6 questions pour mieux comprendre l’autisme au féminin
1 personne autiste sur 4 serait de sexe féminin. Leur grande faculté à camoufler leur particularité et la nature différente de leurs traits autistiques fait qu’elles sont sous-diagnostiquées.
On a longtemps imaginé l’autisme sans déficience mentale comme une maladie typiquement masculine. Entre 1943 et les années 2000, les études sur cette pathologie n’avaient pour sujet principal que des personnes de sexe masculin. Mais si les recherches sur l’autisme au féminin n’en sont qu’à leurs balbutiement, certaines révèlent qu’une personne autiste sur quatre serait une femme. Des études qui mettent aussi le doigt sur des manifestations autistiques propres au genre féminin.
Les femmes autistes se cachent et compensent
Autre raison évoquée par le psychologue Simon Baron Cohen dans son étude menée en 2015: les femmes autistes ont tendance à camoufler leurs traits autistiques et à s’adapter pour adopter des codes sociaux dits “normaux”. Conséquence: elles ont un risque bien plus élevé de ne pas être diagnostiquées autistes comparativement aux hommes, et donc de ne pas avoir accès à des interventions adaptés à leurs besoins.
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L’autisme au féminin en 6 questions
Envie de mieux comprendre l’autisme au féminin? Philippine Geelhand, Docteure à l’Université libre de Bruxelles, a fait du sujet son cheval de bataille. On lui a soumis nos questions.
Pourquoi l’autisme a-t-il longtemps été considéré comme une maladie d’hommes?
En 1943, les scientifiques autrichiens Léo Kanner et Hans Asperger commencent à étudier ce trouble en se basant sur un échantillon composé de garçons. Les études suivantes répéteront cette méthode, entérinant l’idée que l’autisme est un trouble exclusivement masculin. Aujourd’hui, on considère que l’autisme touche en moyenne 3 garçons pour une 1 fille, selon les dernières études recensées par le magazine digital comprendrelautisme.com. Un ratio qui pourrait encore évoluer dans les années à venir, si les critères diagnostiques venaient à être revus ou précisés.
On pense que les filles tentent de rendre leurs comportements répétitifs, typiques de l’autisme, plus acceptables…
Quelles sont les différences avec l’autisme des garçons?
Les dernières études tendent à dire que l’autisme ne s’exprime pas de la même manière chez les filles et les garçons. “On pense que les filles pourraient être touchées par une forme d’autisme (phénotype) différente: ce serait alors lié aux gènes. Autre possibilité: elles vivent la même forme d’autisme, mais camouflée d’une autre manière”, poursuit Philippine Geelhand. On pense par exemple que les filles tentent de rendre leurs comportements répétitifs, typiques de l’autisme, plus acceptables: au lieu de se balancer d’avant en arrière, elles vont tortiller leurs cheveux, ce qui leur donnera l’air féminin et non ‘bizarre'”.
D’autres experts mettent en lumière des caractéristiques autistiques communes aux deux sexes, mais qui se déclinent différemment chez les femmes. À savoir:
- Un trouble de la communication moins affecté que chez les hommes
- Une plus grande capacité à tisser des liens que ces derniers
- Un risque plus grand de souffrir d’anxiété
- Des centres d’intérêt plus restreints
Pourquoi dit-on des femmes autistes qu’elles sont caméléons?
Si toutes les personnes autistes ont tendance à développer des stratégies afin de masquer leur autisme, et notamment leurs difficultés à interagir socialement dans des situations nouvelles, les filles ont une capacité à “imiter” les personnes non autistes avec plus de succès que les garçons. Une compétence qui se développe généralement à l’adolescence, selon la spécialiste: “Quand on est enfant, les attentes sociales sont relativement simples, mais avec le temps, il devient nécessaire de partager des informations plus complexes, plus personnelles pour établir des relations. Les adolescentes autistes auront tendance à vouloir se lier d’amitié avec une fille qui a du succès, qui réussit socialement et à copier sa manière de parler, de s’habiller ou même à apprendre en observant à quel moment il faut rire à une blague”. À l’âge adulte, ce “masque” peut devenir de plus en plus pesant. “Au niveau identitaire, c’est très difficile: à force, on ne sait plus qui on est vraiment… Ces femmes se disent qu’elles risquent de perdre les amis qu’elles ont réussi à se faire si elles montrent leur vrai moi. Cela crée beaucoup de tensions intérieures”.
Quels sont les troubles associés?
Ces capacités d’imitation, plus présentes chez les filles, ont un coût: très énergivores, elles exigent de répéter les scénarios, d’apprendre par cœur les dialogues adéquats dans une situation donnée, ne laissant aucune place à l’improvisation. Chaque rencontre sonne comme un examen de passage! Les filles autistes peuvent ainsi développer des symptômes dépressifs et anxieux très importants. “Ces symptômes vont à leur tour masquer l’autisme”, explique Philippine Geelhand. “Or, si on ne traite pas ce qui est lié à l’autisme, la dépression risque de revenir à chaque fois”.
Il n’est pas rare non plus que les filles autistes présentent une anorexie ou ce qui y ressemble. “Dans l’autisme, le comportement anorexique n’est pas forcément lié à une envie d’être mince. C’est plutôt lié au fait que chez les personnes autistes, certaines sensations et textures sont répulsives, ce qui les conduit à manger très peu”. Les études montrent par ailleurs que de nombreuses personnes autistes ont subi des agressions sexuelles. Cela pourrait être lié à leur vulnérabilité dans les interactions sociales mais aussi au fait que les symptômes liés à une agression sexuelle (anxiété, troubles du comportement alimentaire, sentiment de honte…) peuvent parfois se confondre avec les symptômes de l’autisme et donc empêcher l’identification et la répétition de ces agressions.
Savoir que toutes les difficultés que l’on a rencontrées ont une cause peut être un soulagement, mais cela crée aussi un sentiment de regret
Quels sont les intérêts restreints des filles autistes?
Comme les garçons, elles présentent des centres d’intérêts restreints, autrement dit des passions exclusives et intenses pour certains sujets. Mais là où les garçons s’intéresseront aux trains ou aux machines à laver, les filles auront tendance à s’intéresser à des choses moins distinctives comme les animaux ou les chanteurs à la mode: “Une fille autiste s’intéressera au même chanteur que tous les jeunes de son âge mais pas de la même manière: elle retiendra par exemple le nombre de personnes présentes à ses concerts. Son intérêt s’orientera d’une manière particulière”, développe Philippine Geelhand. De même, il n’est pas rare que les femmes autistes se passionnent pour la psychologie. “Cela leur permet d’apprendre comment se comporter. Mais souvent avec peu de succès, car une situation ressemble rarement à une autre…”.
Recevoir un diagnostic d’autisme à l’âge adulte, c’est une bonne chose?
Depuis quelques années, les blogs et chaînes YouTube ont permis aux femmes autistes de prendre la parole. Ces pionnières ont largement contribué à la prise de conscience d’autres femmes, qui n’avaient jamais reçu de diagnostic adéquat. “Les femmes diagnostiquées dans la trentaine ou la quarantaine le sont souvent après que leur enfant ait reçu lui-même un diagnostic d’autisme. C’est en consultant pour lui qu’elles se rendent compte qu’elles sont aussi concernées”, nous dit Philippine Geelhand.
Un soulagement? Oui et non, car s’il est toujours fécond de mieux se connaître, il n’y a pas de médicament ni de solution miracle contre l’autisme. La spécialiste précise: “Les femmes diagnostiquées tardivement ont souvent un sentiment doux-amer. Savoir que toutes les difficultés que l’on a rencontrées ont une cause peut être un soulagement, mais cela crée aussi un sentiment de regret. On se retourne sur toutes les embûches, en se disant ‘si j’avais su'”. À chacune donc de décider jusqu’où elle voudra explorer cette nouvelle donne.
Je pense être autiste. Que faire?
Vous vous questionnez sur vous et, depuis quelque temps ou à la lecture de cet article, pensez être autiste? Nous vous invitons à prendre contact avec des Centres de Référence en Autisme, dit CRA. Il en existe plusieurs en Belgique, que vous retrouvez sur le site www.autisme-belgique.be.
Pour aller plus loin dans votre recherche:
- Association francophone des femmes autistes (AFFA): femmesautistesfrancophones.com
- “Asperger et fière de l’être: Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres”, d’Alexandra Reynaud, (Éd. Eyrolles)
- “Dans ta bulle – Les autistes ont la parole: écoutons-les!”, de Julia Dachez (Éd. Marabout)
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