Le cannabis, un antidouleur efficace et pourtant interdit…
Récréatif, le cannabis? Pas seulement! Connue depuis l’Antiquité pour ses vertus médicinales, cette plante a scientifiquement démontré son efficacité dans la lutte contre la douleur. Mais en Belgique, cet usage reste limité.
Le cannabis (ou «chanvre indien») est connu depuis longtemps pour ses propriétés antidouleur, antispasmes, antivomitives et de stimulation de l’appétit. «Il était déjà utilisé dans l’Antiquité pour soulager les douleurs des personnes en fin de vie et des femmes lors de l’accouchement», explique le Dr Dominique Lossignol, chef de clinique à l’Institut Jules Bordet à Bruxelles (ULB) et directeur de l’unité des soins supportifs et palliatifs. «C’est au moment des guerres napoléoniennes, lorsque les soldats ont ramené du cannabis d’Égypte, qu’on a commencé à l’utiliser comme médicament. On a même soigné la reine Victoria avec du cannabis! Mais on s’en est rapidement désintéressé parce que les mécanismes d’action restaient obscurs. Ils n’ont d’ailleurs été découverts qu’à la fin des années 80’.» Les chercheurs comprennent alors que nous avons tous des récepteurs cérébraux au cannabis et que nous produisons notre propre molécule cannabinoïde, l’anandamide – également présente dans le chocolat! Celle-ci intervient dans une série de processus comme la modulation de la mémoire, des émotions, de la douleur et du système de récompense.
Sativex: disponible, mais non autorisé
Au début des années 2000, le Sativex, un médicament à base de deux extraits de cannabis – le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) et le cannabidiol – est mis au point par la firme britannique GW Pharmaceuticals. La Belgique lance alors une vaste étude clinique pour étudier son efficacité en cas de nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie ou la radiothérapie, d’hypertension intraoculaire dans le glaucome, de mauvais état général des patients atteints de SIDA, de spasticité dans la sclérose en plaques et de douleurs chroniques. «Ces deux molécules ont été associées, car elles ont un effet complémentaire. Le cannabidiol permet notamment de compenser l’accélération du rythme cardiaque parfois provoquée par le THC», explique le Dr Dominique Lossignol, qui a participé à cette étude. «Le médicament a montré des effets significatifs dans l’atténuation de la douleur. Mais pour des raisons qui échappent complètement au bon sens, le cabinet de la Ministre de la Santé estime aujourd’hui que les données sont insuffisantes, déplore-t-il. Cela dépossède malheureusement un grand nombre de malades d’un produit qui pourrait les aider.» Serait-ce la conséquence de la mauvaise réputation du cannabis? «Il faut savoir que le Sativex ne procure pas les effets euphorisants et apaisants du cannabis, car c’est toute la biochimie de la plante qui est nécessaire pour cela. Depuis trente ans que je m’occupe du traitement de la douleur, je peux vous dire que je n’ai jamais vu un patient utiliser des médicaments antidouleur à d’autres fins que le traitement de la douleur. Alors oui, le traitement antalgique a aussi un effet anxiolytique chez certains. Mais on ne peut pas leur en vouloir de se sentir soulagés!», commente le Dr Dominique Lossignol.
Le recours à la vente de rue
À ce jour, le Sativex reste donc uniquement autorisé dans la prise en charge des symptômes de spasticité (contractures) de la sclérose en plaques. Bien sûr, tout médecin bénéficie de la liberté thérapeutique et peut donc prendre la responsabilité de prescrire ce médicament en dehors de cette indication. Mais le médicament ne sera dès lors pas remboursé au patient. Or 3 flacons de 10 ml de Sativex avoisinent les 500 euros! Ce qui incite certains malades à se tourner vers la vente de rue…
«En tant que médecin, savoir que des malades ont recours à ces produits sur lesquels on n’a pas de contrôle et dans un contexte complètement illégal me gêne beaucoup. L’argent du cannabis, ne l’oublions pas, ne revient pas dans les caisses de l’État: derrière il y a le commerce d’armes, le financement de partis extrémistes… On sait par ailleurs que le cannabis vendu dans la rue provient de cultures clandestines, avec des engrais et des herbicides dont on ne connaît pas la teneur», s’indigne le Dr Dominique Lossignol.
Une situation d’autant plus étonnante que de nombreux pays, comme le Canada, l’Allemagne, l’Espagne ou Israël, ont mis sur pied des cultures contrôlées de cannabis et autorisent sa délivrance sous forme de «plante» par le pharmacien. «Il y a plusieurs espèces de plantes et certaines ont des effets spécifiques: des substances vont davantage agir sur la douleur, d’autres sur les nausées, etc.», précise le spécialiste. Bien sûr, le cannabis fumé augmente le risque de cancer du poumon au même titre que le tabac. Les pays qui autorisent sa délivrance médicale recommandent donc de consommer le cannabis sous différentes formes non fumées, notamment en tisanes ou en utilisant des vaporisateurs, qui permettent d’inhaler le principe actif du cannabis sous forme de vapeur. «Rappelons qu’un des grands avantages de cette substance est qu’il n’y a pas de risque mortel, sauf à ingérer 40 000 fois la dose thérapeutique», souligne encore le Dr Dominique Lossignol.
Culture interdite
Le cannabis est règlementé au niveau international comme un stupéfiant par la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 des Nations unies. Cette convention prévoit que, si un pays veut autoriser la culture de cannabis, les autorités de ce pays doivent créer un bureau spécial qui détermine quelles surfaces peuvent être cultivées et par qui. La récolte doit être transférée à ce bureau qui règle ensuite la suite de la distribution. Jusqu’à présent, les autorités belges ne disposent pas d’un tel bureau du cannabis. La culture, y compris à des fins de recherche scientifique, n’est donc pas autorisée dans notre pays!
Contrairement à une idée reçue, l’importation de graines de cannabis, la culture d’un plant de cannabis pour son usage personnel ou les «cannabis social clubs» ne sont donc pas tolérés. Il s’agit de faits punissables sur base de la loi du 24 février 1921 relative au trafic des substances stupéfiantes et psychotropes. La consommation fait néanmoins l’objet d’une «faible priorité de la politique des poursuites» lorsque la quantité détenue est inférieure à 3 grammes ou à une seule plante cultivée et qu’elle ne s’accompagne pas de troubles à l’ordre public.
De nouvelles pistes
Les recherches actuelles suggèrent que le cannabis pourrait aussi avoir des effets positifs dans certaines affections mentales comme les TOC (Troubles obsessionnels compulsifs), dans la maladie d’Alzheimer et dans certaines épilepsies réfractaires, notamment chez l’enfant.
Sources: justice.belgium.be
Texte Julie Luong
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