Comment accompagner un proche en deuil?
L’un de vos proches est en deuil. Vous souhaitez le soutenir, mais la blessure est réelle et trouver les bons mots et les bons gestes s’avère délicat. Conseils de pro pour l’épauler.
Le traditionnel “Sincères condoléances”, les “je suis là pour toi” et “je n’ai pas de mots” sont autant d’interactions qui font sens lorsqu’un(e) ami(e) perd un(e) proche. “C’est par une posture d’accueil, de présence et de lien que les choses peuvent cheminer”, explique Nathalie Hanot, psychologue notamment formée dans l’accompagnement de deuil. Elle insiste: “On n’a pas à guérir l’autre, mais bien à l’accueillir dans sa vague émotionnelle”.
Ne jamais faire un deuil seul
La société actuelle est hyper individualiste et de nombreuses personnes pensent devoir faire leur deuil de leur côté, dans leur intimité, sans oser partager leur chagrin. Pour Nathalie Hanot, faire un deuil seul n’a aucun sens. “Autrefois, les rites, et en particulier les rites religieux, codifiaient la ‘célébration’ de la mort et la période de deuil. Aujourd’hui, on nous apprend surtout à acquérir et très peu à perdre. Et on se retrouve vite seule en tant que personne endeuillée”.
S’entourer de vrais amis
Il est important de s’entourer de proches prêts à nous écouter et à nous réconforter sans jugement et dans la patience. “L’accompagnement du deuil n’est pas réservé aux psys. Ce n’est pas une maladie, mais bien quelque chose de tout à fait naturel”, rappelle Nathalie Hanot. Après un décès, on se rapproche de ses amis, de sa famille et d’autres personnes qui ont vécu une même expérience. Elles n’hésiteront pas à accueillir notre peine et à nous rappeler que si la douleur ne disparaît jamais totalement, elle diminue avec le temps.
“On nous apprend surtout à acquérir et très peu à perdre”
Une aide adaptée aux différentes phases du deuil
“Souvent, on représente le deuil comme une courbe qui ressemble au cycle de la vie. Elle monte lors des phases de printemps et d’été, et redescend en automne et en hiver. Il faut accepter cette chute, pour mieux accueillir la vie ensuite. Une société qui laisse place à la perte est une société qui génère des profils créatifs, capables de rebondir”, détaille la psychologue.
De l’état de choc à l’intégration
Les trois premiers mois du deuil, la personne est dans une phase dite de choc, sa réalité a été complètement bouleversée. “Un peu comme si elle s’était fait une commotion cérébrale psychique. Elle est présente, elle sait que le proche est décédé, mais parfois, elle l’oubliera. Le matin, elle se réveille et se dit: ‘Ah oui, c’est vrai, ce n’était pas un rêve’. On l’appelle aussi phase de déni, car l’esprit doit processer l’information, et s’adapter”.
On fait quoi pour aider? Il est important d’être présent aux côtés d’un proche endeuillé car il peut avoir une conduite dangereuse, moins bien s’alimenter, oublier de prendre soin de lui… “En tant qu’ami, c’est le moment de veiller sur lui: lui préparer un repas, faire en sorte qu’il dorme assez, l’accompagner lorsqu’il a besoin d’aide”. Ne serait-ce que pour organiser la cérémonie funéraire: une personne endeuillée ne peut s’en charger seule. Elle a besoin de personnes attentives à ses côtés: “Quelle musique veux-tu?”, “Quel texte aimerais-tu lire?”, etc. Petit à petit, la personne se reconnectera à la réalité et son chemin d’expression des émotions débutera.
“On n’arrête pas de vivre parce qu’on est en deuil, mais on vit avec son paquet d’émotions”
Les 3 émotions du deuil
Durant le deuil, les sentiments s’entremêlent: la personne peut tout à fait pleurer et rire l’heure d’après: “On n’arrête pas de vivre parce qu’on est en deuil mais on vivra avec son paquet d’émotions”. Principalement de la colère, de la peur ou encore de la tristesse. Pour que le chemin vers la reconstruction émotionnelle se déroule au mieux, il faut prendre le temps d’accueillir, d’exprimer et de transformer ces émotions. “On a tendance à en avoir peur. Pourtant, ce sont elles qui font avancer la personne sur le chemin du deuil. Mais pour ça, il faut aller avec la vague des ressentis, ne pas lui résister”.
On fait quoi pour aider?
- Il faut pouvoir accueillir la colère d’un proche endeuillé sans la renforcer. “Il faut veiller à ce qu’elle soit exprimée de manière juste et au bon endroit”. On évite les ‘mais enfin, pourquoi es-tu en colère?’ et on acquiesce plutôt avec un ‘Je comprends’.
- On apprend à recevoir la tristesse sans en avoir peur et on ne cherche pas à consoler l’autre à tout prix.
- Face à la peur, on rappelle à l’autre qu’il peut s’exprimer sans crainte de jugement. “Il y a des gens qui s’isolent car ils se disent ‘je ne sais jamais à quel moment je vais me mettre à pleurer et comme je ne veux pas embêter les autres…'”, explique la psychologue. D’où l’importance de faire comprendre que pleurer fait aussi partie de l’amitié.
Participer au travail de mémoire
La période compliquée laisse place à la vague ascendante (le printemps-été évoqué plus haut) pour aller vers la reconstruction: c’est l’acceptation. “Ce n’est pas ‘j’accepte la mort’, mais ‘j’accepte de redire oui à la vie, avec ces nouveaux éléments'”.
Ne jamais effacer le décès
Le travail de deuil n’est pas un travail d’oubli mais de mémoire: on remplace une absence effective par une présence intérieure.
On fait quoi pour aider? On évite de vouloir changer les idées à tout prix de l’endeuillé. “Peut-être qu’une sortie cinéma sera programmée, mais sur le chemin, il ne faut pas hésiter à demander: ‘C’était quoi son film préféré?’. C’est le discours qui permet d’installer cette présence”. On continue à faire exister l’autre en parlant de lui ou d’elle. “Le proche a alors le devoir de s’intéresser: ‘Raconte-moi qui c’était? Comment il ou elle était?'”. En tant qu’ami, on se doit d’écouter et d’être patient (même si on a déjà entendu dix fois le même discours) car énoncer permet de fixer la nouvelle réalité.
Quels mots utiliser?
Face à un décès, on est parfois sidéré. Dans ce cas-là, demandez-vous ce que vous auriez aimé entendre (“Est-ce que moi, j’aimerais qu’on me dise ça?”). Le tout est de ne pas avoir peur de s’exprimer, même quand il s’agit de dire “Je n’ai pas de mots, mais je suis là”. C’est une façon d’être authentique. Si l’on est proche, un “je suis tellement triste” est bienvenu, il permet de rejoindre l’autre là où il est. “Cela fait du bien pour l’endeuillé de se dire ‘on est triste avec moi'”, précise Nathalie Hanot. “Il ne faut pas avoir peur, en tant qu’ami, de s’intéresser au processus de deuil”, conclut la psychologue.
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