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Témoignage: “J’ai hérité de 190.000€ d’un inconnu”
Hériter inopinément d’une importante somme d’argent de la part d’une personne que l’on connaît à peine… Cela ressemble à un scénario de film, mais c’est ce qu’a vécu Marie*.
Il y a 10 ans, Marie, 35 ans, menait une vie ordinaire. Mariée, une petite fille et un job dans une banque. Un soir, elle reçoit un appel de sa collègue Emma*: “Tu as ouvert ta boîte aux lettres? Il y a une lettre du notaire! On va recevoir toutes les deux un héritage… de Bernard”. Bernard? Elle a dû s’asseoir un instant pour reprendre ses esprits… “Bernard était un client de la banque dans laquelle nous travaillions. C’était un client un peu excentrique. Il collectionnait les pièces de monnaie de différents pays et appelait au moins une fois par semaine pour en commander: deux paquets de 1 euro, un de 50 cents… Lorsqu’il venait chercher sa monnaie, il payait en espèces avec des centimes qu’il conservait dans une boîte à thé en carton vide pliée en forme d’enveloppe”.
Un homme mystérieux
“Je me souviens que Bernard a protesté lorsque j’ai voulu jeter ce petit carton, car il en avait besoin. Mes collègues et moi pensions: ‘Le pauvre, il n’a vraiment rien’. Il avait l’air d’un sans-abri car il était toujours très négligé. Mais surtout, il semblait très seul. Parfois, il entrait dans notre bureau pour utiliser nos toilettes et il en profitait pour discuter avec nous. Parfois aussi, il laissait passer les autres clients en premier, pour pouvoir rester un peu plus longtemps à l’intérieur. Il n’avait pas de compte courant ou d’épargne dans notre banque, il ne venait vraiment que pour ses pièces. Nous ne savions rien de lui”.
Refuser l’héritage… et basta!
C’est dans ce contexte que les deux collègues ont reçu cette lettre. Bernard était décédé, et elles étaient les bénéficiaires de son testament, ainsi que — incroyable mais vrai — la patronne du snack-pita du village. “J’ai reçu un huitième, Emma un huitième et la femme du snack un quart. Le reste de son patrimoine est allé à la Fondation Roi Baudouin. Ce dernier point était important car il s’agissait d’un héritage en duo, ce qui signifiait que nous ne devions pratiquement pas payer de droits de succession”.
Nous n’avons pas le droit d’accepter des héritages de la part de clients, cela peut être un motif de licenciement
Ce soir-là, les deux collègues sont restées longtemps au téléphone. “Nous étions choquées par la mort inattendue de Bernard, bien sûr, mais surtout nous ne comprenions pas pourquoi c’était précisément nous qui figurions sur son testament. Nous avons toujours été aimables avec lui, mais ni plus ni moins qu’avec les autres clients. Quant à l’héritage lui-même, nous n’étions pas vraiment inquiètes. À ce stade, on pensait qu’il ne pouvait avoir tout au plus qu’une voiture… Un vieux tacot certainement. Nous pensions alors refuser cet héritage, car il existait un code déontologique interne à notre banque: les employés n’ont pas le droit d’accepter des héritages de la part de clients et cela peut être un motif de licenciement. Nous nous disions qu’il s’agissait d’une histoire étrange, mais sans conséquence majeure. Nous l’avons également rapporté à nos collègues et à notre chef de bureau; nous ne voulions pas commettre d’erreur”.
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30.000 euros, voire plus?
Quelques renseignements pris, Emma et Marie découvrent que Bernard avait des investissements d’une valeur à hauteur d’environ 30.000 euros. “Cela nous a surprises, mais pour un huitième de 30.000 euros, il était toujours hors de question de compromettre notre travail. Le notaire avait cependant encore des recherches à faire, et ne pouvait pas encore nous dire de quels montants nous allions hériter”.
C’est alors qu’a commencé la longue attente et les questions du genre “et si”. “Et si Bernard avait plus que ce que nous pouvions soupçonner? À quel prix renoncerions-nous à notre emploi que nous aimions tant? À nos collègues fantastiques, avec qui nous étions soudés, presque comme une famille? À partir de quelle somme cela vaudrait-il le coup? Ces questions m’ont tenue éveillée quelques nuits. Je suis quelqu’un qui a besoin de beaucoup de certitudes, j’aime savoir où j’en suis. Mais ici, tout était flou, et bien trop de scénarios défilaient dans ma tête”.
Pendant un moment, Marie a même éprouvé de la colère. “Quel cadeau empoisonné!”: elle était confrontée à un dilemme qu’elle n’avait pas demandé.
Les 6 mois les plus longs de ma vie
“Cela a également pesé sur mon couple. Comme je dormais mal, j’étais souvent de mauvaise humeur et mon mari ne le comprenait pas toujours. Il se disait qu’il me suffisait simplement d’attendre les informations. Mais c’est précisément ce que j’avais tant de mal à faire.
Le montant a finalement été prononcé: 192.000€ chacune. C’était trop pour ne pas accepter…
Il a fallu six mois de recherches pour qu’Emma et moi sachions quel était le montant en jeu. Ce furent les six mois les plus longs de ma vie. Avec Emma, nous avons beaucoup discuté et nous nous étions en quelque sorte fixé une limite: à partir de 50.000 euros, nous envisagerions d’accepter l’héritage, en tenant compte des conséquences pour nos carrières. Et puis ce montant a finalement été prononcé: 192.000 euros chacune. C’était trop pour ne pas accepter”.
Sans emploi, mais avec un héritage
Le soulagement d’un côté, mais de l’autre, ce n’était pas l’euphorie pure, il restait encore la question du travail… “Emma et moi avions dit à la banque que nous voulions rester. Nous aimions notre job, et nous le faisions bien. En plus, nous n’avions rien fait de mal! Je pense que nos collègues espéraient que nous puissions rester et nos directeurs nous comprenaient, mais la banque en a décidé autrement: accepter un héritage d’un client était contraire au code déontologique. Point final. Nous devions démissionner, mais je ne voulais pas, c’était contraire à mon sens de la justice! Alors, nous avons toutes les deux été licenciées.
Fin novembre, j’ai perdu mon emploi, et le 1er décembre, j’ai reçu près de 200.000 euros sur mon compte. C’était très ambivalent, car j’étais heureuse d’avoir cet argent, mais le licenciement prenait le dessus sur cette joie. Et même aujourd’hui, cela me laisse un goût amer”.
Les points d’interrogation demeurent
“Dix ans plus tard, je réalise à quel point il s’agit d’une histoire incroyable, qui comporte tout de même beaucoup de zones d’ombre”.
Par la suite, les deux collègues ont appris que Bernard avait été retrouvé mort en bas de son escalier. Son décès était donc soudain. “Nous ne savons rien des circonstances. Il n’y avait pas de lettre, aucun ami ou connaissance n’est venu nous expliquer quoi que ce soit, et le notaire n’a jamais voulu en discuter. Parfois, je me dis: si seulement je pouvais lui parler encore une fois, il pourrait m’expliquer, et je pourrais le remercier. Parce que son cadeau a changé ma vie. J’ai fait de très beaux voyages avec ma famille. Bali, la Thaïlande, le Vietnam… Ce sont des voyages onéreux, et sans son don, cela n’aurait jamais été possible. J’ai aussi pu rembourser une partie de notre prêt par anticipation, et je peux me permettre de ne travailler qu’à trois-quarts temps. Après toute cette histoire, je me suis donné un peu de temps pour me remettre, puis j’ai commencé à travailler en tant qu’employée dans une entreprise familiale”.
Voir le bon côté
“Emma et moi nous voyons encore régulièrement, et nous parlons parfois de Bernard. Elle est à peu près la seule avec qui je parle de lui et de l’héritage. Mes parents sont au courant, ainsi qu’une bonne amie, et bien sûr mes anciens collègues, mais personne d’autre. Les gens se feraient sans doute une mauvaise opinion de moi.
À l’époque, certains collègues disaient: ‘Je n’accepterais jamais ça’. Je n’y crois pas, et ce genre de déclaration me déstabilise toujours un peu, comme si j’avais fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Cette histoire m’est arrivée, et j’essaie surtout d’en tirer le bon côté: la qualité de vie que Bernard m’a offerte en cadeau”.
*Prénoms d’emprunt
Texte: Tine Trappers
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