On a lu le livre d’Adrien Devyver sur le TDA/H, et c’est vraiment bien!
Adrien Devyver publie son premier livre aux Éditions Kennes. À travers des souvenirs touchants, l’animateur de la RTBF raconte son enfance “remuante”, son adolescence effrontée, et sa vie d’adulte apaisée, depuis qu’on lui a diagnostiqué un TDA/H. Interview.
Ceci n’est pas une autobiographie, nous dit le préambule. Pourtant, ça y ressemble furieusement. Parlons d’un récit éducatif alors, ponctué de tranches de vie et de témoignages de proches (amies, famille), qui éclairent sur une maladie: le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Pour Adrien Devyver (dites Deviver, il préfère), le diagnostic a lieu en 2015. Avant ça, il y a bien eu des symptômes, mais dans les années 80, on ne les considère pas comme tels: impulsivité, anxiété, jambes qui démangent… sont le propre des “petits spirous” (au mieux) ou des “turbulents” (au pire). On ne cherche pas plus loin.
Savoir qu’il souffrait de troubles de l’attention aurait pourtant aidé Adrien: à se comprendre et à se faire comprendre. Mais mieux vaut tard que jamais! À 40 ans, l’animateur sensibilise le grand public à la maladie. Celui qu’on appelle “la Tornade” réussit d’ailleurs un doublé: donner des pistes vers le mieux-être aux personnes TDA/H, et accrocher le lecteur qui n’y connaît rien. On a skypé le papa de Gaspard, heureux d’accoucher d’un nouveau bébé.
Ce n’était pas simple à la maison
Vous évoquez des moments de tension à la maison, durant l’enfance et l’adolescence. Votre maman le dit aussi: ce n’était pas simple. Les relations auraient-elles été différentes si on avait diagnostiqué le TDA/H plus tôt?
“Quand j’ai commencé à penser au TDA/H, à l’âge adulte, et que j’en ai discuté avec mes parents, ma mère bottait en touche. Elle disait: ‘Mais non, tu es juste un peu excité’. Le diagnostic a eu le mérite de mettre des mots sur ce qui avait existé: des événements, des comportements qu’on avait observés, mais qu’on n’expliquait pas… Ça a permis de sortir de cette bulle de déni dans laquelle on évoluait, et d’accepter ce qu’on n’avait jamais accepté. Donc oui, les relations auraient sans doute été différentes si on avait su. Même si la référence absolue, de 6 à 18 ans, reste le corps professoral. Encore aurait-il fallu qu’il connaisse ce fameux TDA/H, lui aussi. Disons que ça aurait été plus facile de grandir dans un contexte comme aujourd’hui, où l’on reconnaît la maladie (par ‘’imagerie médicale notamment, ndlr) et la crédite.
Pour l’anecdote, c’est lors de séances chez le psychiatre qu’on m’a révélé le diagnostic, séances auxquelles devaient assister mes parents pour témoigner de mes habitudes et comportements. Quand le résultat est tombé, ma mère en a pris bonne note, avant de revenir vers moi quelques jours plus tard et de me dire: ‘Je crois que je devrais me faire diagnostiquer’. Elle s’était reconnue dans plusieurs symptômes (le trouble est héréditaire)“.
C’est aussi aux scouts que je me suis rendu compte que j’étais en marge
Faire du bruit, se rabibocher
Le livre souligne un paradoxe récurrent chez vous: ce besoin d’aller au clash, de dire tout haut ce que vous pensez tout bas, et pourtant de ne pas supporter le conflit. Comment l’expliquez-vous?
“C’est un des antagonismes les plus évidents chez les TDA/H: cette bipolarité entre l’insupportable conflit, l’injustice, et la volonté de provoquer l’interlocuteur. Il y a dans ce système de fonctionnement un désir d’attirer l’attention via la rupture plutôt que via la conciliation empathique. Peut-être que l’adrénaline que provoque la réconciliation est une piste qui pourrait être explorée d’un point de vue scientifique. Un TDA/H marche au renforcement positif; il sait qu’en allant au clash, il s’offre une chance de se faire un shoot de réassurance et de compliments à la réconciliation. C’est un côté tordu qui n’est clairement pas facile à vivre“.
Le scoutisme semble avoir été une soupape de décompression magique pour vous…
“Pour les enfants TDA/H, le scoutisme est une vraie solution parce qu’il offre un cadre, mais de la flexibilité. Il y a des règles à respecter, mais elles sont moins drastiques qu’à l’école. Deuxième atout: l’activité en plein air, super bonne pour la santé, et qui permet de sortir du cadre physique de la maison. La personne curieuse, qui a mille idées en tête et qui a besoin d’être stimulée, se ressource merveilleusement dehors. Et puis, ce rassemblement en groupe permet de découvrir les autres, de les entendre parler, et de comprendre qu’on ne fonctionne pas comme eux. C’est là que moi, je me suis rendu compte que j’étais un peu en marge“.
Le scoutisme, c’est l’épicentre de la débrouillardise…
“Elle est essentielle chez les TDA/H! J’ai appris plein de trucs chez les scouts qui me permettent encore de m’en sortir maintenant. Pour un TDA/H, les itinéraires bis sont salvateurs! L’idée, c’est de trouver le chemin B, parce que le chemin A est ennuyeux ou trop compliqué. Je n’ai jamais cherché à gagner aux scouts, par exemple. Ce qui m’intéressait, c’était la richesse du parcours. En réalité, j’ai atteint très peu d’objectifs dans ma vie. Parfois, ce que je trouvais en chemin me convenait, et me menait à d’autres objectifs que ceux que je m’étais fixés. La meilleure preuve, c’est ma vie professionnelle: je rêvais d’être médecin urgentiste, mais le cursus était impossible pour moi. Mes plans B m’ont finalement permis d’être à la tête d’une émission de santé aujourd‘hui”.
Vous dites que vous êtes incapable d’efficacité, la valeur-star dans le milieu professionnel…
“Ici aussi, j’utilise d’autres armes pour contrer cet impératif de rentabilité dicté par le monde professionnel. J’essaye de stimuler ce qui est créatif et, contrairement aux diktats, de privilégier la quantité à la qualité. En réunion, je bazarde des punchlines, je sors des idées de mon chapeau. Rien n’est ficelé, ma mission n’est pas de livrer un produit abouti, mais de donner des pistes… C’est mon potentiel à moi. J’ai tendance à beaucoup évoquer mon TDA/H avec mes collaborateurs, ils savent me cerner et me cadrer. Je n’ai d’ailleurs jamais été aussi heureux au travail qu’aujourd’hui: animer une émission quotidienne en direct pendant une heure, c’est un cadre qui me va! Je dois être là, ancré, ne pas circuler de gauche à droite, ne pas tergiverser… La bonne solution pour moi, elle est là, et mes managers l’ont compris“.
Les 4 points forts du livre
On pointe au moins quatre bonnes raisons de parcourir le bouquin d’Adrien.
- Chaque chapitre (relation aux autres, vie scolaire, vie de famille) est ponctué de conseils pratiques. Adrien livre ses rituels pour canaliser ses émotions, moins oublier, moins culpabiliser, mieux écouter… Précieux pour les ados, les parents et les profs!
- Le livre donne la parole aux experts. Un psychiatre explique le TDA/H de manière claire (zones du cerveau impactées, besoin de récompense et de réassurance…), une diététicienne décrit le lien évident entre alimentation et bien-être du patient (le rôle malsain du sucre!).
- Adrien a le sens de la formule et le chic pour raconter le quotidien (ou comment une anecdote sur la perte d’une clé devient haletante). Il y a des redites, parfois, beaucoup d’adverbes (tout est “trop” ou “très”), mais ça fait l’authenticité de l’objet.
- Un pourcentage des ventes est reversé aux associations qui soutiennent les personnes TDA/H. Pour mieux dépister et accompagner les enfants, il faut mettre en lumière le sujet, et il faut des sous! Le livre offre les deux.
On m’appelle la Tornade, Parcours de vie d’un créatif encombrant, Adrien Devyver, Éditions Kennes, 19,90€.
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