Parents toxiques: quand et comment couper les ponts?
Culpabilité, stress, dépendance affective… Avoir des parents toxiques peut être destructeur, aussi bien à l’enfance qu’à l’âge adulte. Julie Arcoulin, coach et autrice sur le sujet, nous aide à savoir quand et comment rompre.
Si l’on devait définir le rôle parental en quelques lignes, on pourrait dire ceci: le parent a pour mission de répondre aux besoins autant physiologiques qu’affectifs de l’enfant, afin de l’aider à se construire, à nourrir ses jugements et son estime de lui, jusqu’à ce qu’il prenne son indépendance. Un rôle qui implique respect, amour et bienveillance. Si l’enfant naît au sein d’une famille toxique, c’est toute sa construction identitaire qui est mise à mal: manque de confiance, doute concernant ce qui est juste ou pas, angoisses, difficulté à s’affirmer et à poser ses limites…
Reconnaître un parent toxique
Julie Arcoulin est coach et spécialisée dans les relations toxiques. Elle nous explique: “On reconnaît une personne toxique à son incapacité à se remettre en question et à prendre ses responsabilités: lorsqu’une situation est compliquée, c’est forcément de la faute de la personne en face”. Un trait de caractère qui en cache bien d’autres, puisqu’une personne toxique aura aussi tendance à:
- Porter constamment des jugements et en faire part
- Manipuler les gens afin d’obtenir d’eux ce qu’elle souhaite
- Induire des relations non équitables
- Être incohérente dans ses propos
- Demander aux autres de s’adapter à ses besoins, sans prendre en compte les besoins des autres
- Faire culpabiliser les autres et/ou les humilier
- Ne jamais s’excuser
Un profil particulièrement dévastateur lorsque la personne toxique est le parent. “Notre société porte cette croyance que la famille est l’une des choses les plus importantes au monde, et que l’on doit toujours rester en lien avec ses proches. Et si c’est effectivement une valeur qui donne des racines aux enfants, cette loyauté familiale peut être destructrice lorsque le parent est inadapté”, confie Julie Arcoulin.
Les signes qui ne trompent pas
- Vous ne vous sentez pas libre d’être vous-même
- Vous avez un sentiment de redevabilité
- Vous vous sentez coupable si nous ne faites pas les choses comme votre parent vous le demande
- Vous avez le sentiment de ne jamais en faire assez pour le/la satisfaire
- Vous êtes stressée en sa présence
- Vous vous sentez fatiguée, nauséeuse et anxieuse avant et/ou après l’avoir vu
- Vous vous adaptez à ses besoins pour vous faire aimer du parent toxique
Avoir un parent toxique: l’impact
La coach nous l’affirme: lorsqu’on grandit avec un parent toxique, c’est toute la construction identitaire qui est malmenée. “La manière dont va se construire l’enfant ne sera pas basée sur la confiance et la sécurité, mais davantage sur une mauvaise estime de lui. Il aura des difficultés à s’affirmer, à écouter ses besoins, à faire valoir ses avis, il sera dans la sur-adaptation, souffrira d’un manque de confiance en lui et aura tendance à souffrir du syndrome du sauveur, ce qui peut le mener à vivre d’autres relations toxiques dans le futur”.
L’importance de couper les ponts
Selon notre experte, il est vital pour son bien-être psychologique de couper les ponts avec un parent toxique qui a décidé de ne pas se faire aider: “Forcément, couper les ponts quand on est enfant est impossible, mais le faire lorsqu’on est adulte est essentiel si l’on souhaite se reconstruire psychologiquement et vivre enfin une vie sans emprise”.
Lucie a coupé les ponts, elle raconte
Lucie* a 36 ans. Elle a coupé les ponts il y a plus de cinq ans avec son père toxique. Une libération pour la jeune femme, qui est malgré tout passée par des moments très difficiles. “Mon père a toujours été difficile à vivre: il n’était jamais content de sa vie et faisait porter ce manque de bonheur à ma mère, mais aussi à mes sœurs et moi. Il nous parlait mal, ne nous donnait que peu – voire pas – d’amour, et nous faisait culpabiliser pour tout. Pendant des années, j’ai cru que c’était normal de s’adapter pour contenter une personne et de s’oublier pour espérer avoir un peu d’attention. Mes premières relations amoureuses ont été dévastatrices: je tombais constamment sur des hommes qui ne me considéraient que peu ou qui attendaient de moi que je me plie à leurs exigences. J’ai accumulé les casseroles… Jusqu’à ce que, au bout de la ‘je ne sais quantième déception amoureuse’ et au bord du burn-out émotionnel, je décide de suivre une thérapie.
Il a fallu plusieurs mois pour que je comprenne que cette propension que j’avais à tomber amoureuse d’hommes toxiques me venait de la manière dont je m’étais construite avec un père aussi toxique que mes conquêtes. Une fois le franc tombé, j’ai décidé de couper les ponts pour me donner une chance d’apprendre à me respecter. Ce qui a été vraiment difficile, tant je culpabilisais. J’ai eu plusieurs fois le sentiment d’être la pire des filles – ce qu’il n’a pas hésité à me dire un nombre incalculable de fois par message – mais avec l’aide de ma thérapeute, j’ai tenu bon. Depuis, je travaille à reconstruire mon estime de moi et ça marche: j’ai trouvé un nouveau job – en accord avec mes valeurs et qui me paie selon mes compétences – et j’envisage les relations amoureuses différemment: je dis ce que je pense, je pose mes limites et surtout, je ne cherche plus à me couper en huit pour un peu d’attention”.
*Prénom d’emprunt
Réussir à couper les ponts
Après avoir mis en lumière l’importance de couper les ponts pour mieux se reconstruire, Julie Arcoulin nous donne ses conseils de pros pour y arriver:
Quand et comment?
À cette question, la réponse est claire: quand on se sent prêt! “On a tendance à vouloir couper les ponts après une grosse dispute ou quand quelque chose d’assez grave se passe. Le problème dans ce type de situation, c’est l’impact que cela peut avoir sur notre santé mentale et physique: anxiété, stress post-traumatique, dépression, burn-out… De plus, il n’est pas rare qu’une dépendance affective se soit installée entre le parent toxique et son enfant. Si on coupe les ponts suite à un clash, on ne sera pas préparé à ce manque, et on risque de vivre les choses dans la douleur”, explique la coach.
Autre option: choisir de couper les ponts parce qu’on a décidé de se respecter, et non pas suite à un événement déclencheur. “Selon moi c’est la voie idéale parce que cela implique que l’on bosse d’abord en thérapie à s’affirmer, retrouver de l’estime de soi avant de couper le lien qui nous unit au parent. En faisant ce travail personnel, les choses se feront (presque) naturellement… Quand on se sentira prêt”.
Pour aller plus loin dans la réflexion
Julie Arcoulin a dédié un livre qui permet d’identifier un parent toxique ainsi que l’enfant victime d’un manipulateur.
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