trouble dysphorique prémenstruel
Il a été reconnu comme trouble mental en 2013. © Mart Production/Pexels

Souffrez-vous de trouble dysphorique prémenstruel?

Par Justine Leupe

Le trouble dysphorique prémenstruel, ou TDPM, rassemble des symptômes qui mettent les émotions à rude épreuve avant les règles. Certains le confondent avec le syndrome prémenstruel (SPM). Explications.

Ce trouble se caractérise par des symptômes psychologiques et psychiatriques (humeur dépressive, anxiété, manque de concentration…) qui sont intenses durant la période qui précède les règles chez la femme. “Ces symptômes sont plus sévères que les troubles décrits lorsqu’on évoque le SPM. Pour ce dernier, on parle d’hypersensibilité, d’hypervigilance, de difficultés de mémorisation, d’expression… Ce qui est ‘plus superficiel’ comme symptômes”, avance Justine Jehotte, gynécologue-obstétricienne à la Clinique Saint-Jean à Bruxelles.

Qu’est-ce qu’un TDPM?

Le trouble dysphorique prémenstruel est un trouble mental qui a été validé comme tel en 2013. “Il est inscrit dans le DSM-5, un manuel qui reprend l’ensemble des maladies mentales”. Pour le commun des mortels, il fait souvent partie du SPM. “De mon côté, je le vois comme un syndrome prémenstruel mais beaucoup plus extrême au niveau émotionnel”.

Les symptômes qu’on retrouve sont au nombre de onze:

  • Anxiété
  • Humeur dépressive
  • Irritabilité, colère
  • Labilité émotionnelle (humeur changeante)
  • Diminution de l’intérêt pour les activités habituelles
  • Difficultés à se concentrer
  • Fatigue excessive
  • Hypersomnie, insomnie
  • Modification de l’appétit
  • Sentiment d’être débordée
  • Symptômes physiques (tension des seins, douleurs articulaires…)

Comment savoir si on est atteinte?

Pour que le diagnostic soit posé, il faut qu’une personne ressente au moins cinq des onze symptômes listés. Et qu’ils surviennent lors de plusieurs cycles consécutifs (minimum deux). “Il faut avoir au moins un symptôme majeur parmi eux: l’anxiété, l’humeur dépressive, l’irritabilité et la colère et/ou une labilité émotionnelle. Ensuite, il y a ce qu’on retrouve dans le SPM, c’est-à-dire les six symptômes (’secondaires’) qui suivent dans la liste”, précise la spécialiste.

Des profils types?

Il n’y a pas de facteurs de risque. “On ne peut pas dire que tel ou tel profil est plus sujet au TDPM. Je pense que ce sont les variations hormonales qui jouent. C’est donc aussi un problème biologique, même si les symptômes sont psychologiques. On manque cependant encore d’études. Comme on le sait, les femmes n’intéressent que très peu le milieu médical”, s’offusque Justine Jehotte.

Des patientes expliquent que si le mois qui précède leurs règles, elles ont fait attention à elles, leur SPM ou TDPM se passe mieux.

Par contre, ce qui peut influer, c’est la façon dont on prend soin de soi. “Des patientes m’expliquent que si le mois qui précède leurs règles, elles ont fait attention à elles, elles se sont respectées et elles se sont écoutées, leur SPM ou TDPM se passe mieux. Elles notent tout l’inverse si elles ont couru dans tous les sens ou si elles ont été stressées par exemple. Il y a donc des facteurs externes qui peuvent effectivement faire qu’il y ait des cycles qui soient plus pénibles que d’autres. “

La société y est pour quelque chose

Encore une fois, ce n’est pas scientifiquement prouvé, mais on observe que le TDPM arrive au-delà de la trentaine le plus souvent, alors que le SPM, certaines femmes y sont confrontées depuis qu’elles ont leurs règles. “Selon moi, ce TDPM est aussi lié à l’environnement social et sociétal qu’on fait peser sur les femmes de 30-35 ans. La question de la charge mentale fait certainement travailler fortement la variation hormonale. Pour peu que le contexte autour de la personne soit anxiogène, cela doit avoir des répercussions et accentuer le TDPM sur la patiente”, avance la gynécologue.

Quand survient-il?

Chaque femme a son propre cycle et son ressenti, mais en théorie, le TDPM survient avant les règles, dans la phase lutéale, donc après l’ovulation. “Cela peut aller de quelques jours à dix jours. Donc quasiment durant toute la phase post-ovulatoire qui dure habituellement quatorze jours. En général, le soulagement survient avec l’arrivée des règles. Une patiente m’expliquait qu’elle avait de gros symptômes dix jours avant ses règles, où elle se disait ‘au bout de sa vie’, ensuite elle a sa semaine de règles, ce qui ne lui laisse qu’une grosse semaine de répit. Elle trouve ça très dur à supporter”.

Surtout que le TDPM peut pousser à des situations extrêmes, comme des idées suicidaires par exemple. “Une patiente me détaillait qu’elle avait quitté son job, elle a ensuite eu ses règles et elle s’est questionnée: ‘mais qu’est-ce que j’ai fait?’, ‘Je n’avais pas du tout envie de quitter mon travail.’”

Que peut-on faire pour le contrer?

Aujourd’hui, peu de traitements existent. En médecine traditionnelle, les spécialistes proposent la pilule contraceptive pour réguler les hormones. “On sait qu’il y a des pilules qui ont un meilleur impacte sur les neurotransmetteurs et donc sur le moral. Mais on est dans une époque et une société où les femmes ont envie de reprendre le contrôle sur leur santé et sur leur corps et n’en veulent pas. Et puis, cette alternative ne résout pas tout. Il arrive aussi que certaines femmes ne supportent pas la pilule. Le traitement principal recommandé reste donc un traitement thérapeutique, comme les thérapies cognitivo-comportementales.”

Ce n’est néanmoins pas toujours facile d’amener une patiente à aller consulter, poursuit la gynécologue. “Elle peut avoir l’impression qu’on la remballe. Mais aujourd’hui, à défaut d’avoir des études sur le sujet, comme ce sont des symptômes psychologiques, c’est via des spécialistes de la santé mentale qu’on traite le mieux ce trouble.”

Cela arrive aussi qu’on propose des antidépresseurs car on lie le TDPM à une baisse de la sérotonine.

“Cela arrive aussi qu’on propose des antidépresseurs car on lie le TDPM à une baisse de la sérotonine. Après, dans une vision plus globale de la personne, ce sont les médecines alternatives qui peuvent être préconisées. En tant que gynécologue, je ne suis pas formée à ces médecines-là, mais je suis persuadée qu’elles peuvent jouer, comme l’acuponcture par exemple. Le problème? Ce sont des pratiques non remboursées et il faudrait y aller tous les mois. Je suis sure qu’on peut jouer sur différentes choses, notamment avec la naturopathie et/ou des compléments alimentaires…”

La solution la plus extrême, comme on enlève l’utérus en cas d’endométriose aiguë, on propose le retrait des ovaires. “Je n’ai jamais eu recours à cela, mais on peut aller jusque-là pour sauver une vie d’un TDPM”.

Une méconnaissance trop grande

Depuis onze ans maintenant, le TDPM est reconnu dans le manuel des maladies mentales. Cela ouvre le champ des possibles pour l’analyser et réfléchir à ce qui pourrait améliorer les émotions décuplées des patientes. Mais on remarque que peu de gynécologues, et même de psychologues, sont correctement informés sur ce trouble. “On ne nous l’enseigne pas durant notre formation. La première fois que j’en ai entendu parler, c’était il y a un an, via un post Instagram. À partir de ce moment, j’ai commencé à me renseigner et à en parler à mes patientes lorsqu’elles m’expliquaient que leurs émotions étaient vraiment compliquées avant leurs règles. Parfois, rien qu’avoir une reconnaissance et/ou un mot sur le sujet, c’est rassurant”, conclut Justine Jehotte.

Pour plus d’infos: www.assotdpmfrance.fr

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