Annemarie, 52 ans: “C’est probablement mon dernier Noël”
En 2021, Annemarie racontait à nos collègues de Libelle sa passion pour Noël et comment elle se mettait “en mode fêtes” dès septembre. Cette année, une triste brume plane sur la période, puisqu’elle est atteinte d’un cancer avec métastases.
La plus grande passion d’Annemarie, 52 ans? Noël! “Je décore ma maison, je poste des photos sur ma page Facebook pour mes 2400 abonnés, j’inspire les autres avec ma folie de Noël… Je fais tout ce que je peux parce que cela me donne l’impression d’un accomplissement et d’un but”. Cette fan inconditionnelle de Noël a malheureusement appris qu’elle était atteinte d’un cancer rare, avec métastases, et que son avenir était incertain. Alors cette année 2023, Noël est encore plus important à ses yeux: “Je pense qu’il est essentiel pour moi, et pour tous les malades, d’avoir quelque chose à faire, quelque chose qui donne de l’énergie. Cela rompt le triste cycle des visites médicales et des mauvaises nouvelles”.
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Le cancer gagne du terrain
“Chaque année à Noël, je choisis un thème pour les décorations de ma maison. Cette fois-ci, c’est Londres avec une vibe sixties. Je ne lésine pas sur l’inventivité, j’ai une vraie cabine téléphonique dans mon salon. Au début du mois de janvier, tout disparaît. Je fais une pause de deux semaines et je recommence à réfléchir au thème pour le Noël d’après. Mais il n’est pas certain que j’y parvienne ici…”.
Annemarie sait que c’est probablement son dernier Noël. Cette pensée est difficile mais bien réelle: “Je sais que le cancer avance vite et je l’ai maintenant accepté”. Cela a pourtant mis du temps, lorsque le corps médical lui a annoncé qu’il n’était plus question de guérir mais de vivre plus longtemps. Annemarie ressent d’abord de la colère, toute sa vie lui revient en pleine figure. “J’ai eu une enfance difficile. Ma mère n’était pas une personne agréable et je me suis toujours juré de faire mieux. Et c’est ce que j’ai fait. J’aime mon mari, j’ai un fils merveilleux et une super belle-fille, qui est comme une deuxième enfant pour moi. Ma passion pour Noël rend les gens heureux et cela me porte… Alors je ne m’attendais pas à ce qu’un tel événement me tombe dessus”.
Un objectif: profiter
La mère de famille a maudit cette nouvelle qu’elle a trouvé tellement injuste: “J’ai passé deux jours au lit, complètement anéantie par le diagnostic, puis je me suis dit: ‘Ok, maintenant tu arrêtes, et tu vis’. Je suis passée de la tristesse à la détermination”. Depuis, son seul objectif est de profiter au maximum du temps qui lui reste, c’est sa priorité. Les médecins ne savent pas lui dire précisément combien de temps il lui reste. Six mois, dix mois, douze? “Ce que je sais, c’est que le cancer gagnera à la fin”, nous dit-elle.
Le but aujourd’hui est de stabiliser le cancer. Lors de la dernière visite médicale, on a découvert une nouvelle tumeur sur une côte. “Ce n’est pas une bonne nouvelle, mais heureusement, j’ai un bon médecin qui me dit à chaque consultation qu’il va voir ‘ce qu’on peut encore faire’. On privilégie toujours la qualité des soins. Avec mon précédent traitement, j’étais amorphe. Aujourd’hui, je suis passée aux comprimés de chimio et je me sens mieux. J’ai de nouveau de l’énergie”.
Saveur particulière
Annemarie est actuellement dans les préparatifs de la soirée “portes ouvertes” qu’elle organise chez elle. “Une sorte de ‘pays des merveilles hivernal’, à l’intérieur comme à l’extérieur. Mon mari sera déguisé en Père Noël, il y aura des sacs de bonbons pour les enfants, des lumières brûleront partout, et même un food truck… Les gens viennent pour glâner des idées, mais c’est aussi un moment où je remercie tous ceux qui ont toujours été là pour moi. Cela fait plusieurs années que j’organise cet événement, mais cette année est plus spéciale”.
Ce soir-là, la tristesse et la maladie n’existeront pas, il n’y aura de place que pour la convivialité
Après ses “portes ouvertes”, Annemarie attend un autre événement avec impatience: “Je vais décorer l’UZ Gent. À Noël, un tel hôpital est souvent peu chaleureux, il n’y a souvent qu’un sapin dans un coin. J’ai dit à mon médecin: ‘Si vous me gardez en vie, je viendrai décorer’.
Le pot est vide
“Je mets l’accent sur la positivité, mais ce dont peu de gens sont conscients, c’est de la misère financière dans laquelle on se retrouve lorsqu’on est malade”. La famille n’a pourtant jamais eu de difficultés. Toutes les factures ont toujours été payées, ils partaient en vacances tous les deux ans et épargnaient un peu. Mais aujourd’hui, le pot est vide. Jusqu’au fond. “Je n’ai plus de revenus, et même s’il existe une caisse d’assurance maladie, il y a toujours des frais supplémentaires que vous devez supporter vous-même: 50 euros par-ci, 70 euros par-là, notre compte d’épargne a considérablement diminué. Je dois aussi faire des allers-retours à Gand trois fois par semaine pendant certaines périodes, ce qui fait consommer beaucoup d’essence”.
Je voudrais quitter ce monde l’esprit tranquille
Sa plus grande préoccupation est de laisser son mari et son fils avec des dettes. “Je me réveille la nuit à cause de cela. Je voudrais quitter ce monde en ayant l’esprit tranquille. L’argent est considéré comme quelque chose de secondaire par rapport à la mort, mais ce n’est pas le cas à mes yeux. Les gens évoquent souvent une bucket list, des projets qu’ils voudraient faire avant la fin, mais je peux vous dire que lorsque l’argent sera épuisé, espérer ne pas tomber sur un huissier est la seule chose qui figure sur cette liste”.
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Ses proches à tout prix
Annemarie se sent bien entourée. Son amie Nathalie passe faire le ménage chaque semaine et lui apporte de délicieux desserts. Sa belle-fille Talitha n’hésite pas à prévoir une sortie avec elle lorsqu’elle est en difficulté. “Rien de spectaculaire, un film ou un verre suffisent. Les gens sous-estiment la valeur de tout ça. Une simple visite, même si elle ne dure qu’une demi-heure, fait tellement de bien. Elle apporte de la distraction, et c’est important”.
Annemarie peut également compter sur les commerçants de son village. “Le boucher m’a offert un camion de hot-dogs pour ma soirée portes ouvertes. La plus grande surprise a été de recevoir un appel de la jardinerie où j’achète souvent des décorations. Ils ont appris que j’étais malade et m’ont offert un chèque de 1000 euros! Vous vous rendez compte? À mon arrivée à la boutique, j’ai reçu des fleurs, un goodie bag et ce chèque pour choisir des décorations de Noël pour ma maison et mon projet à l’hôpital. Grâce à eux, je peux réaliser ce rêve que je n’aurais pu offrir seule. J’étais heureuse comme un enfant dans un magasin de bonbons”.
Et ensuite?
La plus belle fête de l’année approche. La petite famille attend le dîner du 24 décembre 2023 avec impatience. Le lendemain, ce sera un joli film de Noël. Si l’avenir d’Annemarie est incertain, elle souhaite que son mari et son fils tirent le meilleur de la suite, et qu’en cas de problème, ils soient là l’un pour l’autre.
Annemarie aimerait se faire incinérer et reposer dans un endroit chaleureux, auprès des siens. Elle a encadré tous les articles de presse dans lesquels elle figure pour que son fils et sa compagne les montrent à leurs enfants. “Je ne les connaîtrai pas, mais ils connaîtront leur grand-mère, je l’espère. J’aimerais aussi que ma famille continue à fêter Noël. Je trouve toujours très triste que les gens cessent de fêter Noël lorsqu’ils perdent un proche. Le chagrin sera toujours là, je le sais, mais ils doivent savoir que je veux qu’ils continuent. Qu’ils profitent de Noël comme l’aura fait leur femme et leur mère, dingue de ces festivités. Ce serait leur plus bel hommage pour moi”.
Un projet de fin de vie
“Les conversations qui touchent au futur sont compliquées mais elles ont déjà eu lieu et cela me rassure”, nous dit Annemarie. “Mes hommes savent que je veux contrôler mon ‘départ’. J’ai toujours été une femme joyeuse et j’aimerais que les gens se souviennent de moi comme tel. Je ne déciderai d’étirer ma vie que si cela m’apporte quelque chose, car que retiennent les gens d’une personne malade? La lutte, les dernières semaines passées au lit, malade à en mourir. Je veux que mon fils et mon mari soient épargnés par cela. Et moi aussi. Il y a déjà si peu de choses sur lesquelles les malades ont le contrôle, je garderai donc le contrôle sur la fin, et je déciderai quand ce sera fini”.
Rencontre et texte: Tine Trappers
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