“Je suis devenue esclave de mon smartphone”
Beaucoup d’entre nous ont du mal à se passer de leur téléphone portable mais la phobie d’en être séparé est une vraie pathologie. Arabella nous raconte sa dépendance à son smartphone.
“Mon smartphone, c’est toute ma vie”, confie Arabella d’un air mi-amusé, mi-dépité. À 34 ans, cette documentaliste voue un attachement indéfectible à l’objet. “C’est comme si j’avais un assistant personnel constant dans ma vie: agenda professionnel, horaire de mon mari et de mon fils, liste des courses, rappel en cas de rendez-vous chez le médecin ou chez le coiffeur, il est mon meilleur allié pour une organisation optimale et fait de moi quelqu’un de beaucoup plus efficace dans tous les domaines!”.
Pour elle, il joue également un rôle important sur le plan émotionnel. “Il me déculpabilise complètement et du coup, je réussis à lâcher prise. Je sais que si mon mari ou mon boss ont besoin de moi, je suis joignable! Ça me permet de ne pas être prisonnière… Du moins, c’est ce que je pensais”, se désole-t-elle, car elle est devenue esclave de son téléphone. Petit à petit et à son insu.
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Mon doudou digital
“Je n’ai pas vraiment vu le danger venir. Il y a deux ans, quand mon petit garçon est entré à l’école primaire, j’ai naturellement commencé à laisser mon smartphone prendre plus de place. J’aimais avoir le contrôle et pouvoir vérifier que je n’avais pas de message de l’école ou de la baby-sitter. À nouveau, c’était rassurant pour moi. Il calmait aussi mes moments de déprime si j’étais en manque de vie sociale. Il est devenu mon complice digital qui réconforte et console: avec mes amis et ma famille à portée de sac ou de poche, il me suffit d’envoyer un texto ou d’appeler pour être tranquillisée. J’ai le même rapport avec mon smartphone que mon fils avec sa peluche fétiche: dès que je me sens angoissée, il me faut mon téléphone. Si je ne sais pas où il est, je panique. Je dois toujours l’avoir dans mon champ de vision”.
Arabella a véritablement commencé à s’inquiéter quand son smartphone est devenu un sujet de dispute à la maison: “Comme je ne pouvais plus me passer d’un contact visuel, voire physique avec mon téléphone, j’ai commencé à l’utiliser encore plus. J’étais également de plus en plus présente sur les réseaux sociaux. J’y ai pris goût et ce comportement s’est immiscé dans des moments qui auraient dû rester privilégiés: un repas de famille, une promenade au parc, un trajet en voiture… J’étais scotchée à mon téléphone, même le week-end ou en vacances, il était l’objet de toutes mes attentions, j’écoutais mon mari, mon fils d’une oreille distraite, je ne profitais plus des moments présents avec mes proches. Il fallait à tout prix que je sois en lien avec mon smartphone, que je ne rate rien: qu’il s’agisse d’un message, d’une notification, d’une actu, il faisait partie de moi, de ma personne”.
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Une crise au supermarché
Et la spirale infernale de s’enclencher pour elle: “Un jour, je l’ai oublié pour aller faire les courses, ça a été catastrophique. J’étais dans un état indescriptible. Je me sentais complètement perdue et sans repères, j’étais en nage, j’ai complètement craqué. Benoît, mon mari, a refusé de faire demi-tour et m’a fait une scène épouvantable. Je me sentais ridicule. Je me suis calmée mais, une fois dans la grande surface, j’ai été prise d’une crise de larmes incontrôlable.
On est rentrés. Benoît a souhaité que je me fasse aider. J’ai moi-même eu peur de ce que je venais de vivre, je me suis dit que ça ne pouvait plus durer. J’ai donc pris de bonnes résolutions: plus de smartphone avant 9h et après 19h, jamais pendant les repas, devant la télé ou dans la chambre à coucher, ni au volant. J’ai tenu trois jours”.
Comme j’avais promis de ne jamais prendre mon téléphone dans la chambre, j’ai commencé à me lever la nuit…
La main dans le sac
Au début, Arabella craque et cache son smartphone qu’elle met toujours en mode silencieux. “Dans la poche de mon tablier quand je cuisinais ou quand je donnais le bain à mon fils: le savoir sur moi suffisait déjà à m’apaiser considérablement. Mais c’était plus fort que moi, il fallait que je consulte mes messages, mes comptes sur les réseaux sociaux. Un soir, Benoît m’a prise la main dans le sac alors que je repassais, je m’en suis sortie en lui disant que je l’avais rallumé uniquement pour écouter de la musique. Il m’a simplement rappelé que c’était pour mon bien et qu’il pensait sincèrement que j’avais un comportement compulsif avec mon GSM”.
Le mari d’Arabella est loin d’imaginer l’engrenage dans lequel sa femme était prisonnière: “Comme j’avais fait la promesse de l’éteindre le soir et de ne jamais le prendre dans la chambre à coucher, j’ai commencé à me lever la nuit. L’impatience de pouvoir l’allumer me tenait éveillée. Très vite, c’est devenu un rituel. Je me donnais un quart d’heure max, je postais un selfie de moi insomniaque ou en train de préparer la boîte à tartines de mon fils pour l’école… Le quart d’heure est devenu une demi-heure, puis une heure. Il m’est arrivé de passer des nuits blanches quasi complètes, à papoter avec des inconnus sur Facebook. J’aimais ces échanges frénétiques. J’étais créative, aussi: j’imaginais ce que je ferais à manger le lendemain en surfant sur des blogs culinaires, je faisais des recherches pour nos prochaines vacances… Je me suis même mise à faire du shopping en ligne, et c’est ça qui m’a perdue”.
Chaussures accusatrices
Au fil des semaines, Arabella est de plus en plus fatiguée et met ça sur le compte du stress au boulot: “Un de mes collègues était en arrêt maladie et personne ne pouvait le remplacer, mon volume de travail avait donc doublé. Mon mari était au courant et n’a pas tiqué quand je lui ai donné cette explication. J’étais livide, constamment fatiguée, d’humeur changeante. Je dormais de moins en moins. Il arrivait que Benoît me fasse des remarques sur des publications que j’avais faites sur Facebook en pleine nuit, il me demandait des explications et je lui disais que ce n’était que pendant mes insomnies, que je vérifiais simplement que mon patron ne m’avait pas laissé un message important après 19h.
Un jour, j’ai constaté qu’il m’attendait à la maison de pied ferme, avec un air qui m’a effrayée. Devant lui, un colis à mon nom, qu’il m’a sommée d’ouvrir. C’étaient les sandales que j’avais commandées en ligne quelques nuits plus tôt. Il m’a fait une scène terrible. Pas parce que j’avais acheté des chaussures, mais parce que je lui mentais et que je passais mes nuits sur Internet. Il m’a dit qu’il voulait que je prenne rendez-vous chez le médecin pour être aidée. Il l’a appelé devant moi et a pris rendez-vous pour le lendemain. Quand il est parti travailler, j’ai annulé la consultation”.
S’enliser dans l’addiction
Les semaines passent et Arabella s’enfonce dans l’addiction. Elle finit par en parler à son médecin, qui la guide vers un psychiatre et pose un mot sur sa pathologie: la “nomophobie” ou la phobie d’être séparé de son portable. “Cet été, nous partons quinze jours en vacances dans les Ardennes et je redoute ce séjour. Benoît en attend beaucoup, il le voit comme une cure de santé, où je serai enfin libérée de ma pathologie. La pression est très forte, j’ai peur de le décevoir, mais je sais aussi que mon besoin d’être connectée est vital. Sans mon téléphone, je suis en perdition, comme amputée. C’est très difficile à faire comprendre à mon entourage et souvent, j’ai honte. Mais j’imagine que comme pour le tabac, je finirai par réussir à dire stop”, conclut-elle, son GSM en main.
Texte: Aurélia Dejond
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