Témoignages: elles évoluent dans des milieux dits “d’hommes” et adorent leur métier
“Mais c’est un métier d’homme, ça”, voilà le genre de phrase que de nombreuses femmes peuvent entendre lorsqu’elles décident de se lancer dans un parcours de formation traditionnellement masculin: mécanique, menuiserie, maçonnerie… Est-ce toujours le cas en 2020? Quelques témoignages permettent de nuancer les idées reçues!
Certains métiers séduisent plus les hommes que les femmes, et c’est peut-être par mimétisme qu’aucune femme n’ose s’y aventurer. Pas étonnant quand on sait que seulement 5% des plafonneurs et des cimentiers sont des femmes. L’IFAPME (Institut wallon de Formation en alternance) propose une série de formations pour un public de 18 à 55 ans et il révèle des chiffres interpellants concernant la présence féminine dans ses formations en 2019:
- Métal: 5 %
- Construction: 2 %
- Électricité: 2 %
- Filière bois: 2 %
- Chauffage central: 1 %
- Couvreur: 1 %
- Carrossier: 1 %
Heureusement, certaines osent s’y frotter! C’est le cas de Hala, Anissa, Marie et Muriel, qui nous racontent leur histoire.
“Aujourd’hui, ma mère est très fière de mon choix!”
Hala, 19 ans, bachelier en électromécanique: “La filière technique m’intéressait depuis la 2e secondaire, mais j’ai dû batailler, car ma mère n’était pas d’accord! Elle idéalisait les études générales et avait peur du milieu ‘garage’ lié à l’électromécanique. Pourtant, l’électromécanique ne mène pas nécessairement au travail dans un garage… Je fais une spécialisation en automation qui me permettra de travailler à la conceptualisation des systèmes automatiques dans les usines ou les chaînes de fabrication, par exemple. Aujourd’hui, ma mère est très fière de mon choix. À l’école, on était 2 filles sur 20 et ici en bachelier, on est 2 sur 67. Au début, c’est un peu compliqué, mais avec le temps on s’habitue à n’être entourée que de garçons pour les sorties, les travaux… Côté profs, certains me mettent sur un piédestal parce que je suis une fille et ils pensent que je sais tout, alors que d’autres me disent en début d’année, sur un ton moqueur, que je me suis trompée de classe… Mais ça va, je le vis bien!”.
“J’adore travailler sur des moteurs, les démonter, les réparer”
Anissa, 16 ans, 2e année en mécanique: “Mon papa est passionné de voitures et m’a fait découvrir cet univers. Dans la classe, ça ne pose pas de problème, mais c’est plus difficile sur le terrain. Lorsque j’ai dû trouver un stage, j’ai eu une vingtaine de refus avant de tomber sur un garage qui veuille bien m’accueillir. Je m’y attendais, mais pas à ce point. Cela ne m’a pas arrêtée, cela m’a rendue plus forte! En revanche, j’ai le sentiment que je dois encore plus montrer que je suis capable… Si je fais une erreur, tout le monde est au courant, alors que si je réussis quelque chose, personne ne le sait. Le fait d’être passionné est important, ici je me sens dans mon élément. Ce que j’adore dans la mécanique, c’est le fait de travailler sur des moteurs, de démonter, de réparer. J’aime travailler avec mes mains toute la journée, et pas derrière un bureau. Et puis, c’est quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours, cela fait ma singularité”.
“Dans ma famille, ils faisaient des paris pour savoir si je tiendrais”
Marie, 22 ans, suit un cursus de menuiserie: “J’ai commencé par un parcours traditionnel avec des débuts en secondaires ‘classiques’, mais ça ne me convenait pas. J’ai visité un collège technique à Wavre, je suis entrée dans l’atelier de menuiserie et j’ai tout de suite compris que je voulais faire ça. Ils étaient ravis: ils recherchaient des filles car elles ont une façon différente de voir les choses. Ma maman n’était pas enchantée: ce n’est pas le fait que j’aille en technique qui la dérangeait, car pour elle toutes les études se valent, mais elle avait peur de l’accueil réservé à l’école. C’était rigolo, dans ma famille, ils faisaient des paris pour savoir combien de temps je tiendrais! Finalement je suis restée 4 ans la seule fille ‘technicienne en industrie du bois’. Les profs étaient plutôt cool, à l’exception de deux d’entre eux. Quand j’ai été diplômée, ils sont venus me trouver en me disant qu’ils avaient été vaches avec moi pour que je sache comment les hommes seraient dans la vie professionnelle. Ma mère était un peu choquée, mais ça m’a appris à mettre mes limites et à oser dire quand ça ne va pas. Aujourd’hui, je suis responsable des devis et du suivi des chantiers. Je me suis réorientée vers un travail de bureau parce que c’était parfois difficile physiquement de porter des charges lourdes”.
“Les hommes sont plus francs, plus cash”
Muriel, 40 ans, électricité, travail sur chantier: “Moi je préfère travailler avec des hommes! Ils te mènent parfois la vie dure au départ, et puis une fois qu’ils voient que tu es capable, la confiance est là et tu n’as plus jamais de problème. L’autre avantage, c’est qu’ils sont plus francs, plus cash, il y a de la concurrence visible et loyale, pas cachée, pas de crêpage de chignon ni de coups dans le dos. Aujourd’hui, je dirige des équipes, et avec les ouvriers, ça se passe bien… Dans une équipe, chacun doit apporter quelque chose à son niveau. Je pense que je me suis fait siffler une fois par un ouvrier sur chantier et les quatre autres se sont retournés pour demander au premier d’arrêter”.
Le regard des formateurs
Philippe Van Ginderdeuren, coordinateur du CDR-Construction, Centre de Référence Professionnelle bruxellois pour le secteur de la construction: “Accueillir des filles dans nos formations ne nous pose pas de problème, mais elles sont peu intéressées par les métiers de la construction. Lorsque nous réalisons une campagne de communication classique, seulement 1% de femmes se présentent. Une année, nous avons mis en place des formations spécifiques, en nous disant que c’était peut-être le fait d’être en minorité parmi des hommes qui les freinait. On avait donc programmé 6 sessions de formations uniquement pour les filles, et on a eu grande peine à réunir suffisamment d’étudiantes pour une session, alors qu’il ne fallait aucun prérequis à l’entrée, on avait super bien ciblé la campagne. Le secteur souffre certes de son image machiste, mais aussi du fait que les filles se disent que ce ne sont pas des métiers pour elles”.
Philippe Sopère, architecte, formateur en construction à l’IFAPME depuis 35 ans: “L’an dernier, c’était un plaisir de faire sortir une apprenante chef d’entreprise en maçonnerie de ma formation! Ça n’a pas été évident car le monde de la construction reste particulier et machiste. Y intégrer du personnel féminin n’est pas une mince affaire! Il faut être très motivé et d’après moi, montrer deux fois plus qu’on est capable. Il reste encore des barrières. Au niveau de la formation en elle-même, il n’y a pas de différence, si ce n’est qu’une fille n’a pas forcément le ‘vocabulaire’ lié à la construction, au bricolage, mais c’est mon rôle de vulgariser et de transmettre”.
Texte: Stéphanie Grosjean
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