Témoignage: “Le verre de vin est vite devenu une bouteille”
Petit à petit, de façon insidieuse, Katrien a créé une dépendance à l’alcool. Aujourd’hui sevrée, elle nous raconte son parcours aussi cabossé qu’inspirant.
Après plusieurs années à nier son problème d’alcoolisme, Katrien, 36 ans, se retrouve ivre dans une ambulance, direction les urgences. C’est le déclic: elle prendra la courageuse décision d’arrêter de boire et de remettre sa vie sur des rails.
Un passé compliqué
“Je ne me conforme pas à l’image que la plupart des gens se font d’un(e) alcoolique. Je ne m’assois pas dans un café le matin, une bière devant moi. J’aime travailler dur, j’aime cuisiner et manger sainement. Je prends soin de moi et je suis l’heureuse mère de beaux enfants. Je travaille à temps plein pour le même employeur depuis des années. Mais mon histoire est cabossée”, nous explique Katrien.
Tous les jours, la jeune maman lutte contre l’échec de sa relation amoureuse et le poids d’une enfance compliquée: “Mes parents ont un problème avec l’alcool et j’ai grandi dans une situation familiale dangereuse et malsaine”. Pour fuir, à 18 ans, Katrien décide d’emménager avec son petit ami: “J’ai donné naissance à notre premier enfant. Je me débrouillais bien, mon copain avait sa propre entreprise. Tout allait bien jusqu’au jour où il a commencé à prendre de la cocaïne. Notre rêve s’est brisé…”.
Boire pour oublier
Son compagnon commence à mentir et à filer au lit dès qu’il rentre à la maison: “Il cuvait son ivresse. Moi, je me sentais seule, je me servais un verre de vin en cuisinant, un autre quand les enfants dormaient… À cette époque, j’arrivais à me contrôler, mais cette période signe le début de mon addiction. Je buvais pour oublier ma douleur, ma tristesse et ma solitude”.
Ce verre était simplement le symbole d’un temps pour moi, d’un moment de repos, d’insouciance…
À côté de cette solitude, les dettes s’accumulent. “Après plusieurs tentatives de réconciliation infructueuses, j’ai demandé le divorce. Après mon divorce, je me suis assise à la table de ma cuisine et je me suis servie un verre de vin. Ce verre était simplement le symbole d’un temps pour moi, d’un moment de repos, d’insouciance… Lorsque la tension devenait trop forte, je buvais, comme d’autres prennent un analgésique pour soigner un mal de tête”.
Le verre est devenu une bouteille
Petit à petit, Katrien devient accro. “Les quantités se sont multipliées, le verre est devenu une bouteille. Je me suis enfermée et j’ai commencé à avoir du mal à interagir en groupe. Je ne respectais pas mes rendez-vous ou je les annulais. Il m’arrivait de simuler une grippe intestinale. Je cherchais des excuses parce que j’avais la gueule de bois et que je ne me sentais pas bien. Je glissais de plus en plus. Quelques heures avant la fin de ma journée de boulot, je me demandais déjà où j’allais acheter du vin ou si j’avais encore une bouteille à la maison”.
Rien qu’un verre, vraiment?
Son entourage commence à lui faire des remarques, ses amitiés se réduisent. “Ils m’ont tendu la main, mais j’ai eu beaucoup de mal à m’ouvrir. Lorsque je trouvais le courage d’en parler, je me heurtais souvent à des réponses standards: ‘De toute façon, boire ne résout rien’. Mais ça, je le savais déjà”.
Il y a également ceux qui minimisent la situation: “Un verre ne peut pas faire de mal, hein?” ou “Tu devrais être capable de te laisser aller de temps en temps!”. Selon Katrien, cela en dit long sur leur consommation à eux. “Car ce fameux verre me fait beaucoup de mal. Mes enfants m’ont également fait remarquer que je réagissais différemment lorsque j’avais bu. Mon absentéisme au travail augmentait, j’étais moins performante et mon rythme cardiaque s’accélérait. J’avais l’impression de me noyer, au sens propre comme au figuré”.
Le déclic: un appartement vide
Un soir, quelque chose se brise. Ses enfants sont chez leur père, et ils lui manquent. “Je me suis retrouvée à la table de la cuisine, seule, dans un appartement vide. J’en avais assez des soucis d’argent et j’étais fatiguée d’avoir deux emplois. J’ai envoyé un message à mes parents: ‘Je n’en peux plus’. J’ai bu, beaucoup, vite, sans m’arrêter, pour ne plus ressentir quoi que ce soit”. Les lumières se sont “éteintes”, comme le dit la maman.
J’ai bu, beaucoup, vite, sans m’arrêter, pour ne plus ressentir quoi que ce soit
“Mes parents sont arrivés et ont appelé l’ambulance. Je ne me souviens pas de leur présence, ni de la façon dont j’ai descendu les escaliers. Par contre, je me souviens encore de bribes de conversation dans l’ambulance. Je me vois aussi allongée aux urgences. Le lendemain matin, j’ai été admise dans un service spécial pour me sevrer”.
Comment dire stop à l’alcool?
Katrien devient abstinente et le chemin est difficile. Les premières années, elle supprime toute forme d’alcool de son quotidien: les boissons, mais aussi l’ajout d’un peu de vin blanc dans une sauce ou même une praline alcoolisée. “J’ai participé à plusieurs groupes d’entraide et l’arrêt complet de la consommation était une condition préalable à la guérison. Effectivement, je ne peux pas boire, même un peu, parce que j’ai du mal à doser, je le sais aujourd’hui. Comme mon père et ma mère y étaient prédisposés, je le suis doublement”.
Aujourd’hui, quelques années plus tard, Katrien se laisse parfois tenter. “Je suis moins stricte avec moi-même. Lorsque je sors avec des copines, j’ose commander un apéro. Par contre, je sais que si j’achète une bouteille de vin pour la maison, elle sera vide le soir même”.
Le chemin est encore long
Katrien le sait, elle a un problème avec l’alcool et cela restera sa faiblesse. “Le fait qu’il me faille du courage et de la force pour rester sobre et en bonne santé, je ne peux pas encore le voir comme un mérite ou une fierté. J’aimerais ne pas ‘devoir’ dire non à l’alcool parce que je sais que c’est la chose la plus sage à faire, mais bien ‘pouvoir’ dire non parce que je n’en ressens plus le besoin. Aujourd’hui, je m’entraîne à être plus forte, à résister à la tentation, à agir en pleine conscience. Je me souhaite plus de paix intérieure et plus de plaisir. Petit à petit, je me débarrasse de mon passé”.
Texte: Jaela Cole. Adaptation Web: Justine Leupe.
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