Elles regrettent
Histoire d'amour, de famille, de persévérance... Elles regrettent. © Chad Madden/Unsplash

“Ah, si seulement j’avais…”: 8 lectrices et leurs regrets

8 femmes évoquent leurs regrets, qu’il s’agisse de petites interventions qui leur auraient facilité la vie ou de choix qu’elles se reprocheront jusqu’à la fin de leurs jours.

Histoire de famille, traumatisme, mauvaise décision… Ces femmes ont souvent écouté leur raison plutôt que leur cœur. Aujourd’hui, elles pensent à ces moments-clés de leur vie où faire un autre choix aurait tout changé.

Amour perdu

Gina (58 ans): “J’avais 14 ans et j’étais éperdument amoureuse. Pendant un an, Johan et moi avons formé un couple, mais j’étais convaincue que cela ne pouvait pas durer. Il venait d’un milieu aisé et mes parents étaient divorcés, ce qui était une honte à l’époque. Je me disais: ‘Gina, une personne de ton milieu n’a aucune chance avec lui’. Au fond, je ne faisais que répéter les paroles de mes amies. J’ai donc décidé de rompre. Avec des brindilles, j’ai écrit dans le sable: ‘C’est fini’. Johan a pris son vélo et est parti. Après cela, nous n’avons plus jamais échangé un mot.

Je n’aurais jamais dû laisser filer cet amour de jeunesse

Aujourd’hui, 44 ans, un mariage et un divorce plus tard, je le regrette encore. Je n’aurais jamais dû laisser filer cet amour de jeunesse. Je revois devant moi ce garçon aux cheveux noirs et aux yeux sombres. Ce garçon dont je sais, par le bouche-à-oreille, qu’il est devenu un homme si honnête et si gentil, et je me dis: ‘Pourquoi n’ai-je pas suivi mon cœur à l’époque?’. Ma vie aurait été tellement différente”.

Sauter le pas

Tania (52 ans): “Je voulais changer de travail depuis longtemps, mais je n’osais pas. Je m’estimais chanceuse d’avoir un emploi si près de chez moi et je devais rembourser un emprunt. En plus, on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques et j’étais déjà convaincue qu’on ne m’embaucherait nulle part. Après 26 ans, j’ai finalement eu le courage de quitter le navire et je travaille aujourd’hui dans l’entreprise la plus agréable qui soit. Si seulement j’avais osé franchir ce pas plus tôt…”.

Le piège de la naïveté

Nikita (58 ans): “Cela semblait être un bon plan: mon amie et moi allions reprendre ensemble un restaurant. Une affaire bien gérée, que nous connaissions toutes les deux. Elle, formée en hôtellerie, s’investirait à plein temps dans le projet. Je travaillerais d’abord à côté, puis, une fois que j’aurais pris mes marques, je quitterais mon emploi. J’étais loin de me douter que cet emploi deviendrait un jour la goutte d’eau qui ferait déborder le vase.

Ma maison, que j’avais mise en garantie, mes économies, tout était perdu. Le salaire de mon autre emploi a été confisqué pendant un an

Dès le premier jour, mon amie s’est approprié l’entreprise. Parce que j’avais encore ‘beaucoup à apprendre’. Elle s’est abstenue de me dire que les factures impayées s’entassaient, je ne l’ai su que lorsqu’il était trop tard et que les rappels s’étaient accumulés. Il ne restait plus qu’à déposer le bilan. Ma maison, que j’avais mise en garantie, mes économies… Tout était perdu. Le salaire de mon autre emploi a été confisqué pendant un an. Le fait qu’elle ait prétendu pendant tout ce temps qu’elle maîtrisait la situation me dépasse. Elle savait combien j’avais investi dans l’entreprise. Mais outre la gueule de bois financière, je regrette surtout d’avoir été aussi naïve en lui faisant confiance. Je pensais la connaître, mais comme pour le restaurant, notre amitié s’est révélée n’être que du vent”.

Peur du volant

Eveline (32 ans): “À 20 ans, je roulais avec ma petite voiture et un permis de conduire provisoire. L’examen de conduite s’est parfaitement déroulé, jusqu’à ce que j’aie un trou de mémoire dans les dix dernières minutes. Changer de vitesse, redémarrer… Je ne savais plus comment faire. Depuis cette crise de panique, je n’ai plus jamais pris le volant. Ceux qui m’entouraient ne comprenaient pas: ‘Tu sais conduire. Tu n’as qu’à repasser l’examen et tu l’auras!’. Si seulement j’avais persévéré à l’époque.

Douze ans plus tard, ma peur s’est accentuée, et les examens de conduite sont plus difficiles. Mais j’ai promis à mon mari et à mes enfants de sauter le pas. Cette année, je veux passer mon examen théorique et l’été prochain, mon examen pratique. Il ne me reste plus qu’à garder mon calme”.

L’image du père

Karen (59 ans): “Je n’aurais jamais dû informer mes demi-sœurs du comportement inapproprié de leur père à mon égard. Elles ont été choquées quand je le leur ai dit. L’image de leur père a été ternie à jamais et j’ai eu l’impression que c’était de ma faute. J’ai eu des remords pendant des années, ce qui a créé une grande distance entre elles et moi. Ces dernières années, les choses se sont améliorées grâce aux nombreux témoignages de femmes ayant vécu des expériences similaires. Mais entre nous, on n’en parle toujours pas et je ne voudrais pas qu’il en soit autrement. Je pense qu’il est important que les victimes puissent parler de ce qui leur est arrivé. Je regrette seulement de ne pas avoir consulté un psychologue au préalable. Ce n’était pas à moi de transmettre ce message à mes sœurs”.

La santé d’abord

Fatima (56 ans): “Il y a 22 ans, j’ai contracté une maladie inflammatoire: la sarcoïdose. J’étais autorisée à prendre un congé maladie pour me rétablir, mais comme je venais d’obtenir le travail de mes rêves, j’ai décidé de continuer à travailler. Trois ans plus tard, j’étais toujours malade et j’ai été licenciée. Aujourd’hui, je ne pense qu’à une chose: si seulement je pouvais remonter le temps. Je ne ferais plus jamais passer mon travail avant ma santé. Peut-être serais-je guérie aujourd’hui”.

Protéger ma fille

Els (51 ans): “Ma fille Elien a senti une grosseur dans son cou à l’âge de 16 ans. Pas de quoi s’inquiéter, nous a assuré le médecin de famille, une glande gonflée causée par un banal rhume. Nous n’avions aucune raison de ne pas le croire. Elien était souvent enrhumée, même lorsqu’elle était bébé. La vie a continué, elle a eu un petit ami et plus tard une fille.

Entre-temps, quelques expériences désagréables nous avaient menées à consulter un autre médecin, qui avait remarqué une nouvelle fois la grosseur dans le cou d’Elien. ‘Oh ça… Ça fait longtemps que c’est là’. Le médecin a recommandé de faire une échographie dès que possible. Le 5 mars 2018, un lundi, elle avait rendez-vous à 16h45. À 17h, j’ai été prise par l’angoisse: et si ce n’était pas normal? Les examens l’ont confirmé: le cou d’Elien était rempli de tumeurs. Par la suite, ils ont découvert qu’il y avait déjà des métastases dans ses poumons. Cela m’a fait l’effet d’un coup de poing dans l’estomac.

Pourquoi ne l’avais-je pas emmenée chez un spécialiste? Avais-je fait trop confiance à notre généraliste?

J’ai immédiatement pensé à la visite médicale effectuée six ans plus tôt. Ce cancer était dans son corps! Pourquoi ne l’avais-je pas emmenée chez un(e) spécialiste? Avais-je fait trop confiance à notre généraliste?

Elien est mon enfant, celle pour laquelle je remuerais ciel et terre, et pourtant j’avais échoué en tant que mère. Elle a entamé un parcours difficile. Plutôt que de vivre une vie de famille paisible, elle a subi une série d’interventions chirurgicales, une cure d’iode et pris une multitude de médicaments. J’étais très triste de la voir rater une grande partie de la vie de sa fille en bas âge. Quatre années se sont écoulées et le combat continue. Elien ne sera pas guérie, nous ne pouvons qu’espérer que tout reste aussi stable que possible. Nous essayons de profiter l’une de l’autre, mais c’est difficile. Même si, rationnellement, je sais que ce n’est pas de ma faute, les regrets et les ‘et si…’ ne disparaissent jamais”.

Respect des règles

Linda (41 ans): “J’ai vécu les confinements comme une citoyenne consciencieuse. Par conviction, mais aussi pour protéger ma mère. Même lorsque la situation s’est améliorée, j’emmenais mes enfants de 14 et 16 ans la voir le moins souvent possible, par prudence. Mais en avril 2021, ma mère a été victime d’une hémorragie cérébrale et s’est retrouvée dans le coma du jour au lendemain. Elle est décédée deux semaines plus tard, sans que je puisse lui parler une dernière fois. Je regrette énormément de l’avoir si peu vue au cours de sa dernière année. Mais aussi, de ne pas avoir laissé mes enfants profiter davantage d’elle, et vice-versa. Si je pouvais recommencer avec les connaissances que l’on a aujourd’hui, je ferais les choses complètement différemment”.

Texte: Karolien Joniaux. Adaptation Web: Justine Leupe.

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