Violence économique: qu’est-ce que c’est et comment en sortir?
1 femme belge sur 7 a déjà subi ou risque de subir des violences économiques au cours de sa vie. Sarah Schlitz, Secrétaire d’État à l’Égalité des chances et des genres, nous explique comment en sortir.
La violence conjugale est un fléau qui affecte 13 millions de femmes dans l’Union européenne, soit une femme sur trois, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’UE. Des comportements violents qui peuvent prendre différentes formes, dont “des actes de violence physique, sexuelle et psychologique du partenaire ou de l’ex-partenaire visant à contrôler l’autre”*. L’argent peut aussi être au cœur de ce jeu de pouvoir malsain. Des comportements, rassemblés communément sous l’appellation de “violences économiques” et souvent si insidieux qu’ils sont difficiles à détecter.
C’est quoi, la violence économique?
Selon Sarah Schlitz, cette violence financière est bien plus présente dans le quotidien des femmes qu’on n’imagine: “Selon les derniers chiffres de notre cabinet, une Belge sur sept a été, est ou sera en proie à des violences économiques. Des comportements qui n’ont d’autre but que de vouloir isoler et contrôler une femme en la privant d’autonomie financière”. Cette violence prend plusieurs aspects:
- Contrôler les dépenses faites par la femme.
- Faire des reproches concernant les dépenses liées au foyer ou aux achats personnels.
- Priver la/le partenaire et/ou les enfants d’argent.
- Contrôler les allocations familiales reçues normalement par la mère.
- Interdire l’ouverture d’un compte bancaire personnel.
- Garder les moyens de paiement de la femme (porte-monnaie, carte bancaire…).
- Percevoir le salaire de sa partenaire à sa place.
- Gérer seul le patrimoine familial sans que la femme puisse y avoir accès.
- Ouvrir des crédits au nom de la partenaire.
- Usurper l’identité de la personne à des fins financières.
- Dilapider le patrimoine familial de cette dernière.
- Lui interdire de travailler, ou la manipuler en lui faisant comprendre qu’il est inutile qu’elle gagne son propre argent.
- Créer une fracture numérique en ne donnant pas l’accès aux comptes en ligne.
- Cacher à sa partenaire des dépenses et/ou des dettes.
- Abandonner financièrement sa famille.
- Obliger une femme à participer à part égale aux dépenses du foyer alors qu’elle gagne beaucoup moins (souvent parce qu’elle travaille à temps partiel afin de s’occuper des enfants).
- Ne pas payer la pension alimentaire.
- Demander une garde alternée sans respecter son droit de garde afin de ne pas avoir à payer de pension alimentaire.
Comment sortir de la violence économique?
Si le bureau de la secrétaire d’État n’a pas encore de données fiables concernant les personnes les plus touchées par la violence économique, il semblerait que toutes les couches de la société soient concernées par ces agressions. “C’est l’une des premières formes d’emprise: en isolant économiquement une femme, elle éprouvera plus de difficultés à mettre fin à la relation toxique, se sentant incapable de se prendre en charge financièrement. Actes souvent couplés à des violences psychologiques et physiques, dont il est primordial de se libérer”, confie la secrétaire d’état. Elle nous explique les démarches possibles pour sortir de cette situation.
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Les pistes pour sortir de l’engrenage
Fervente défenseure du droit des femmes, Sarah Schlitz conseille à toutes celles qui sont victimes de violences économiques de ne pas rester seules. Voici comment:
- En parlant des violences auxquelles on est victime à son entourage: et en demandant de l’aide.
- En contactant les associations de lutte contre les violences conjugales de sa région: comme le collectif contre les violences familiales et l’exclusion (le numéro de contact est le 0800/30.030).
- En quittant la personne qui vous fait subir ces violences économiques: et entamer des démarches pour devenir libre financièrement (ouvrir un dossier au CPAS par exemple, ouvrir un numéro de compte personnel, etc).
- Si les violences économiques vont de pair avec des violences verbales, physiques et/ou sexuelles, il ne faut pas hésiter à se mettre en sécurité et à porter plainte, puisque ces violences sont punissables par la loi. Vous pouvez vous faire aider dans vos démarches par une association pour plus de soutien.
Vous êtes séparée du père de votre enfant et il refuse de payer la pension alimentaire? Sarah Schlitz vous invite à contacter le Secal – le service des créances alimentaires – qui a pour but “d’apporter une solution aux problèmes de pauvreté dus au non-paiement de la pension alimentaire aux enfants ou à l’ex-partenaire ainsi que la non-exécution des décisions judiciaires et des actes notariés” (selon l’explication du SPF Finances). Le Secal interviendra alors en payant les pensions alimentaires dues et en se retournant contre le parent en défaut de paiement.
Je connais une victime, que faire?
Pour la secrétaire d’État, l’entourage a un vrai rôle à jouer dans la lutte contre les violences faites aux femmes: “Si l’on se rend compte qu’une femme vit dans la violence conjugale, il est important de lui venir en aide. Une main tendue qui peut donner à la victime l’impulsion nécessaire pour sortir de l’engrenage toxique dans lequel elle vit. Elle nous explique comment aider:
- En offrant un espace de parole: Sarah Schlitz propose de faire part de nos inquiétudes et de nos observations à une potentielle victime, afin de lui offrir la possibilité de libérer sa parole. Attention, il est important de le faire de manière bienveillante et non jugeante. Dites par exemple: “J’ai constaté certaines choses et je m’inquiète pour ton bien-être… ” et demandez à la personne en face si elle a besoin d’aide. Si elle se confie à vous, ne minimisez surtout pas sa parole, et légitimez ses confidences.
- En lui transférant des articles de presse parlant du sujet: comme celui que vous lisez actuellement, qui met en lumière les moyens de sortir de la violence économique, afin qu’elle se sente écoutée et sache que des solutions sont possibles.
- En se renseignant sur les associations venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales: et en les contactant afin de savoir comment aider votre proche ou amie en difficulté.
- En l’aidant dans ses démarches: si elle souhaite se libérer de cette emprise, soyez présente en cas de besoin et accompagnez-la par exemple quand elle va ouvrir son propre compte en banque, cherche un logement, un avocat ou se rend dans une administration pour entamer des démarches.
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Une faille dans le système
Sarah Schlitz l’avoue: “Il y a une somme de travail considérable pour qu’à l’avenir, les femmes ne subissent plus de violences conjugales”. Un travail qui, selon elle, doit se faire de manière globale: “La violence économique tout comme la violence physique, psychologique et sexuelle n’est autre que le résultat d’inégalités entre les genres. C’est une faille dans notre système. Et je suis persuadée que réduire les violences faites aux femmes passe par une égalité totale. Le travail est colossal, mais mon cabinet met tout en place pour y arriver”, nous confie-t-elle.
Les objectifs du cabinet de lutte pour l’Égalité des chances, des genres et la diversité:
- La création de soutien concernant l’éducation à l’argent dans le couple et les manières de mieux le répartir: via des outils à destination des citoyens.
- L’éloignement du partenaire violent: en bref, s’assurer que les conjoints violents quittent le foyer plutôt que leurs familles, afin d’éviter qu’elles ne doivent recommencer leur vie à zéro.
- La mise en place d’une aide financière du gouvernement en cas de violences conjugales: pour aider les victimes à reprendre leur vie en main.
- La libération judiciaire des victimes de violences économiques: en cas de dettes communes contractées par le partenaire violent.
- La réduction des inégalités de genre: par des actions de sensibilisation et d’éducation à la diversité.
- La formation des magistrats dans le but de déconstruire les fausses croyances autour de la soi-disant “aliénation parentale”: qui posent actuellement de gros soucis de légitimité quant à la parole des victimes de violences conjugales.
La Belgique a d’ailleurs adopté un plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre, dans l’ensemble des gouvernements belges le vendredi 26 novembre 2021, et dont les actions devraient être mises en place pour 2025.
*Source: Amnesty International.
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