L’épilepsie, au-delà des préjugés: “L’imprévisibilité de la maladie fait peur”
L’épilepsie est l’une des maladies neurologiques les plus fréquentes. Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), plus de 50 millions de personnes en souffrent dans le monde, dont environ 70.000 en Belgique. Pourtant, de nombreuses idées reçues circulent encore à son propos. Démêlons le vrai du faux.
« En réalité, il ne faudrait pas parler de l’épilepsie mais ‘des’ épilepsies, car cette maladie plurielle possède des origines multiples et se manifeste sous diverses formes, précise d’entrée de jeu le Docteur Michel Ossemann, neurologue épileptologue au CHU Namur. Les crises d’épilepsie peuvent survenir à tout âge, et pour d’innombrables raisons, mais certains types d’épilepsie ont des pics d’incidence à des moments spécifiques de la vie, dans l’enfance et à partir de l’âge de 60 ans. »
Des crises imprévisibles
Une crise d’épilepsie est un trouble neurologique caractérisé par une activité électrique anormale et excessive dans le cerveau, entraînant des symptômes variés. On distingue les crises généralisées (qui touchent tout le corps) des crises focales (affectant une zone du cerveau). « Dans l’imaginaire collectif, une crise d’épilepsie est toujours spectaculaire. Comme illustrée dans les films, elle est associée à des convulsions, des mouvements involontaires et une altération de la conscience. Or, la majorité des malades présentent des crises légères, localisées, qui s’apparentent à des absences. La personne semble figée pendant quelques minutes, sans autre signe visible de l’extérieur. Tous ne perdent pas connaissance. Ils vont, par exemple, simplement sentir, pendant quelques minutes, une odeur particulière ou un mauvais goût en bouche », explique le spécialiste. Le diagnostic de l’épilepsie peut être complexe, car il existe de nombreux imitateurs des crises épileptiques (syncope, hypoglycémie, vertiges, migraine…) et certaines sortes d’épilepsie ne laissent aucune trace visible entre les crises, observables lors des examens médicaux.
Les bons réflexes
Croire que la victime risque d’avaler sa langue durant une crise est l’un des mythes les plus répandus liés à l’épilepsie. « Avaler sa langue est physiquement impossible », rassure le Docteur Michel Ossemann, qui déconseille de mettre quoi que ce soit dans la bouche de la personne concernée. Comment, dès lors, réagir face à une crise d’épilepsie? « Notez l’heure de début de la crise, car la durée est importante. Ne déplacez jamais le patient, sauf s’il se trouve dans un endroit dangereux, et essayez de ne pas entraver ses mouvements. Lorsque la crise semble passée, allongez-le en position latérale de sécurité. Restez près de lui et rassurez-le, jusqu’au retour à son état habituel. »
Au Moyen-Âge, les épileptiques étaient brûlés car on les croyait possédés par des esprits maléfiques
On considère qu’il faut administrer un traitement d’urgence lorsqu’une crise convulsive dure plus de 5 minutes, et après 10 minutes en cas de crise non convulsive avec altération de la conscience. La plupart du temps, cela ne sert à rien d’appeler les secours, sauf si la personne s’est pris un coup à la tête en tombant, ou enchaîne les crises.
Ça se guérit?
Le traitement des crises d’épilepsie dépend du type d’épilepsie et de la gravité des crises. Il importe de soigner les malades au cas par cas. « Les médicaments contrôlent l’épilepsie de 60% à 70% des patients, mais parfois au prix de nombreux effets secondaires (dépression, fatigue, troubles de la concentration et/ou de la mémoire, vertiges…). Pour les 30% à 40% réfractaires au traitement qui continuent à manifester des crises, il existe, dans certains cas, la possibilité de passer par la chirurgie ou la neurostimulation. Enfin, certaines personnes, en particulier les enfants, peuvent connaître une rémission spontanée avec l’âge », développe le neurologue.
De lourds préjugés
Si l’on meurt rarement d’une crise d’épilepsie, les conséquences psychosociales des crises récidivantes affectent particulièrement la qualité de vie des épileptiques et de leurs proches. « Au Moyen-Âge, les épileptiques étaient brûlés car on les croyait possédés par des esprits maléfiques, souligne le Docteur Michel Ossemann. Aujourd’hui encore, l’épilepsie reste connotée “diabolique”. Les patients eux-mêmes ont tendance à s’autostigmatiser et donc à s’isoler. Cette maladie chronique fait peur par son caractère imprévisible; or une épilepsie bien contrôlée permet de travailler et de vivre presque normalement. »
Témoignage: « J’ai testé une dizaine de médicaments pour traiter mes crises. »
Simon, 24 ans, témoigne: “Chez moi, une crise d’épilepsie se manifeste par des absences et des auras épileptiques. Je perds mes repères dans l’espace dans lequel je me trouve et ma vue se trouble. Avec mon neurologue, nous avons testé une dizaine de médicaments pour traiter mes crises: certains n’ont pas fonctionné, d’autres m’ont fait vivre un enfer à cause des effets secondaires. L’un d’eux m’a fait prendre 15 kilos et a modifié mon caractère. Il m’a rendu très agressif. Je ne me reconnaissais plus! Dans mon cas, la chirurgie n’est pas une option. Les risques, notamment sur mes facultés mentales, sont trop importants. Depuis un an et demi, j’utilise un stimulateur du nerf vague (SNV), un petit dispositif médical de neurostimulation qui envoie de faibles impulsions électriques toutes les 5 minutes jusqu’au cerveau. Ce système a diminué le nombre de mes crises, qui étaient quotidiennes, mais ne les a pas supprimées. Médicalement, je n’ai pas d’autre choix que d’accepter de vivre avec cette maladie”.
Les plus grosses difficultés sont sociales
L’épilepsie est incomprise et très mal acceptée. Les gens ont peur qu’une crise surgisse et ne prennent pas la peine d’écouter les gestes, pourtant très simples à poser si cela arrive. “J’étudie pour devenir assistant social et il m’est déjà arrivé d’être exclu de mon groupe de travail lors d’une visite scolaire à cause de ma maladie, car les autres craignaient de prendre le train avec moi. Tout le monde s’imagine des crises d’épilepsie sorties d’un film d’horreur. À cause de ces préjugés, je suis parfois tenté de ne pas dévoiler ma pathologie pour éviter d’être stigmatisé, mais cela fait partie de moi et de mon quotidien, c’est impossible à cacher. S’il vous plaît, écoutez la personne qui vous parle de son épilepsie. C’est elle qui connaît le mieux sa pathologie et qui est la mieux placée pour vous aiguiller sur les gestes à poser en cas de crise. »
Opération Savon:
La Ligue francophone belge contre l’épilepsie lance, pour la 4e édition, son Opération Savon à l’occasion de la journée internationale de l’épilepsie. Cette campagne, baptisée « Épilepsie, lavons les préjugés », vise à mieux faire connaître la maladie, changer le regard sur les personnes touchées et récolter des fonds grâce à la vente de savons artisanaux au lait d’ânesse. Plus d’infos et guide Vivre aujourd’hui, avec une épilepsie sur ligueepilepsie.be.
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