncher, attendant avec impatience de tenir mon fils dans les bras pour que cela cesse. Ce n’est que plus tard, en lisant le témoignage d’une femme sur les réseaux sociaux, que j’ai compris que j’avais été victime de gestes non consentis et donc de violences obstétricales. Je me suis dit: ‘Mais j’ai vécu la même chose!’. Franchement, ça m’a fait un choc d’en prendre conscience… et en même temps, je me sentais enfin légitime d’avoir ressenti cette honte et ce ras-le-bol à l’époque. Parce que d’après mon gynécologue, j’exagérais…”
Hélène a été traitée de “mauvaise mère” parce qu’elle n’arrivait pas à pousser correctement
Hélène a deux enfants de 5 et 8 ans. Lors de son deuxième accouchement, elle a été violentée verbalement.
“Mon premier accouchement s’est déroulé à merveille. Mon fils est arrivé en 3h à peine, après deux ou trois poussées, le tout dans le calme et la douceur. Alors j’étais plutôt sereine quand il s’agissait de penser à mon second accouchement… Sauf qu’il ne s’est pas du tout passé comme je l’imaginais. Ma fille avait du mal à s’engager et l’équipe avait tendance à me faire comprendre qu’il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps avec des remarques telles que: ‘Ben alors ma petite dame, faites un effort pour faire descendre ce bébé’. Pourtant, je faisais mon maximum: je changeais de position, je m’asseyais sur le ballon, etc. À chacun de leur passage ou presque, j’avais droit à un commentaire négatif: ‘Il faudrait un peu s’activer là’, ‘Mais vous ne faites pas bien les choses, ça ne va vraiment pas’. Émotionnellement, je commençais à sombrer.
Quand bébé s’est enfin engagé et que j’ai dû pousser, les violences verbales sont passées à un niveau supérieur: je poussais, mais rien ne semblait bouger. Je m’épuisais littéralement et autour de moi, deux sages-femmes me criaient de plus en plus fort dessus, me disant que je travaillais mal et que ce serait ma faute si ma fille avait des soucis… L’une d’entre elle m’a même dit ceci: ‘Ce n’est pas possible d’être une aussi mauvaise mère!’. J’ai éclaté en sanglots, et quand j’ai eu ma fille dans les bras, je leur ai sommé de sortir de la salle d’accouchement. J’ai crié tellement fort qu’une autre sage-femme est arrivée, à demander à ses collègues de sortir et s’est occupée de moi. Je garde un très mauvais souvenir de cet accouchement. J’ai même le sentiment que ces personnes me l’ont volé”.
Cécile a subi des violences de la part de l’anesthésiste
Cécile a 39 ans et a été malmenée par l’anesthésiste de l’hôpital dans lequel elle a donné naissance à son premier enfant.
“Je me rappellerai toute ma vie de mon premier accouchement, surtout du comportement exécrable de l’anesthésiste: déjà, il est arrivé sans un sourire et m’a parlé sur un ton très désagréable. Il m’a dit: ‘Bon, on se dépêche, on fait le dos rond’, presque en me criant dessus. J’avais beaucoup de difficultés à suivre ses demandes car mes contractions étaient très rapprochées et intenses. Il a donc râlé de plus belle, me disant qu’il n’avait pas le temps d’attendre que je fasse ‘ma diva’. Et je n’étais clairement pas au bout de mes surprises avec lui. Dès que j’ai réussi à me mettre dans une position qui convenait à monsieur (mais qui était très inconfortable pour moi), il m’a piquée comme une brute et a raté son coup par trois fois. Je n’en pouvais plus et j’ai commencé à crier de douleur. C’est là qu’il m’a insultée, me traitant d’hystérique et de folle incapable de se contrôler. Mon compagnon lui a demandé de sortir et à demandé à voir un autre anesthésiste. Soit disant personne n’était disponible, à part cet horrible docteur que je ne souhaitais plus voir. Pendant de longues heures, j’ai dû gérer ma douleur seule, sans que les sages-femmes ne m’accompagnent. Le papa a presque dû supplier l’équipe pour qu’ils viennent me voir et quand ils sont enfin arrivés, le bébé était presque en train de sortir. Encore un peu et j’accouchais seule. J’ai eu deux autres enfants, mais je n’ai plus jamais remis les pieds dans cet hôpital.”
Pour aller plus loin
Le compte Instagram “Balance ton utérus” regroupe les témoignages de femmes ayant vécu des violences gynécologiques pendant un rendez-vous médical ou un accouchement. Des mots qui peuvent faire froid dans le dos!
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