
Le monde est-il conçu pour les hommes? 6 exemples qui en disent long
Technologies, objets, médicaments… Et si le monde était conçu par des hommes pour des hommes, au détriment des femmes? C’est la thèse d’une journaliste allemande, autrice de Le patriarcat des objets.
Et si notre monde n’avait tout simplement pas été conçu pour les femmes? Rebekka Endler, autrice du livre Le patriarcat des objets, a analysé des milliers d’études scientifiques et sociétales. Son constat est sans appel: dans de nombreux domaines – transports, monde du travail, santé… – l’homme est considéré comme l’être humain par défaut. La preuve par 6.
Les femmes en danger dans une voiture
De manière générale, les hommes auraient 2,6 fois plus de risques de mourir dans un accident de la route que les femmes, en raison de leur conduite souvent plus rapide et agressive. Mais une étude publiée en 2024 démontre que lorsque les femmes sont impliquées dans un accident, elles ont 73% plus de risques d’être gravement blessées que les hommes. Tout simplement parce que les voitures sont conçues selon les dimensions standards des hommes.
Prenons un exemple courant: une femme d’1,65m devra souvent avancer son siège pour atteindre confortablement les pédales. Or, ce rapprochement avec le tableau de bord augmente considérablement la vulnérabilité des jambes en cas de collision frontale. Mais le risque ne s’arrête pas là. Comme l’explique Rebekka Endler dans Le patriarcat des objets, les femmes sont aussi plus sensibles aux lésions cervicales lors d’un choc par l’arrière: “C’est surtout la faiblesse des muscles, de la nuque et de la cage thoracique supérieure qui nous expose près de 3 fois plus aux lésions regroupées sous le nom de ‘coup du lapin’.”
Crash-tests: les femmes aux oubliettes?
Pendant des décennies, les crash-tests n’étaient réalisés qu’avec des mannequins masculins. Par la suite, lorsqu’un modèle censé représenter une femme a enfin été introduit, il ne s’agissait que d’une version réduite du mannequin homme… placé uniquement du côté passager. Il a fallu attendre 2023 pour qu’un véritable mannequin féminin voie le jour, grâce au travail d’une ingénieure suédoise. Ce modèle intègre alors enfin les caractéristiques physiologiques spécifiques aux femmes:
- distribution de la masse musculaire différente,
- densité osseuse moindre,
- fragilité accrue des muscles du cou,
- espace différent entre nos vertèbres,
- poitrine,
- et parfois bébé dans le ventre.
Tout le monde profiterait du fait qu’une voiture soit conçue pour protéger tous les conducteurs, hommes comme femmes
Est-il utilisé? A l’heure actuelle, même si certaines marques tiennent compte des conductrices, aucune législation ne les y oblige (aux Etats-Unis, des initiatives sont en cours). Pourtant, “tout le monde, y compris les hommes, profitera du fait qu’une voiture soit conçue pour offrir non seulement au conducteur, mais également à la conductrice la meilleure protection possible en cas de collision”, s’insurge Rebekka Endler dans son livre. “Qui ne serait pas heureux d’avoir une femme, une amie, une mère, une sœur, une fille… en vie?”
Les médicaments, testés sur les hommes
Pendant des décennies, les essais cliniques ont exclu les femmes. La raison? La crainte de nuire à une grossesse éventuelle et de voir les fluctuations hormonales des femmes fausser les résultats. On partait donc du principe que si un médicament était sûr et efficace chez les hommes, il le serait également chez les femmes. Or, le métabolisme féminin est bien spécifique: les œstrogènes, par exemple, ralentissent le fonctionnement du système gastro-intestinal. Ils augmentent également le taux de graisse corporelle et réduisent certaines protéines. Il suffit de voir à quel point l’effet de l’alcool, à dose égale, diffère entre un homme et une femme.
Comme l’expliquent plusieurs études sur le sujet, les femmes métabolisent la majorité des médicaments plus lentement que les hommes. Leur concentration dans le sang est donc plus élevée et provoque davantage d’effets secondaires indésirables. Depuis 1993, les États-Unis obligent les études cliniques à inclure autant de femmes que d’hommes. Mais en Europe, cela reste une simple recommandation.
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Les toilettes des filles, bondées
Les toilettes publiques des hommes et des femmes ont traditionnellement exactement la même surface. Équitable? À première vue, oui. Sauf que les toilettes pour hommes comprennent à la fois des cabinets et des urinoirs: elles peuvent dès lors accueillir plus d’hommes au m². Les femmes mettent pourtant en moyenne 2,3 fois plus de temps pour utiliser les toilettes, surtout si elles ont leurs règles, sont accompagnées d’enfants… Sans compter que les femmes ont plus souvent besoin d’aller aux toilettes que les hommes et sont plus sujettes aux infections urinaires. Voilà qui explique les longues files qui se forment devant les toilettes des femmes…
Un espace de travail peu woman friendly
Les femmes représentent 47,3% de la population active. Et pourtant, parce que la direction des entreprises reste majoritairement masculine, les lieux de travail ne sont souvent pas pensés pour les femmes. Portes trop lourdes, escaliers et halls aux sols transparents, dallages qui coincent les talons, température moyenne basée sur le métabolisme d’un homme de 40 ans pesant 70kg… Ces détails en apparence anodins reflètent une réalité plus profonde: l’environnement professionnel reste largement normé sur les besoins masculins, au détriment du confort et de l’efficacité des femmes.
Les poches peu pratiques sont une construction sociale pour la conservation du pouvoir
Aux États-Unis, par exemple, où l’on compte près d’un million d’agricultrices, pratiquement tous les outils et tous les équipements disponibles ont été conçus pour des hommes. Ils sont en effet souvent trop lourds ou trop longs, mal équilibrés, mal placés… Le même constat s’applique dans l’aviation. Des études américaines ont révélé que les cockpits d’avions sont adaptés à 90% des hommes, mais qu’ils excluent 70% des femmes:
- 65% d’entre elles sont trop petites pour atteindre confortablement les commandes.
- et 5% sont trop grandes pour s’y installer correctement.
Les cockpits des avions civils ne font guère mieux. Pas étonnant donc que les femmes soient peu nombreuses dans ces domaines.
Sportives en sous-équipement
Longtemps, le cyclisme professionnel est resté un sport dominé par les hommes. En conséquence, les selles de vélo ont été conçues exclusivement selon l’anatomie masculine, sans prendre en compte les spécificités du corps féminin. Or, l’appui osseux sur la selle diffère chez les femmes, en raison de leur bassin plus large. Cela peut entraîner une pression excessive sur les tissus mous, et accentuer les risques d’engourdissement, de douleurs chroniques, voire d’infections vaginales et de lésions nerveuses, comme l’explique Rebekka Endler.
Bonne nouvelle: on développe actuellement des selles sur mesure en carbone, élaborées grâce à une imprimante 3D. Cette technologie permet de réaliser une réplique exacte de l’empreinte de chaque fessier et de chaque vulve. Mais cette innovation a un prix… Un frein supplémentaire dans un univers déjà inégalitaire.
Même combat pour les chaussures de foot. Pendant des années, les femmes ont dû jouer au foot avec des chaussures conçues pour la morphologie masculine, augmentant ainsi le risque de blessures. Ce n’est que récemment, en 2022-2023, que les grandes marques ont commencé à développer des modèles réellement adaptés aux pieds féminins.
On veut des poches
Avez-vous déjà remarqué à quel point les vêtements féminins manquent de poches – ou, quand elles existent, à quel point elles sont petites et peu pratiques? Selon Rebekka Endler, ce n’est pas un hasard, mais bien une “construction sociale pour la conservation du pouvoir”. Au 17e siècle, les femmes portaient encore des poches dissimulées entre le jupon et la robe – difficilement accessibles à cause des multiples couches. Mais au 19e siècle, l’apparition des robes plus légères et plus moulantes les a fait disparaître… au profit du sac à main, à ne pas perdre ou se faire voler!
Même constat chez les enfants: alors que les pantalons des petits garçons sont solides, renforcés aux genoux, avec des jambes larges et de grandes poches, les petites filles sont souvent en leggings fins, certes confortables, mais fragiles et sans poche.
A lire Le patriarcat des objets. Pourquoi le monde ne convient pas aux femmes, Rebekka Endler, éd. Robert Laffont.
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