Patrick Traube: “c’est peut-être un électrochoc pour nos sociétés trop gâtées”
Comment redonner sens à notre société anxiogène? Pour le psychothérapeute Patrick Traube, la prise de conscience que la sécurité n'est pas un acquis est peut-être une opportunité pour renouer avec des valeurs plus humaines. D'après lui, c'est déjà palpable!
Est-il possible un jour comme aujourd'hui de communiquer quelque chose qui donne de l'espoir?
Je pense qu'il faut d'abord recontextualiser. Je me dis que la génération de nos parents a connu une guerre qui a fait des millions de morts. Nos grands-parents ont vécu deux guerres au cours desquelles l'Europe a été dévastée.
Après 1945, s'est installée une période de paix qui est encore d'actualité. C'est totalement inédit dans l'histoire de l'humanité qu'une aussi grande partie de l'Europe ait vécu si longtemps sans guerres, sans horreur, sans affrontements.
Notre génération est une des premières à n'avoir pas connu de guerre. Nous avons baigné dans une sorte de sécurité, de liberté, de paix, d'ouate auxquels nous nous sommes habitués comme s'ils étaient définitivement acquis.
A force de "se vautrer" dans le confort, on y a perdu une partie de notre âme. Une sorte de désinvolture démocratique, de mollesse, de nonchalance quand aux valeurs s'est glissée dans nos fonctionnements.
Des événements en cascades tels ceux que nous vivons depuis quelques mois, impossible et inacceptable de les connoter positivement… Je sais que ce que vais dire est difficile à entendre à chaud mais j'ai le sentiment que cela peut agir comme un électrochoc salutaire.
Pourquoi parlez-vous de possible électrochoc salutaire pour nos sociétés occidentales?
Je pense à un sursaut démocratique, humain. On se rend compte que nos valeurs de démocratie, de liberté, ne sont pas partagées par tout le monde sur la planète, qu'elles doivent être protégées, investies, entretenues et, surtout renforcées. J'ai à l'esprit une métaphore qui peut paraître brutale: un organisme vivant ne fortifie ses mécanismes immunitaires, d'auto-défense qu'à partir du moment où il est attaqué.
Pendant les 50-60 années qui nous séparent du dernier conflit, nous sommes devenus un peu paresseux, y-compris dans l'entretien de nos valeurs personnelles. Nous n'en éprouvions pas le besoin.
La période dure que notre société occicentale traverse aura peut-être cette vertu de doper nos défenses immunitaires, sociales et collectives.
Comment retrouver du sens dans ce que nous transmettons à nos enfants? Comment connoter le futur d'espoir?
En réfléchissant à nos priorités, en réinvestissant dans l'autre… Je trouve que le changement est déjà palpable. Je capte déjà une sorte de réveil comme après un cauchemar. Comme une prise de conscience de la chance que nous avons d'être nés là, même si nous n'avons pas choisi, dans ce petit morceau de terre et de temps bénis. Comme une reconnexion aux personnes que nous aimons ou à celles que nous pourrions aider ou rencontrer.
Je le vois dans les élans de solidarité, le renouveau des collectivités locales, dans la jouissance du simplement vivre ensemble. J'ai l'impression aussi qu'il y a moins de nervosité dans les bouchons, qu'on se parle plus dans la file au supermarché ou dans mon immeuble, où l'on étaient tous des anonymes. Je sens un regain d'amour, une sorte d'élan social
Je pense que le fait d'avoir vu des gens tomber, des familles déchirées nous rend plus conscients de la valeur de l'autre, des autres, proches et lointains. Le fait de prendre conscience que le risque zéro n'existe pas, qu'on ne peut pas s'assurer contre tout peut aussi nous rappeler à quel point la vie est précieuse et mérite qu'on l'investisse le mieux possible.
Nicole Burette
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