témoignage alcoolisme
"Lorsque la tension devenait trop forte, je buvais du vin comme d'autres prennent un analgésique pour un mal de tête." © Arzu Sendag/Unsplash

Témoignage: “Le verre de vin est vite devenu une bouteille”

Petit à petit, de façon insidieuse, Katrien a créé une dépendance à l’alcool. Aujourd’hui sevrée, elle nous raconte son parcours aussi cabossé qu’inspirant.

Après plusieurs années à nier son problème d’alcoolisme, Katrien, 36 ans, se retrouve ivre dans une ambulance, direction les urgences. C’est le déclic: à partir de ce moment, elle prend la courageuse décision d’arrêter de boire et de remettre sa vie sur des rails.

Un passé compliqué

“Je ne me conforme pas à l’image que la plupart des gens se font d’un(e) alcoolique. Je ne m’assois pas dans un café le matin avec une bière devant moi. J’aime travailler dur et j’aime cuisiner et manger sainement. Je prends soin de moi et je suis l’heureuse mère de beaux enfants. Je travaille à temps plein pour le même employeur depuis des années. Mais mon histoire est cabossée”, détaille Katrien.

Tous les jours, la jeune maman lutte contre l’échec de sa relation amoureuse et le poids d’une enfance compliquée. “Mes parents ont un problème d’alcool et j’ai grandi dans une situation familiale dangereuse et malsaine.” Pour fuir, à 18 ans, la jeune femme décide d’emménager avec son petit ami. “J’ai donné naissance à notre premier enfant. Je me débrouillais bien, mon copain avait sa propre entreprise. Tout allait bien jusqu’au jour où il a commencé à prendre de la cocaïne. Notre rêve s’est brisé.”

Boire pour oublier…

Son compagnon commence à lui mentir, et à filer au lit dès qu’il rentre à la maison. “Il cuvait son ivresse. Moi, je me sentais seule, je me servais un verre de vin en cuisinant, un autre quand les enfants dormaient… À cette époque j’arrivais à me contrôler, mais cette période est le début de ma dépendance. Je buvais pour oublier ma douleur, ma tristesse et ma solitude.”

Pour moi, ce verre était simplement le symbole de temps pour moi. D’un moment de repos, d’insouciance

À côté de cette solitude, les dettes s’accumulent. “Après plusieurs tentatives de réconciliation infructueuses, j’ai demandé le divorce. Après mon divorce, je me suis assise à la table de ma cuisine et je me suis servie un verre de vin. Pour moi, ce verre était simplement le symbole de temps pour moi. D’un moment de repos, d’insouciance. Lorsque la tension devenait trop forte, je buvais du vin, comme d’autres prennent un analgésique pour un mal de tête.”

Le verre est devenu une bouteille

À ce moment-là, Katrien ne boit pas tous les jours et n’a pas d’habitudes liées à l’alcool. Mais petit à petit, elle devient accro. “Les quantités se sont multipliées, le verre est devenu une bouteille. Je me suis enfermée et j’ai commencé à avoir du mal à interagir en groupe. Je ne respectais pas mes rendez-vous ou je les annulais. Il m’arrivait de simuler une grippe intestinale. Je cherchais des excuses parce que j’avais la gueule de bois et que je ne me sentais pas bien. Je glissais de plus en plus. Quelques heures avant la fin de ma journée de boulot, je me demandais déjà où j’allais acheter du vin ou si j’avais encore une bouteille à la maison.”

Rien qu’un verre, vraiment?

Son entourage commence à lui faire des remarques, ses amitiés se réduisent. “Ils m’ont tendu la main, mais j’ai eu beaucoup de mal à m’ouvrir. Lorsque je trouvais le courage d’en parler, je me heurtais souvent à des réponses standards: ‘de toute façon, boire ne résout rien’. Mais ça, je le savais déjà.” Il y a également ceux qui minimisent la situation: “Un verre ne peut pas faire de mal, n’est-ce pas?” ou “tu devrais être capable de te laisser aller de temps en temps!”. Selon Katrien, cela en dit long sur leur consommation. “Car pour moi, ce verre me fait beaucoup de mal. Mes enfants m’ont également fait remarquer que je réagissais différemment lorsque j’avais bu. Mon absentéisme au travail augmentait, j’étais moins performante et mon rythme cardiaque s’accélérait. J’avais l’impression de me noyer, au sens propre comme au sens figuré.”

Le déclic pour arrêter

Un soir, quelque chose se brise. Ses enfants sont chez leur père, et ils lui manquent. “Je me suis retrouvée à la table de la cuisine, seule, dans un appartement vide. J’en avais assez des soucis d’argent et j’étais fatiguée d’avoir deux emplois. J’ai envoyé un message à mes parents: ‘je n’en peux plus’. J’ai bu, beaucoup, vite, sans m’arrêter, pour ne plus ressentir quoi que ce soit.” Les lumières se sont “éteintes”, comme le dit la jeune maman.

J’ai bu, beaucoup, vite, sans m’arrêter, pour ne plus ressentir quoi que ce soit

“Mes parents sont venus à mon appartement et ont appelé l’ambulance. Je ne me souviens pas de leur présence, ni de la façon dont j’ai descendu les escaliers. Par contre, je me souviens encore de bribes de conversation dans l’ambulance. Je me vois encore allongée aux urgences. Le lendemain matin, j’ai été admise dans un service spécial pour me sevrer.”

Dire stop à l’alcool

Katrien devient abstinente et le chemin est difficile. Les premières années, elle supprime toute forme d’alcool de son quotidien: les boissons, mais aussi l’ajout d’un peu de vin blanc dans une sauce ou même une praline alcoolisée. “J’ai participé à plusieurs groupes d’entraide et l’arrêt complet de la consommation d’alcool était une condition préalable à la guérison. Effectivement, je ne peux pas boire, même un peu, parce que j’ai du mal à doser, je le sais maintenant. Comme mon père et ma mère y étaient prédisposés, je le suis doublement.”

Quelques années plus tard, la jeune mère se laisse parfois tenter. “Je suis moins stricte avec moi-même. Lorsque je sors avec des copines, j’ose commander un apéritif. Par contre, je sais que si j’achète une bouteille de vin pour la maison, elle sera vide le soir même.”

Le chemin est encore long

La jeune femme le sait, elle a un problème avec l’alcool et cela restera une faiblesse. “Le fait qu’il me faille du courage et de la force pour rester sobre et en bonne santé, je ne peux pas encore le voir comme un mérite ou une fierté. Je ne veux pas ‘devoir’ dire non parce que je sais que c’est la chose la plus sage à faire. Je veux simplement ‘pouvoir’ dire non parce que je n’en ressens plus le besoin. Aujourd’hui, je m’entraîne donc à être plus forte, à résister à la tentation, à agir en pleine conscience. Je me souhaite plus de paix intérieure et plus de plaisir. Petit à petit, je me débarrasse de mon passé.”

Texte: Jaela Cole, adaptaion Web: Justine Leupe

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