Le décalage: la technique psy pour gérer ses émotions
La colère vous rend incontrôlable? La tristesse vous désarme? Dans leur livre “Devenez votre propre psy”, Anne-Hélène Clair et Vincent Trybou initient à la technique du décalage pour mieux gérer ses émotions.
Vous vous retrouvez sans doute parfois dans des situations qui vous mettent hors de contrôle, vos émotions prennent alors le dessus sur votre côté rationnel. Vous prononcez des mots incisifs à ce proche qui vous a heurté(e), vous dévorez tout le contenu du frigo par anxiété.
Quand l’impulsivité et l’impatience se mêlent aux émotions fortes, c’est l’explosion
Dans leur livre Devenez votre propre psy: théorie et pratique pour contrôler votre cerveau, Anne-Hélène Clair, Docteure en neurosciences, et Vincent Trybou, psychologue et psychothérapeute, invitent à mieux comprendre le rôle que peuvent jouer l’impulsivité et l’impatience dans la gestion des émotions. Car si l’émotion est inoffensive, l’impulsivité et l’impatience, elles, suscitent bien souvent conflits, réactions enflammées et propos destructeurs souvent vite regrettés.
Combler un vide, répondre au stress
Pour échapper à ce cocktail, les auteurs suggèrent de recourir à la technique du décalage… Tout serait en effet une question de tempo. La combine permettrait de repousser un comportement impulsif dans toute situation: il peut s’agir du verre d’alcool qui vient calmer la tristesse, du message agressif qui fait ricochet à une frustration comme d’un achat impulsif comblant un vide ou un besoin de réassurance.
La métaphore du Mentos
Pour expliquer cette technique reconnue et utilisée pour traiter de nombreuses pathologies en psychiatrie, les spécialistes utilisent une image célèbre: celle du Mentos dans la bouteille de soda. Le Mentos, ce bonbon rond de quelques grammes, plutôt inoffensif et délicieux… jusqu’à ce qu’on le plonge dans le gaz carbonique. La réaction chimique entraîne un résultat intense: c’est un geyser qui sort de la bouteille!
Le Mentos serait-il devenu grenade? Pas du tout. C’est l’association avec le soda qui provoque cette explosion. Et il en irait de même pour nos émotions. La colère, la tristesse, le dégoût… surgissent, tels des guides, à certains moments de nos vies. Isolées, elles sont inoffensives. Comprenez: ce ne sont pas elles le problème. Mais lorsqu’elles se mêlent à notre soda mental, comme l’impulsivité, cela donne lieu à des comportements chaotiques et à des réactions en chaîne parfois dramatiques. On s’énerve, on s’agite, on devient blessant… Un peu comme font les petits enfants.
L’impulsivité ne tient pas la longueur
L’impulsivité est une réaction naturelle du cerveau. La bonne nouvelle, c’est que bien qu’elle soit puissante, elle ne possède que très peu de carburant. Autrement dit: elle ne tient pas la distance et redescend généralement rapidement.
- Le constat à faire? Au bout de quelques minutes, vous verrez que la bouteille de soda est complètement vide et qu’il ne reste, au fond, qu’un pauvre petit bonbon. L’émotion est bien là, elle n’a pas vraiment eu la chance de s’exprimer.
- Et sur le long terme? Il faudrait forcer son cerveau à sortir du “tout de suite” pour, dixit les auteurs, “désautomatiser l’impulsivité et l’impatience et revenir à un fonctionnement normal”. Ils précisent: “Les émotions aussi retombent à un moment. Rien ne plafonne jamais dans le cerveau”.
L’exercice du paquet de gâteaux
Pour intégrer ce tour de passe-passe psychologique, les spécialistes proposent de réaliser l’exercice du paquet de gâteaux. Choisissez un biscuit ou des chocolats que vous adorez. Vous avez le droit de tous les manger, mais (car il y a un mais), vous devrez attendre dix minutes entre chacun d’eux. Placez les biscuits devant vous et, entre chaque dégustation, continuez le cours normal de vos activités. Vous allez rapidement réaliser que cette envie irrépressible et toute puissante de tout dévorer est courte et qu’elle peut retomber rapidement.
L’idée consiste à repousser un comportement impulsif. Et ça marche dans tous les domaines!
Vous constaterez aussi qu’il y a une vraie différence entre l’émotion d’envie (“C’est si bon, j’ai envie d’en manger”) et l’impulsivité qui s’y greffe (“Mangeons tout le paquet d’un coup d’un seul”). L’idée est de réitérer l’exercice dans divers domaines de la vie.
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Concrètement, je fais comment?
Prenons un cas relationnel concret: vous avez rompu avec votre partenaire pour des raisons rationnelles et réfléchies. Un soir, sans crier gare, un immense sentiment de tristesse vous envahit. Vous donneriez tout pour être rassuré(e) sur son amour pour vous, pour oublier les disputes passées, pour qu’il/elle revienne vous cajoler.
L’exercice du décalage vous demanderait d’attendre dix minutes avant d’envoyer ce message de détresse, même si vous “crevez” à l’idée de recevoir une réponse ou de ne pas savoir ce qu’il fait sans vous. “Au fil des semaines, vous passerez à 20 minutes, puis à 30, expliquent les auteurs. Pour constater qu’à chaque fois, les émotions de tristesse, de peur, de culpabilité… retombent naturellement”. Dans le cas qui nous occupe, gardez en tête que vous avez le droit de contacter la personne. “Cela ne fonctionne que parce qu’on n’est ni dans l’interdit ni dans l’urgence”, poursuivent Anne-Hélène Clair et Vincent Trybou. En résumé: vous pouvez, mais pas tout de suite…
Comment et pourquoi ça marche?
Ce décalage dans le temps permet d’envoyer un message positif au cerveau. Petit à petit, à force d’exercices du style, il comprendra que les émotions ne plafonnent jamais et qu’elles disparaissent si l’on prend la peine de les laisser exister et de faire leur chemin. Un phénomène que le cerveau ne peut tout simplement pas percevoir s’il y a toujours répondu de manière impulsive.
Diane, 35 ans: “Si l’on m’avait dit…”
“Enfant, on m’a rangée au rayon des ‘caractères bien trempés’, raconte Diane, 35 ans. Côté face, j’étais une petite fille rigolote, plutôt solaire. Côté pile, j’étais l’impulsive, le feu. Je me rappelle que je pleurais facilement, que je claquais des portes, que je blessais quand j’étais contrariée. Il m’est arrivé plusieurs fois de faire voler le plateau de jeu parce que j’allais sur une banqueroute au Monopoly, par exemple. C’est une anecdote qu’on raconte encore en famille aujourd’hui, mais dans le fond, ce n’était pas anodin. Mes compagnons de jeu achetaient des hôtels, s’approchaient de mon drapeau, collectionnaient les billets quand je n’en avais plus… Je sentais la moutarde monter, et ni une ni deux, je faisais tout sauter, les pions, les cartes, devant leurs mines défaites.
Au parent de mettre le cadre
Bizarrement, mes parents ne me remettaient pas à ma place dans des moments comme ceux-là. J’étais ‘la mauvaise perdante, il fallait que je me calme’, point barre. On ne m’a jamais demandé de m’excuser ni d’expliquer mon comportement (ça aurait pu être une piste de discussion…). Et surtout, on ne m’a pas montré comment me calmer. Or, si l’on m’avait suggéré que c’était peut-être l’envie et la colère, doublées d’une bonne dose d’impulsivité, qui me mettaient dans de tels états, ça aurait été un joli cadeau.
Je l’ai appris à force d’expériences: à l’adolescence, l’un ou l’autre prof m’a remise à ma place quand je poussais le bouchon trop loin. Mes histoires d’amour, aussi, m’ont permis de comprendre que j’étais piquante à cause de besoins non comblés, que j’aurais dû apprendre à nommer”.
Expliquer aux tout-petits
Diane est la maman d’un garçon de 3 ans, elle lui apprend à mettre des mots sur ses émotions depuis qu’il est petit. “Chaque chose en son temps, je sais que les enfants n’appréhendent pas le monde comme nous, mais depuis toujours, je l’aide à décrire ses émotions avec des questions simples (‘Tu es fâché?’) que j’étaye (‘Tu es fâché parce que tu ne peux pas mettre ce t-shirt et je peux comprendre que ce ne soit pas chouette’).
Grâce au Livre des émotions qu’il a découvert en classe et au dessin animé Vice-Versa qu’on a regardé ensemble, il connaît les six émotions primaires et les couleurs associées. Il les identifie bien, les exprime, et sait ce qui peut l’aider à les accueillir: un câlin, pleurer un coup, discuter de ce qui le rend jaloux. Du haut de ses 3 ans, je le vois de plus en plus souvent prendre un temps d’arrêt au lieu de tout envoyer valser. La gestion des émotions est au final assez simple à enseigner, conclut Diane. Pour autant qu’on soit un adulte qui ait une bonne gestion des siennes”.
Des lectures pour avancer
Pour découvrir d’autres techniques de gestion des émotions et devenir maître(sse) de votre cerveau: Devenez votre propre psy d’Anne-Hélène Clair et Vincent Trybou, Éd. Harper Collins. Pour les petits: La couleur des émotions, Éd. Quatre Fleuves.
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