Maman et alcoolique: comment sortir de l’addiction?
Jade est maman de 2 enfants. Elle a réussi à sortir de l’addiction après plusieurs années d’alcoolisme qui ont eu un lourd impact sur sa vie de mère et de femme. Elle nous livre son témoignage.
Selon les chiffres de l’Institut scientifique de santé publique, la consommation moyenne d’alcool pur en Belgique était de 10,8 litres par habitant, par an, en 2019. Une consommation qui peut avoir un impact réel sur notre santé physique et mentale. Mais quand on est alcoolique et aussi parent, c’est toute la famille qui trinque… À commencer par les enfants. Jade, maman de deux filles de 8 et 2 ans, a souffert de cette dépendance pendant de nombreuses années, avant de trouver le moyen d’en sortir.
Abstinente depuis trois ans, elle nous parle des causes de son alcoolisme, de ses conséquences, et nous raconte comment elle a réussi à se défaire de cet engrenage toxique.
Un amusement, puis un refuge
La jeune femme a 14 ans quand sa relation destructrice avec l’alcool débute. “La première fois que j’ai bu, c’était comme tous les ados de mon âge: d’abord avec une copine pour essayer, puis en soirée avec des copains. Sur le coup, j’ai trouvé ça amusant, euphorisant même”. Pendant plusieurs mois, Jade boit de temps en temps avec ses amis: “C’était un accès facile à l’amusement”. Mais deux ans plus tard, cette boisson prend une place plus importante dans sa vie. “J’avais 16 ans, un petit copain et je me sentais très mal dans ma peau. Un jour, j’ai pris une bouteille d’alcool que j’ai mélangé à du jus d’orange”. Jade et une amie boivent le mélange, et elles finissent complètement alcoolisées en début d’après-midi. “Au début, je me suis sentie légère. Mais petit à petit, j’ai ressenti un mal-être… D’abord physique – nausée, etc. – puis psychologique”.
Jade se rend à l’infirmerie de son école, et l’aide-soignante comprend que derrière cette simple consultation se cache un drame: “Elle a creusé mon mal-être et, me sentant plus forte grâce à l’alcool – même si je ne lui ai pas avoué que j’avais bu – je lui ai dit pourquoi je me sentais si mal dans ma tête et dans ma peau. Mon grand-père adoptif me faisait subir des attouchements depuis un long moment”.
Mon grand-père adoptif me faisait subir des attouchements depuis un long moment
Si cette révélation est un choc pour l’école et l’entourage de Jade – qui ne savent rien de l’état d’ébriété de la jeune femme – cette dernière se sent plus légère. “Moi qui m’étais tue pendant si longtemps, cela m’avait donné la force de libérer ma parole. C’était ma cape de superhéros, la potion magique grâce à laquelle j’osais dire la vérité”. C’est à ce moment précis que la relation “fun” qu’entretenait Jade avec les spiritueux a complètement changé pour devenir une sorte de refuge.
Personne ne se rend compte de rien
De ses 16 à 18 ans, Jade se tourne de plus en plus vers la boisson dès qu’elle se sent mal et ce, sans que personne ne s’en rende compte. “Je prenais un verre dès que j’avais le moral en berne. Je ne me rendais pas compte que je sombrais dans l’alcoolisme, et surtout que ça me menait à fréquenter des gens dans le même état dépressif que moi”. Et effectivement, Jade fait plusieurs mauvaises rencontres. Dont un homme avec lequel elle passera deux ans de sa vie et, surtout, pour lequel elle coupera les ponts avec ses parents.
“Mes parents me disaient que c’était un mauvais garçon. Moi, aveuglée par mon addiction et mon amour pour lui, je ne les écoutais pas. Je suis partie de chez eux pour aller vivre avec lui”. Et si Jade assume bien son choix de vie au début, elle le regrettera par la suite: “Pendant deux ans, on va consommer beaucoup d’alcool, lui et moi, de la drogue aussi. J’ai vite compris que j’avais fait un mauvais choix… Et j’ai encore plus noyé mon mal-être dans la liqueur”. Heureusement, une amie lui ouvre les yeux, la pousse à quitter son compagnon et à retourner chez ses parents. Jade se sent à nouveau en sécurité, mais aussi en décalage avec les membres de sa famille, à qui tout semble réussir… Et si elle tente d’en finir avec son addiction, son sentiment de culpabilité la pousse à boire à nouveau.
Boostée à nouveau
La jeune femme se refait peu à peu un groupe d’amis et retrouve même son premier amour. Les choses vont très vite entre eux: “On ne s’était jamais vraiment oublié, alors quand on s’est revus, l’étincelle s’est rapidement rallumée”. Boostée par ce renouveau, Jade arrive à réserver sa consommation d’alcool aux moments sociaux et festifs. Ce qui lui a réussi un moment. Un an plus tard, elle tombe enceinte et cette grossesse la pousse à arrêter totalement: “En devenant mère, j’ai eu peur de ce qu’on allait penser de moi si je consommais de l’alcool enceinte, et j’ai eu envie de me défaire de ça. Je sais aujourd’hui que ce n’est pas la bonne démarche, mais ça m’a permis d’être totalement abstinente pendant toute ma grossesse, et même les mois qui ont suivi la naissance de ma fille”.
Un nuage qui se transforme en prison
Pendant plusieurs semaines, le couple vivra sur un nuage. Mais petit à petit, une relation toxique s’installe entre Jade et le père de sa fille. “Moi, je ne voyais plus que ma fille, on fusionnait. Et suite à sa naissance, les attouchements que j’avais subis ado remontaient à la surface. De son côté, mon compagnon était très demandeur sexuellement, m’obligeant à avoir des relations avec lui, sans mon consentement. Face à cette violence, je me suis à nouveau rapidement réfugiée dans l’alcool”. Jusqu’aux 2 ans de sa fille, Jade boira pour supporter ce que lui fait subir son compagnon et sombrera dans une dépression profonde. Au début, la jeune femme se sent coupable d’être une mère addict mais cette spirale infernale finira par lui faire oublier jusqu’à son rôle de maman. Un soir, elle reprend pourtant ses esprits et décide de fuir l’enfer, sa fille sous le bras. Une fois encore, elle retourne chez ses parents.
Je buvais pour éviter que mes peurs et mes traumas m’empêchent de dormir
Débuts difficiles vers l’abstinence
Jade veut s’en sortir. Pour elle, pour sa fille, mais aussi pour montrer une bonne image d’elle à ses parents. Elle trouve un appartement et arrête de boire. Mais elle replonge très vite dans son addiction, lorsqu’elle se retrouve seule le soir. “Je buvais pour éviter que mes peurs et mes traumatismes ne m’empêchent de dormir, mais aussi pour ne pas avoir à gérer mes émotions. Je voulais les endormir”. Un jour, Jade abuse d’alcool mais aussi de médicaments, et finit par avoir un accident de voiture alors qu’elle conduit sa fille à l’école. Un accident qui est un déclic pour elle, mais aussi pour sa famille, qui prend conscience de la situation catastrophique dans laquelle est Jade.
Une thérapie pour s’en sortir
La jeune maman est hospitalisée, suite à quoi elle est suivie par un psychologue et des addictologues. Des spécialistes qui la suivront plusieurs années durant. “Ma psychanalyse m’a certes obligée à me confronter à mes traumas, mais aussi à choisir une autre voie pour calmer ces angoisses”. Après un parcours difficile, Jade est désormais abstinente depuis trois ans. Selon elle, se faire aider par des professionnels mais aussi des proches est essentiel. “Il ne faut pas avoir honte, car la honte pousse au silence, et le silence pousse à sombrer davantage dans l’alcoolisme. Alors mon conseil est vraiment de parler, et de se faire aider par des pros”. Une thérapie essentielle, surtout quand on sait que derrière cette addiction se cache souvent une souffrance psychologique.
Maman alcoolique: 4 bonnes pistes
1. Sortir du silence: n’ayez pas peur d’en parler à un proche de confiance, votre médecin de famille ou une personne bienveillante, afin de mettre des mots sur vos maux.
2. Se faire suivre par un(e) addictologue: pour parler de votre consommation et vous faire aider pour la réduire.
3. Se faire suivre par un(e) psy: si votre alcoolisme est la conséquence de troubles ou de traumatismes, il est essentiel d’entamer un travail afin de traiter les causes potentielles de cette addiction.
4. Contacter les Alcooliques Anonymes: cette association, qui vient en aide aux personnes dépendantes, peut vous aiguiller auprès d’experts spécialisés à l’addiction. À ce sujet, lisez le témoignage précieux de Colette.
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