travail horaire décalé
Une bonne organisation permet d’en atténuer les difficultés et les risques pour la santé. © Cedric Fauntleroy/Pexels

Horaires décalés: nos pistes pour rester en bonne santé

Travailler au moment où les autres dorment impacte la santé et réclame une bonne dose de discipline. Comment gérer ces situations? Des spécialistes donnent des pistes.

Parce qu’il entraîne inévitablement des troubles du sommeil, le travail dit “posté” a des répercussions sur la santé. “Le manque de sommeil accroît le risque d’hypertension artérielle et de maladies cardio-vasculaires, ainsi que de diabète et d’obésité, souligne le Dr Julien Fanielle, du Centre des troubles du sommeil du CHU de Liège. Mais les études montrent également, notamment chez les infirmières, un risque majoré de cancer du sein.” L’efficacité du système immunitaire dépend en effet aussi de la qualité du sommeil. “Quand on n’est pas en phase avec son horloge biologique, il y a moins de sommeil lent profond, le plus réparateur pour l’organisme, et le stress latent qui s’installe entraîne une élévation du taux de cortisol, qui est immunodépresseur. Résultat: le système immunitaire a plus de mal à neutraliser les lésions précancéreuses…”

Plutôt du matin ou du soir?

“Le travail posté n’est certainement pas la meilleure façon de travailler, admet le Dr Fanielle, d’autant qu’à partir de 40-45 ans, les changements de rythme qu’il impose deviennent de plus en plus pénibles à supporter. Mais une bonne organisation permet d’en atténuer les difficultés et les risques.” L’idéal serait de pouvoir choisir ses horaires en fonction de son chronotype. Si vous êtes “du matin”, vous aurez moins de mal à faire la tranche 6-14h; si vous êtes “du soir”, celle de 14 à 22h ou le travail de nuit vous conviendront mieux. “De plus, précise le Dr Fanielle, si vous avez un chronotype vespéral (du “soir”), vous compenserez votre nuit de travail par une durée de sommeil plus longue, avec réveil spontané vers 14h, alors que, si vous faites la nuit avec un chronotype matinal, vous serez déjà réveillée vers 11h.” Certaines entreprises commencent à s’intéresser à cette forme de “personnalisation” du temps de boulot, qui rend les travailleurs plus productifs, mais, si ce n’est pas le cas de la vôtre, prenez le temps d’y réfléchir – et demandez éventuellement conseil à votre médecin.

Misez sur les siestes

Vous travaillez de nuit? Une sieste tardive – vers 20h, par exemple, si vous commencez à travailler à 22h – vous aidera à rester éveillée. Faire une sieste pendant votre pause de nuit, vers 3h du matin, allégera également l’effort à fournir entre 4 et 5h, moment critique où la pression du sommeil est particulièrement forte. “Mais il faut une culture d’entreprise qui approuve la sieste et une pièce de relaxation où s’y consacrer, commente le Dr Fanielle. Et puis il faut que le travailleur ou la travailleuse se discipline à faire la sieste, au lieu de passer son temps sur son téléphone!”

Je me sentais en quelque sorte en apnée et, du coup, j’avais du mal à me renouveler car ma priorité était de tenir la cadence.

Vous travaillez de 6 à 14h ou, en tout cas, vous commencez très tôt le matin? Faites une sieste à votre retour.

Attention! De jour ou de nuit, la sieste doit toujours être courte: pas plus de 20 minutes afin d’éviter “l’inertie du sommeil (insomnie).”

Mettez la mélatonine de votre côté

La baisse de luminosité en fin de journée déclenche la sécrétion de mélatonine par l’hypophyse, d’où son appellation d’hormone du sommeil. Aux premières heures du matin, la sécrétion de cette hormone du sommeil diminue naturellement, tandis que les taux des hormones de la veille augmentent. Mais, si vous travaillez de nuit, c’est le contraire qu’il vous faut.

Deux conseils pour y arriver:

  • Une séance de luminothérapie avant votre travail de nuit, grâce à une lampe de luminothérapie ou des luminettes, réduit la sécrétion de mélatonine et vous permet de mieux résister au sommeil pendant votre travail. La routine idéale? Faites précéder votre pause de nuit (c’est-à-dire période de travail) d’une sieste de 20 minutes puis d’une demi-heure de luminothérapie.
  • À l’inverse, si vous voulez avoir une chance de dormir dès votre retour chez vous, protégez-vous de la lumière au sortir de votre pause de nuit. “Surtout à la belle saison, quand il fait déjà clair à 6h du matin, portez des lunettes de soleil pour éviter que la lumière, agissant sur l’hypothalamus, n’active les réseaux de l’éveil.” En cas de nécessité, notamment pour les personnes qui travaillent dans le transport aérien, des comprimés de mélatonine peuvent aider à réguler le sommeil.

Faites de l’exercice votre allié…

Mais attention, pas n’importe quand:

  • Vous travaillez de nuit ou vous commencez très tôt le matin? L’idéal est de programmer votre séance de sport ou votre jogging dans l’après-midi, vers 15h. Cependant, certains travailleurs de nuit font leur jogging en début de soirée, avant d’aller travailler, pour profiter de l’effet stimulant de l’exercice.
  • Vous travaillez de 14 à 22h? Programmez votre jogging dans la matinée. Après votre retour du travail, il perturberait votre repos nocturne!

N’essayez pas de mener une double vie

Réussir son travail posté est d’abord une question de discipline personnelle. “Le problème, résume le Dr Fanielle, c’est que la plupart des travailleurs de nuit veulent mener une double vie: ils profitent de la journée pour faire leurs courses, s’occuper de leurs enfants… Et, du coup, ils ne prennent pas leur quota de sommeil. Ils tirent sur la corde au maximum, jusqu’à ce qu’ils soient rattrapés par la dépression, les troubles anxieux, le burn-out…”

Ce danger existe surtout pour les femmes, plus promptes à culpabiliser. “Et, quand elles craquent, il leur faut des mois pour se remettre, constate le Dr Fanielle. Quant à compenser le week-end, en dormant 12 heures par jour, ça ne suffit pas à réparer les dégâts de la semaine. C’est pourquoi, avant d’accepter un travail posté, il faut réfléchir aux conséquences, tant professionnelles que privées.”

Ingrid Franssen: “travailler en horaire décalé demande beaucoup de discipline”

Ingrid Franssens, qui dirige aujourd’hui une société de communication, a animé la tranche 5-9h de Nostalgie durant 6 ans.

“Je me levais chaque jour à 3h37 précises (chaque minute compte à cette heure-là!). J’étais très organisée: mes vêtements étaient préparés la veille, j’emportais avec moi ma trousse de maquillage. Côté alimentation, comme je manquais d’énergie, j’ai été consulter une super nutritionniste qui a compris mes besoins. Et franchement, les changements qu’elle a proposés m’ont beaucoup aidée à être moins stressée et à ne plus avoir de fringales. En pratique, je déjeunais à 6h du matin d’un mélange de protéines et de produits sucrés comme un fromage blanc avec du chocolat, des fruits… Je buvais aussi beaucoup d’eau pour bien m’hydrater. À midi, je lunchais puis j’allais au sport. À 16h, je prenais d’office un goûter plutôt sucré et le soir, je privilégiais les légumes et les féculents (qui aident à bien dormir). Le gros inconvénient de ce genre d’horaires, c’est qu’il est compliqué d’avoir une vie sociale vu qu’à 21h, il faut être au lit.”

Quand l’animatrice a arrêté de faire les matinales en juin 2023, elle s’est rendu compte à quel point ce rythme la fatiguait. “Je me sentais en quelque sorte en apnée et, du coup, j’avais du mal à me renouveler car ma priorité était de tenir la cadence. Aujourd’hui, je continue à me lever tôt mais de manière naturelle et c’est beaucoup plus soutenable.”


Bien manger, c’est crucial

Comme la gestion du sommeil, la gestion diététique est un des piliers pour rester en bonne santé. Les conseils de Gisèle Gual, diététicienne nutritionniste.

La gestion des heures décalées, est-ce une problématique courante?

“Oui! Un exemple: une dame vient me voir car elle est gardienne de nuit dans un home pour enfants. Elle a pris du poids, ne sait que faire et se plaint d’avoir faim. En plus, les horaires varient d’une semaine à l’autre, ce qui est évidemment le pire car c’est très fatigant pour le corps. Il faut donc absolument prendre des mesures diététiques mais aussi d’hygiène de vie assez rigoureuses pour impacter la santé le moins possible.

Des études montrent que travailler en horaire décalé entraîne plus de risques de diabète et d’obésité. Pour quelles raisons?

On sait que la mélatonine (hormone régulatrice du sommeil) influence la sécrétion d’autres hormones dont le cortisol ou la leptine qui ont un impact sur le métabolisme et les sensations de faim.

Un problème des personnes travaillant en horaire décalé semble être le grignotage…

Oui, surtout de sucreries. Or l’abus d’aliments sucrés va certes donner un coup de boost sur le moment mais provoquer par la suite des coups de pompe ou attiser la faim à cause d’une hypoglycémie réactionnelle. Le problème est aussi psychologique. Durant la nuit, les personnes se disent que ce n’est pas le moment de manger un repas complet et elles ont tendance à picorer plutôt qu’à manger vraiment. Alors qu’on peut prendre un repas complet à 4h du matin! Lorsqu’on a des horaires inversés, cela peut se justifier.

De façon plus générale, ce qui me paraît important, c’est que sur le cycle de 24 heures, on prévoit suffisamment de temps de jeûne – donc environ 10 à 12h – où on ne mange rien.

L’autre piège n’est-il pas, en rentrant chez soi, d’aller dormir juste après avoir mangé?

Pour une infirmière ou un infirmier qui travaille de nuit, il peut être compliqué de faire autrement car elle n’aura pas forcément le temps pour un repas complet à l’heure où elle en aurait besoin. Mais pour un(e) gardien(ne) de nuit, par exemple, qui travaille de 22h à 6h et qui a la possibilité de faire un repas équilibré sur son lieu de travail, un bon plan serait de le prendre à 3 ou 4h car cela laisse suffisamment de temps entre le moment du repas et le repos. De façon plus générale, ce qui me paraît important, c’est que sur le cycle de 24 heures, on prévoit suffisamment de temps de jeûne – donc environ 10 à 12h – où on ne mange rien, comme le font les gens qui ont un rythme de vie plus traditionnel entre le repas du soir et le petit-déjeuner.

Comment alors procéder concrètement pour manger au mieux?

Les situations étant très variables, mon approche est d’adapter au cas par cas. Aux personnes qui viennent en consultation, je demande dans un premier temps de remplir une sorte de journal de bord pour repérer les moments de faim. Selon les cas, je leur proposerai de prendre soit un repas, soit une collation. On lit parfois qu’il faut éviter les féculents et favoriser les protéines pour augmenter la vigilance mais, de mon point de vue, ce n’est pas une bonne idée. Il faut, comme tout le monde, veiller à avoir une alimentation aussi équilibrée que possible, avec des repas complets et bien s’hydrater. On prévoira aussi des collations mais qui seront bien cadrées pour éviter les grignotages anarchiques.”

Le bon timing diététique

Selon les horaires de travail, certaines indications sont à prendre en considération.

Pour un horaire nocturne (22h – 6h):

  • Retour du travail: repos.
  • Repas vers 16h: selon les envies, soit un petit-déjeuner, soit un repas équilibré.
  • Petit-déjeuner: féculent/produit céréalier + produit laitier ou aliment riche en protéines + fruit ou légume + matière grasse. Exemples: porridge + fruit + oléagineux ou pain + fromage (frais, gouda, ricotta…) + fruit.
  • Repas équilibré: légume + féculent/produits céréaliers + protéine animale ou végétale. Quantités à adapter aux besoins.
  • Avant de partir, 1 à 2h avant d’aller au travail: repas équilibré ou collation.
  • Vers 2h du matin: repas équilibré ou collation (selon ce qu’on a mangé avant de partir).

Pour un horaire matinal (5h – 13h):

  • Petit-déjeuner: l’idéal est de le décaler plus tard dans la matinée (lors d’une pause par exemple). Si ce n’est pas possible, on peut fractionner les différents éléments du petit-déjeuner au cours de la matinée.
  • Lunch: au retour à la maison.
  • Souper: à l’horaire habituel, pas trop tardif.

Pour un horaire de fin de journée (14h – 22h):

  • Petit-déjeuner: horaire normal.
  • Lunch: repas équilibré principal.
  • Souper: s’il est possible de prendre le repas du soir sur le lieu de travail, garder un rythme normal. Sinon, fractionner : collation (saine) à 17h, une autre vers 20h, puis éventuellement repas léger au retour à domicile.

Texte: Anne Deflandre et Marie-Françoise Dispa, adaptation Web: Justine Leupe

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