Anna Roy
Le livre d'Anna Roy, Énorme (éd. Larousse) est un bestseller déjà alors qu'il est à peine sorti.

“Énorme”: Anna Roy évoque avec nous son addiction au sucre

Sage-femme, animatrice télé, podcasteuse et autrice, la Française Anna Roy pesait 126 kilos jusqu’à ce qu’elle décide, il y a 2 ans, d’arrêter le sucre. Un sursaut de vie qu’elle raconte dans un livre, “Énorme”, déjà succès de librairie.

Le livre d’Anna Roy, Énorme, commence avec une recette de cake au chocolat; de ceux qu’on adore parce qu’ils ont un goût d’enfance et qu’ils nous rassurent. Dans le cas d’Anna Roy, ces plaisirs sucrés étaient devenus un piège, une addiction qui l’a conduite jusqu’à l’obésité morbide. Pour nous, elle revient sur le chemin entrepris en mars 2023 pour sortir de sa dépendance (100 jours de sevrage!) et du monde parallèle dans lequel elle s’était enfermée avant. Le jour de notre interview, elle se dit encore fragile et loin d’avoir retrouvé la paix, mais plus en phase avec elle-même.

En vie, mais morte à la fois

“Pendant 10 ans, je me suis complètement sentie en décalage par rapport au monde. Je ressentais la même douleur que lorsque mon père était à l’agonie, proche de la mort. Pendant toute cette période, je me suis sentie mise au ban de la société, incapable de profiter de toutes les choses que j’aime dans la vie. Je pense notamment au printemps. Chez la majorité des gens, cette saison est liée à la joie de s’alléger, d’aller à la mer, de porter des vêtements plus légers… Moi, au contraire, je me sentais comme en exil sur une île lointaine. J’étais en vie et morte à la fois. Au fil des années, mon entourage faisait comme si de rien n’était pendant que moi, je grossissais. Certains de mes proches me disaient que mon poids ne m’empêchait pas d’entreprendre des choses, d’être dynamique, pleine de projets.

Les nombreuses fois où j’ai consulté des médecins, je me suis sentie totalement incomprise

Dans notre société, on a tendance à considérer que les personnes en surpoids doivent faire l’effort de s’accepter comme elles sont. Mais en creusant un peu, on réalise que peu d’entre elles sont vraiment heureuses. Pour certaines, cette injonction au bonheur qu’on peut associer à la vague du ‘body positive’ est une manière d’occulter un vrai problème. Mais pour moi, le surpoids est avant tout une prison. Les nombreuses fois où j’ai consulté des médecins, je me suis sentie totalement incomprise. C’est seulement quand j’ai pu poser un mot sur mon obésité – maladie – que je me suis sentie mieux. J’ai enfin arrêté de culpabiliser d’être grosse, mais aussi voulu me sortir de là”.

Dans l’enfance, un contrôle absolu

“Le 1er mars 2023, j’ai donc décidé d’arrêter le sucre. Jusque-là, mon quotidien était divisé en deux: jusqu’à 17h, je mangeais très sain, des légumes, des fruits, des légumineuses. Puis, d’un coup, en fin d’après-midi, je me jetais sur le sucre avec frénésie.

J’ai grandi au sein d’une famille un peu à part. Quand j’ai entamé ce long chemin et que j’ai décidé de le raconter dans un livre, je ne pensais pas établir de ponts entre mon enfance et mon métier de sage-femme, mais très vite, j’ai compris que tout dans mon parcours était lié. J’ai réalisé que les traumas de l’enfance m’avaient intuitivement amenée à chercher du réconfort dans le sucre. En tant que sage-femme, je passe ma vie à absorber les émotions des autres. Et, comme toutes les mères, je suis également une éponge à émotions. Beaucoup de femmes ont cette capacité de se détacher d’elles-mêmes pour aider les autres. D’un côté, c’est beau, mais de l’autre, à force de se faire passer en dernier, elles peuvent développer des mécanismes dangereux. Pour moi, ça a été l’addiction au sucre.

Au lieu d’être salvatrice, cette obsession du contrôle conduit souvent à l’implosion

Quand j’étais enfant, mes parents s’étaient enfermés dans un contrôle absolu concernant la nourriture. Il fallait tout peser, manger local… Au lieu d’être salvatrice, cette obsession du contrôle conduit souvent à l’implosion. Au lieu de faire tout bien, on se console avec quelque chose. Dans mon cas, les aliments sucrés”.

Sucre et émotions: attention

“Je n’avais pas de solution bis. Si je voulais m’en sortir, je devais complètement arrêter le sucre. Un alcoolique qui arrête de boire ne pourra plus toucher à une goutte d’alcool de sa vie. Pareil pour moi. La différence, c’est qu’une personne qui stoppe l’alcool, on va l’encourager, voire l’admirer. En ce qui me concerne, c’est le contraire. On ne comprend pas que je zappe la case dessert ou que je refuse un chocolat. Le regard des autres rend le sevrage encore plus difficile. Mais ce n’est rien en comparaison avec l’horreur de ce qu’on vit quand on arrête le sucre. Si j’avais su que ce serait si long, je ne sais pas si j’aurais tenu bon.

La particularité du sucre, c’est qu’il a un pouvoir addictif extrême. Quand on est accro, on vit en permanence sur une pente glissante. C’est une drogue peu chère qui provoque une décharge de dopamine immédiate. Le sucre est un ennemi pernicieux et mignon à la fois, c’est quand on l’utilise pour éteindre une émotion que ça devient dangereux. C’est le signe que pour s’en sortir, il faut s’en priver totalement. Comme pour la cigarette, l’alcool et les jeux vidéo, on ne vit que dans l’attente de la prochaine dose. Ce n’est plus un plaisir, mais un besoin”.

S’entourer du mieux qu’on peut

“Hormis à une femme qui menait le même combat que moi au même moment, je n’ai parlé de ce sevrage à personne. Même pas aux médecins qui me recommandaient de ne pas me priver tout à fait de sucre. Moi, je sais que la moindre bouchée me fait courir le risque de replonger.

Il faut accepter d’échouer plusieurs fois avant de trouver le courage de se lancer pour de bon

Pendant ces 100 jours, j’ai été obligée de me justifier en permanence. Je suis convaincue que tant qu’on n’a pas soi-même été confronté à une addiction, on est incapable de comprendre. Si je témoigne, c’est aussi pour soutenir et épauler les femmes qui se sentent démunies face à leur décision. Quand on affronte seule ce défi immense, il faut s’entourer. Il faut aussi accepter d’échouer plusieurs fois avant de trouver le courage de se lancer pour de bon dans ce grand défi. En cours de route, j’ai frappé à de très nombreuses portes. Souvent, j’ai été déçue ou je n’ai pas trouvé le soutien attendu.

Avant d’entamer ce long processus, j’avais tendance à dire que tout allait bien. Se mentir, c’est aussi un mécanisme propre aux addictions. J’encourage donc les proches de personnes en surpoids à sortir du non-dit. En entamant le débat, vous prenez le risque de vous heurter à un mur de silence, mais c’est un risque qui mérite d’être pris”.

De 126 à 77 kilos

“Le podcast Addiktion du psychiatre français Laurent Karila m’a beaucoup aidée, tout comme les publications Instagram d’autres femmes dans ma situation. Le sport m’a également été d’une grande aide, mais à ce niveau, j’ai dû faire preuve de patience. Au début, j’étais incapable de courir ou de sauter. Puis, petit à petit, le sport est devenu ma nouvelle addiction. Il s’agit d’un curseur de bien-être, plus efficace que la balance.

Mon sevrage a été brutal. Mon objectif était ambitieux: passer de 126 à 77 kilos, soit deux de moins que le stade du surpoids! Ce qui m’a fait tenir, c’est ma volonté de guérir. On associe trop souvent ce genre de démarches à une quête purement esthétique. J’avoue que j’éprouve beaucoup de plaisir à pouvoir à nouveau enfiler de jolis vêtements, mais l’essentiel n’est pas là. L’arrêt du sucre était pour moi une question de survie, et je n’ai pas encore fini de lutter. Pour l’instant, je suis à nouveau dans une phase de doute. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai peur des hommes. Je redécouvre mon corps avec tout ce que ça implique en termes d’insécurité.

Est-ce que je suis fière de moi et du chemin parcouru? Fière n’est pas le mot. Je vois cela comme un parcours passionnant, mais d’une extrême violence. J’espère néanmoins que ce combat me permettra d’aider, ne serait-ce qu’une poignée de femmes, à sortir de leur dépendance”.

Inspirée par le parcours d’Anna Roy?
En marge d’une consultation avec votre médecin, vous pourriez tenter de relever notre défi “Un mois sans sucre”, un programme gratuit, accessible et motivant. Chaque jour, un conseil d’expert et trois repas garantis sans sucres ajoutés.

Texte: Marie Honnay

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