Être réglée vous coûte 2500 euros sur une vie
En Belgique (et ailleurs), un grand nombre de personnes menstruées ne se rendent pas à l’école ou au travail pendant leurs règles, faute de produits menstruels. Cette difficulté ou ce manque d’accès à de telles protections est ce qu’on appelle la “précarité menstruelle”. Un sujet dramatiquement tabou…
Une récente enquête commandée par le fabricant Always et menée par iVox révèle qu’une Belge sur 15 a déjà rencontré des difficultés à se procurer des protections périodiques. Cette tendance s’observe davantage dans le sud du pays: “2% des interviewées se disent confrontées à ce problème en territoire néerlandophone, contre 12% du côté francophone”, explique Chloë Raemaekers, directrice Marketing & Commercial pour Always Belgique.
La problématique impacte sérieusement la tranche d’âge des 12-25 ans. Comprenez: 25.000 jeunes filles se trouvent actuellement en difficulté. Et ce manque de protections menstruelles peut les pousser à un décrochage scolaire et social: “Nous sommes contactés par les écoles et les universités parce que les stocks de dons sont écoulés”, nous dit Véronica Martinez, directrice de BruZelle. “La précarité, c’est aussi le quotidien de nombreux jeunes. Chaque mois, nous distribuons 600 à 700 trousses, soit près de 14.000 protections périodiques rien que sur les différents campus universitaires de Bruxelles! À l’échelle nationale, vous imaginez ce que cela donne”.
*BruZelle lutte contre la précarité menstruelle, Goods to Give est une plateforme de soutien à la dignité des plus démunis.
2500 euros en moins pour les femmes
Véronica Martinez a calculé que le fait d’être réglée occasionnait une dépense de 2500 euros des premières règles à la ménopause. Le chiffre englobe les protections hygiéniques (prix moyen), des visites chez le gynécologue, des médicaments liés aux règles, des demandes éventuelles de congé si les douleurs sont insupportables. “Une somme énorme!”.
Les étudiantes en première ligne
Les students qui s’assument financièrement ont souvent du mal à joindre les deux bouts. Et s’il faut faire l’impasse sur quelque chose, ce sont les produits menstruels. “Elles payent un kot, la nourriture, les syllabi, un ordinateur… et après ça, si elles ont encore les moyens, elles s’achètent des protections menstruelles. Avec la Covid-19, beaucoup ont perdu leur job d’étudiant, ce qui n’aide pas. D’année en année, pour tous publics confondus, la distribution de protections hygiéniques est de plus en plus importante”, rapporte Véronica Martinez. En 2020, BruZelle a distribué 340.000 serviettes hygiéniques dans 17.000 trousses. En 2021, c’est 658.390 serviettes et 32.900 trousses qui ont été nécessaires. Le double!
Le décrochage scolaire récurrent
Les conséquences à cette précarité sont énormes. Pour les jeunes filles, leur plus grande peur, c’est d’aller à l’école et que leurs vêtements soient souillés par une tache car elles n’ont pas les moyens de changer régulièrement leurs protections. “Beaucoup ne prennent pas le risque de se rendre à l’école ou à l’université. On aide tous les publics confondus, mais on met un point d’honneur à livrer nos pochettes dans les universités, hautes écoles… pour les étudiantes dans le besoin. Cela leur permet d’avoir ça en moins à penser”.
Pas la priorité pour les mamans solos
Depuis la création de BruZelle en octobre 2016, un constat: là où il y a de la précarité féminine, il y a de la précarité menstruelle. “Les mamans solos, leurs priorités, c’est le loyer, la nourriture, les charges, les besoins des enfants liés à l’école. Leurs besoins à elles et les produits menstruels, ça vient après tout ça”. On parle ici de mères qui travaillent mais pour qui les fins de mois sont dures: “Il n’est pas rare de les voir venir chercher une trousse chez BruZelle. La pauvreté est un sujet compliqué à évoquer, mais la précarité menstruelle l’est encore plus”, soutient la directrice de l’ASBL.
Les trousses de BruZelle sont distribuées aux étudiantes, aux mères en foyer, aux SDF lors de maraudes, aux personnes qui viennent prendre des douches dans des centres ou qui se rendent à une consultation médicale chez Médecins du Monde, aussi. “Cette trousse est parfois une porte ouverte pour parler des règles, des questions autour du cycle, de soucis gynécologiques…”.
Pourquoi c’est tabou et comment changer ça?
Personne ne parle des règles positivement, et surtout, notre société en parle très peu. “Elles restent un sujet tabou bien ancré. Quand on informe sur le sujet dans les écoles, on remarque qu’il y a souvent un malaise. On pense directement à la douleur, aux taches, à quelque chose de sale…”. Et de poursuivre: “Les femmes sont constructrices de ce tabou. Il faut, dès l’enfance, dans le cercle familial, qu’il y ait de la transparence et un dialogue sur ce que sont les règles. Il est important de rappeler que lorsqu’elles viennent naturellement, c’est que le corps fonctionne bien”, conscientise Véronica Martinez. L’éducation aux règles doit-être amenée à la maison et complétée par l’école. Dans les rêves les plus fous de Véronica, il y aurait des détachés pédagogiques qui en parlent dans les écoles, “car il y a un intérêt de la part des jeunes, mais ils ne trouvent pas toujours les réponses chez eux”.
Lorsque le tabou de règles sera déconstruit, il sera déjà plus facile pour les filles et les femmes de demander des protections lorsqu’elles viennent à manquer. “Comme je dis chaque fois, demander des serviettes, ça ne devrait pas être pire que de demander un mouchoir”.
Comment aider facilement?
Plusieurs pistes pour lutter activement contre ces inégalités:
- Vous pouvez déposer des serviettes (elles doivent, pour une question d’hygiène, être emballées individuellement) dans les boîtes de collecte BruZelle, ainsi que du tissu.
- Mais également participer aux ateliers de couture des trousses en tissu.
- Les dons restent les bienvenus (déductibles fiscalement dès 40€).
Pour les points de collectes: www.bruzelle.be/fr/points-de-collecte/ et pour toutes les infos liées à BruZelle: www.bruzelle.be/fr/.
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