Ce que votre compte Insta dit de vous
Je scrolle, tu followes, elle like, nous postons, vous commentez, ils enregistrent… Pas un jour sans parcourir la planète Instagram. Un pied dans le réel, l’autre dans un monde idéal, chacun écrit son histoire et dévoile sa personnalité.
Aujourd’hui, un être humain sur quatre est sur Instagram. L’appli est même devenue la plus téléchargée au monde, et plus de 100 millions de photos et de vidéos y sont partagées chaque jour. La Belgique n’échappe pas au phénomène, comptabilisant 4.885.100 de profils actifs en 2022. Ça donne le tournis…
Qu’est-ce qui rend Instagram si attrayant?
D’abord, son esthétique poétique et minimaliste, ce que Lev Manovich, professeur à l’Université de New York, appelle “l’instagramisme” (on dit d’ailleurs que tel ou tel lieu est “instagrammable”). Là où ce qui prime d’habitude dans une photo est généralement le sujet, sur Instagram en revanche, c’est l’atmosphère qui s’en dégage, l’émotion qu’elle suscite qui fait liker. Mais ce n’est pas le seul pouvoir addictif d’Insta. De nombreuses études vont dans le même sens: si nous checkons notre compte compulsivement et plusieurs fois par jour ou par heure, c’est que nous sommes avides de voir combien de likes a récolté notre post, likes qui font office de récompenses. À fortiori s’il s’agit d’un selfie.
Que penser des selfies?
De prime abord, les selfies traduisent un certain narcissisme et un grand besoin de reconnaissance. Des expériences ont démontré que le fait de voir le visage de l’abonné est perçu comme un signe d’extraversion et d’honnêteté, alors que celui ou celle qui “se cache” inspire la timidité. Le décor, l’angle de vue, le choix des filtres sont aussi très éloquents. Les extravertis préfèrent généralement les tons vifs et colorés, tandis que les filtres vaporeux sont associés aux personnes sensibles ou nostalgiques.
Montre-moi ton compte, je te dirai qui tu veux être
Instagram permet de s’auto-évaluer, de se valoriser, en comparant ses réalisations et ses expériences avec celles des autres. C’est “la comparaison sociale”, une tendance que les réseaux ont amplifiée alors que, dans la “vraie vie”, les cibles de comparaison se limitent à l’entourage direct (famille, amis, collègues…). Là où ça devient dangereux, c’est quand ce besoin de comparaison devient une préoccupation. Or, ce réseau social offre justement des fonctionnalités qui multiplient les occasions de se comparer, comme l’accès quasi illimité aux profils des autres utilisateurs.
S’exposer sous son meilleur jour permet au minimum de se faire honneur, voire de reprendre confiance en soi
Avec Instagram, l’image de soi exposée apparaît alors comme une nouvelle façon d’exister, la norme culturelle du moment. Il ne s’agit plus de “parler” de soi, mais plutôt de “montrer” quelque chose de soi. Forcément, on sera tenté de se façonner un “profil idéal”, d’embellir sa personnalité, voire de la falsifier, puisque le “paraître” compte ici bien plus que l’”être”
Mon Insta me trahit-il?
Les photos que nous postons montrent qui nous sommes, quels sont nos centres d’intérêt, notre univers. Privatiser son compte, c’est conserver son jardin secret et s’assurer que son contenu ne soit pas visible par n’importe qui (même les publications “hashtaguées” sont bloquées). Choisir de laisser son compte en mode public, donc potentiellement accessible à des centaines de millions de users, révèle là encore un besoin de reconnaissance. Le contenu d’un compte Insta est très révélateur du style de vie que son propriétaire souhaite dévoiler. C’est le grand avantage des réseaux: chacun n’y montre que ce qu’il veut bien montrer.
La vraie nature de l’utilisateur se découvrira dans:
- Les hashtags utilisés. Ils sont de précieux indicateurs sur la nature d’une personne, sa propension à l’humour, ses centres d’intérêt, son éventuel engagement social.
- La géolocalisation du compte.
- Les filtres de prédilection.
- Les principaux thèmes des photos postées (cuisine, sport, musique…).
Enfin, la manière dont nous interagissons sur Instagram est aussi très éloquente. Les utilisateurs particulièrement actifs et prompts à commenter ou liker les statuts des autres sont perçus comme étant plus sociables.
Les profils en fonction du contenu
Bien entendu, votre profil peut allier deux (ou plus!) sujets.
- Les influenceurs, suivis par des dizaines, des centaines de milliers de followers, ont pour habitude de collaborer avec des marques pour en faire la pub auprès de leur audience.
- Les globe-trotters proposent des comptes truffés de paysages sublimes, de spécialités locales, des portraits d’habitants, des récits d’aventures…
- Les artistes sont heureux de pouvoir y partager leurs créations. Instagram est pour eux une immense galerie virtuelle où exposer leurs talents.
- Les foodies partagent essentiellement des photos léchées et appétissantes de plats. Source inépuisable d’inspiration culinaire, leur compte est aussi riche en recommandations de restaurants.
- Les fashionistas ne loupent aucune tendance, voire la lancent eux-mêmes, partagent leurs tenues, donnent des conseils de style et confient leurs meilleures adresses shopping.
- Les défenseurs d’une vie saine partagent sans retenue leurs séances d’entraînement, leurs parcours de jogging, leurs conseils nutrition et bien-être.
- Les activistes voient en Instagram le lieu idéal pour sensibiliser leurs followers et susciter leur engagement sur des problématiques telles que le respect des droits humains, la défense de l’environnement, la promotion de la justice sociale.
- Les familles partagent des instantanés de vie, joyeux et doux.
Quels enseignements tirer?
Sous le couvert d’un pseudo, Insta a un côté désinhibant, qui permet à la fois de s’inventer différentes personnalités, parfois aux antipodes de la réalité, juste pour le plaisir de dépasser les limites que l’on s’impose ou braver les contours de la bien-pensance. Mais dévoiler sa véritable identité n’empêche en rien la mise en scène, par le choix des photos que l’on poste, des profils que l’on suit, des commentaires qu’on laisse.
Dans les deux cas, il s’agit quasi toujours de donner une image de soi qui nous valorise. Ce qui n’est pas sans bénéfice: le fait de s’exposer à tout-va sous son meilleur jour permet au minimum de se faire honneur, voire de reprendre confiance en soi.
La bonne lecture
(Petit) Guide de survie sur Instagram, Charlotte Hervot, Éd. Arkhê
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