Dépression: comment entretenir mes amitiés?
Manque d’entrain pour sortir de chez soi, peur que la maladie soit un fardeau pour les autres… La personne qui souffre de dépression peut avoir du mal à se confier et à entretenir le lien avec ses proches, pourtant primordial pour entamer le chemin vers la guérison.
Fatigue, tristesse, dévalorisation, sentiment d’impuissance, culpabilité… La dépression affecte les pensées, les sentiments, mais aussi les comportements et les interactions sociales. Elle peut donc impacter les amitiés. Si votre maladie a été diagnostiquée ou si vous reconnaissez des signes précurseurs, il est possible d’agir. En vous faisant épauler par un spécialiste de la santé mentale et en acceptant l’aide de vos proches, notamment.
Une maladie peu visible aux yeux de la société
Bien que les mentalités aient évolué ces dernières années, une maladie physique (visible) reste plus comprise et acceptée dans notre société qu’une maladie mentale (peu visible). Par conséquent, il peut être difficile pour la personne qui ne va pas bien de se confier sur sa souffrance, même à ses relations les plus proches. Notre expert Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain, explique: “Dans une période de dépression, on doute un peu de tout, on est dans un sentiment de solitude et d’isolement. On peut avoir peur de perdre ses amis car on a l’impression qu’ils ne peuvent pas comprendre ce qu’on est en train de vivre”.
Pourquoi est-il difficile d’entretenir ses amitiés?
Pensées négatives, irritabilité, sensibilité exacerbée, sentiment d’inutilité, apathie générale sont autant de symptômes qui poussent la personne dépressive à voir la vie à travers le filtre de la maladie: croire que le monde est complexe et qu’elle y est inadaptée. “On a tendance à penser que tout ce qui était important avant ne l’est plus. Tout est égal, rien n’est intéressant”, souligne le professeur. “Par rapport aux amitiés, il n’y a plus de distinction entre les meilleurs amis et les connaissances. C’est un peu moi et l’environnement extérieur; et les gens déprimés se sentent fort loin de cet environnement”.
En plus de ces conséquences au niveau du psychique, la dépression entraîne aussi des répercussions physiques, comme une grosse fatigue et un manque d’entrain. Aller manger au restaurant, sortir au théâtre, boire un verre en terrasse, faire un pique-nique dans un parc: les activités du week-end peuvent être source d’anxiété pour une personne déprimée, car elle n’aura pas assez d’énergie pour accepter les invitations, ce qui risque par la suite d’entraîner un sentiment de culpabilité.
Comment aborder la dépression avec mes amis?
Il est important d’en parler pour plusieurs raisons. D’une part, il a été prouvé par de multiples études sur le sujet que le manque de soutien social a des conséquences négatives sur la dépression (et sur la santé en général). Il est donc primordial d’essayer de préserver ses amitiés autant que possible, malgré les symptômes de la maladie qui poussent plutôt au repli sur soi. D’autre part, il faut que les amis sachent pourquoi la communication se fait plus rare et acceptent que la personne déprimée ait tendance à fuir les interactions sociales ou à être facilement irritable. “Je plaide pour le dire, et pour le dire clairement”, explique Olivier Luminet, qui insiste: “C’est une démarche courageuse et importante! Trouvez le bon moment pour en parler avec votre meilleure amie par exemple, et dites-lui simplement ‘Je ne suis pas dans mon état normal en ce moment, je suis déprimée. Je risque de me laisser emporter plus vite, ne le prends pas mal, c’est un des symptômes de la dépression, il faudra être un peu plus tolérant avec moi'”. N’hésitez pas à souligner que vous ne disposez malheureusement pas d’un bouton “on/off” pour être heureux; ce qui rend les choses compliquées, même si vous êtes en train de pratiquer une activité que vous auriez adorée en temps normal.
Préserver ses amitiés malgré un petit moral: 2 pistes
1. Faites appel à un interlocuteur relai
Les pensées sont sombres et l’énergie manque à l’appel? Même si vous êtes touchée par l’attention qu’on vous porte, vous n’avez pas le courage de répondre aux nombreux messages de vos amis qui prennent des nouvelles? Une des solutions proposées par Olivier Luminet est de faire appel à une personne relai. Cette dernière doit être quelqu’un de confiance, comme un conjoint ou un ami proche. “Vu l’épuisement qui est lié à la dépression, on n’est pas capable de répondre à toutes les sollicitations”, explique-t-il. “La personne déprimée peut faire face à peu de demandes sur une journée. Les gens croient bien faire, mais si 25 amis laissent un message et ne reçoivent pas de réponse, ils peuvent se dire ‘Tant pis, j’ai essayé’. L’interlocuteur relai sera le lien avec l’extérieur et expliquera à vos relations proches ce que vous n’êtes pas en état d’expliquer à chacun individuellement”.
Pour allier l’utile à l’agréable, pourquoi ne pas vous rencontrer au parc, pour prendre l’air et faire quelques pas en bonne compagnie? Même si sortir de chez vous est la dernière chose dont vous avez envie, pratiquer une activité physique, même modérée, est capital. “Elle a toujours un effet bénéfique sur le moral même si on ne s’en rend pas compte”, confirme Olivier Luminet. “Quand on sort de chez soi, on voit autre chose, ça distrait le cerveau de manière utile et agréable, et le corps produira des endorphines”.
2. Trouvez le bon moment
La dépression a un fort impact négatif sur l’estime de soi. On se sent souvent nul, incapable, indigne… On peut avoir l’impression d’être un fardeau, de déranger, et ne pas vouloir imposer des pensées négatives incessantes à ses proches.
De plus, pris dans le tourbillon stressant de la vie quotidienne (une deadline au travail, les enfants à déposer à droite à gauche, les tâches ménagères, les soucis de santé…), les amis peuvent ne pas sembler réceptifs à 100%. C’est pourquoi il est important d’instaurer un moment privilégié avec eux lorsqu’ils sont disponibles. En effet, rien de plus désagréable que de parler d’un sujet sérieux entre deux portes. “Idéalement, il faut voir les moments de réceptivité de ses amis et fixer un moment durant lequel il y a un espace pour une discussion longue”, conseille le professeur. “Même si l’interlocuteur est un ami proche, si la personne n’a que dix minutes devant elle, ça peut créer un climat qui n’est pas favorable. Pour parler de choses aussi personnelles, il faut trouver un moment sans chronomètre derrière”.
De temps à autre, la dépression pourra vous laisser des moments de répit, pendant lesquels le moral sera un peu meilleur et l’énergie reviendra. Sautez sur l’occasion (sans vous poser mille questions) et profitez-en pour renouer le contact. Sortez boire un verre ou pratiquez une activité en groupe; vous verrez, ça fait du bien!
Tous déprimés?
Après deux ans de pandémie, vous faites peut-être partie des personnes qui traversent une période difficile, malgré la réouverture des frontières et un retour à la vie (presque) “d’avant”. Olivier Luminet souligne: “Il y a un mouvement général de fatigue par rapport à la longue crise sanitaire. On sort de deux années compliquées et l’ensemble de la population est dans un état plus fragilisé”. Si vous souffrez de dépression, ne vous assignez pas un délai de guérison. “Soyez indulgent avec vous-même, ne vous imposez pas une limite de temps. Il ne faut pas se dire dans quinze jours, dans un mois, ça ira mieux. Mais se dire que la guérison prendra le temps qu’elle prendra”, conclut l’expert.
Si la mauvaise passe que vous traversez ne semble pas s’améliorer, n’hésitez pas à vous tourner vers un spécialiste (psychologue, psychiatre…) qui saura vous apporter l’aide nécessaire.
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