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Témoignage: «Sans la sclérose en plaques, je serais passée à côté de ma vie»

A 21 ans, Marine découvre qu’elle est atteinte d’une sclérose en plaques. Pour apprivoiser sa maladie, elle décide de la rebaptiser Rosy et de l’emmener en voyage. Ce périple à l’autre bout du monde va bouleverser sa vie.

«Si on ne m’avait pas diagnostiqué cette maladie, je crois que je serais passée à côté de ma vie…» Marine est une toute jeune femme, fraîchement diplômée d’une école de commerce. Il y a deux ans, au cours d’une fête d’étudiants, elle a soudain eu l’impression que son champ de vision se rétrécissait. «Au début, je ne me suis pas inquiétée. Je me suis dit que c’était l’alcool. Ou peut-être même la peinture que l’on m’avait mise sur le visage. Mais le lendemain, je ne voyais plus net. Ma mère m’a conseillé de consulter un médecin. Ça me saoulait, mais je me suis dit que ça allait se régler avec quelques gouttes…» Erreur. Lorsque le diagnostic est tombé, Marine a pris une claque: c’était une sclérose en plaques. «Je ne connaissais pas bien cette maladie, je me souvenais juste d’un film avec une dame aveugle en fauteuil roulant… Ce n’était pas possible! J’avais 21 ans! Dans les semaines qui ont suivi, j’ai vu dix neurologues qui m’ont tous proposé un traitement différent. J’étais complètement perdue…»

Un requin qui vous croque

«J’ai une SEP, comme ils disent à l’hôpital. Une sclérose en plaques. C’est une maladie sournoise, vicieuse, imprévisible, qui se cache et qui vous prend par surprise. Ce n’est pas comme un requin qui vous engloutirait d’un coup, il vous croque petit à petit en vous laissant la conscience de ce qui est en train de se passer… Il fallait que je m’organise, que je prépare la résistance. Du coup, cette SEP m’a surtout donné une Super Envie de Partir! J’avais toujours rêvé de voyager et j’ai pensé que ça allait me permettre de me retrouver. J’ai voulu éprouver mon corps alors qu’il menaçait de me lâcher. J’ai aussi voulu éprouver mon esprit, travailler sur mes pensées, questionner mon âme… C’était décidé: je partais huit mois pour un trip en Nouvelle-Zélande, en Birmanie et en Mongolie. Mon projet a suscité pas mal d’incompréhensions. Mon neurologue a trouvé que ce n’était pas prudent, mes parents étaient stressés, mes amis, inquiets… Mais je savais que tous à leur manière, me soutenaient. Il fallait que je fasse ce voyage. Première étape, la Nouvelle-Zélande. J’ai choisi ce pays pour mettre mon corps à l’épreuve. Je voulais marcher pendant trois mois sans penser à rien. Apprendre à faire face aux courbatures, à la transpiration, aux fourmillements, aux pertes d’équilibre. Tous ces petits détails si déstabilisants au début de mon diagnostic. C’était difficile. Mais quand mon corps était à la peine, ma volonté battait le rappel. ‘Alllleeeez!!! Tu vas avancer, Marine!’ Je criais, je hurlais, je vidais ma haine, ma peur, mes angoisses. Puis, j’ai commencé à parler à ma sclérose. Comme à un compagnon de voyage. Mais je trouvais ces mots de ‘sclérose en plaques’ extrêmement lourds et laids. Pourquoi ne pas lui donner un petit nom? Sclérose… sclérose… Rosy! Les larmes montaient. Je sentais que c’était le début d’une longue aventure. Avoir une jolie rose à la place d’une sclérose, ça change tout. J’avais une nouvelle copine à mes côtés pour voyager. ‘Prépare-toi Rosy, on va marcher. Beaucoup marcher!’»

De belles rencontres

Marine n’avait jamais voyagé seule, jamais fait de stop, jamais dormi sous tente… Mais son périple s’est déroulé sans le moindre souci. «Je ne tombais que sur des personnes incroyables, profondément gentilles et tellement généreuses. Les rencontres étaient plus improbables les unes que les autres. Au bout de deux mois, je me suis souvenue du check-up préconisé par mon médecin. J’avais ça dans un coin de ma tête, mais pas l’envie de le faire réellement. Un 4 x 4 s’est arrêté, un homme au look assez sérieux. Il s’est mis à me parler… il était neurologue! Il m’a posé des questions sur mes symptômes et mon état. Consultation gratos entre deux auto-stops! Il n’y a pas de hasard. Une autre fois, je suis montée dans un pick-up. On a entamé la conversion. – Tu fais quoi dans la vie? – Je suis fermier, mais suite à ma maladie, j’ai dû m’adapter. – Ah bon, qu’est-ce que tu as? Une sclérose en plaques… J’ai compris que sa voiture était entièrement automatisée. Il était handicapé des pieds au bassin. Je lui ai parlé de ma Rosy. Quand je suis sortie de la voiture, il m’a dit: ‘J’ai l’habitude de planter des patates mais je te promets, je vais planter un rosier et je vais l’arroser.’»

Dix jours de silence

«J’ai quitté la Nouvelle-Zélande avec un nouveau regard sur mon corps. Après cette première étape, direction la Birmanie. Je voulais faire une retraite dans un monastère bouddhiste pour découvrir la méditation et gérer les pensées que mon esprit n’arrivait plus à trier. C’était une retraite de douze jours, dont dix de silence. Je n’avais droit à rien. Ni cahier, ni stylo, ni livre pour me divertir. J’avais deux habits pour méditer, cinq culottes et c’était tout. Mon coeur était lourd de peur, mais aussi de l’envie d’y arriver. J’étais heureuse que ma Rosy m’accompagne. Je savais que sans elle, je n’aurais pas été là. J’ai entamé un discours intérieur très fort avec elle. Treize heures de méditation par jour. Au début, on a la permission de bouger, de changer de jambe ou de position si un membre venait à nous chatouiller. Mais à partir du quatrième jour, immobilité absolue. Pour moi qui ai toujours la bougeotte, c’était un supplice physique et psychique. Il y a une sensation de démangeaison? Elle va disparaître. Laisser la nature jouer son rôle. Quelle que soit la réalité, notre travail consiste seulement à l’observer sans y réagir. Quoi qu’il advienne, on l’accepte. Se concentrer sur sa respiration et ne penser à rien… D’un coup, j’ai pris conscience que mes pensées étaient indomptables. Impossible de les arrêter ou même de les canaliser. C’étaient elles qui me contrôlaient. Elles dictaient toute ma vie, mes émotions, mes peurs, mes envies… Les découvertes sur moi-même étaient très puissantes. J’ai ouvert les yeux sur ma personnalité, sur ce qui n’allait pas, sur ce que je devais essayer de changer. J’étais émue, heureuse, perplexe, anxieuse, épanouie… C’était un melting-pot de sensations. J’ai réalisé que le bonheur n’était pas là où je croyais.»

Main dans la main

«Après avoir éprouvé mon corps et secoué mon esprit, j’ai touché au but ultime de mon voyage: l’âme. Je ne savais pas trop comment la définir, mais je l’imaginais comme une bulle qui englobe le corps et l’esprit. La solitude est sans doute le meilleur moyen de découvrir son âme. C’est pourquoi j’ai choisi la Mongolie, le pays où il y a le moins d’habitants au kilomètre carré. Et là, j’ai eu une chance de dingue: j’ai pu accompagner une famille mongole à travers les steppes pour la transhumance des chevaux. C’étaient de longues journées sans croiser personne. Je passais d’une méditation assise sans bouger à une méditation en trottinant sur mon cheval. Cette solitude durant des heures, à écouter la respiration des chevaux et la nôtre, si importante pour se sentir exister, m’a ouvert les portes d’un univers inconnu. Et si c’était l’âme, mon âme? J’ai ressenti un bonheur et un équilibre parfaits. Cet incroyable voyage m’a permis d’avancer sur le chemin de la guérison. Je sais que ma maladie ne disparaîtra pas et que mon corps va probablement me lâcher un jour ou l’autre, mais je cohabite désormais avec ma Rosy en toute sérénité. C’est ma colocataire et on s’entend à merveille. Aujourd’hui, je lui dis: ‘Rosy, je suis heureuse que tu fasses partie de ma vie. Sans toi, je serais passée à côté de plein de choses. On va avancer main dans la main, ma Rosy…’»

Texte: Christine Masuy

A lire

Seper Hero. Le voyage interdit qui a donné du sens à ma vie, Marine Barnérias, éd. Flammarion, 18 €.

 

 

 

 

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