s'occuper de son enfant
"Il faut pouvoir envoyer valser les diktats, se dire qu’on fait de son mieux". © Pexels

“Je n’aime pas m’occuper de mon enfant”

Ils ont beau les aimer de tout leur cœur, certains parents ne se sentent pas capables ou ne tirent pas de satisfaction à s’occuper de leur(s) enfant(s). Pourquoi? Et quelles clés pour retrouver confiance et plaisir dans la parentalité?

Que ce soit par épuisement, par ennui ou encore par manque de confiance, il arrive qu’un parent ne se sente pas à l’aise en s’occupant de sa progéniture. Heureusement, cette situation est souvent temporaire et n’est pas irrémédiable.

S’occuper de son enfant, ça veut dire quoi?

Marie Stiévenart est docteure en Sciences psychologiques et psychothérapeute, spécialisée dans les questions de soutien à la parentalité. Elle est superviseuse et formatrice pour l’organisme Taking Care, qui accompagne les professionnels de l’aide, notamment sur le sujet de la parentalité et du développement de l’enfant.

“S’occuper de son enfant, cela couvre de multiples domaines, précise-t-elle. Au-delà du jeu, il y a bien sûr subvenir à ses besoins élémentaires (alimentation, soins, etc.), soutenir ses apprentissages, fixer un cadre, s’intéresser à sa vie, etc.”

Pourquoi je n’aime pas m’en occuper?

La psy décortique trois causes possibles à ce problème.

  • Le burn-out parental: selon Marie Stiévenart, il s’agit du premier red-flag. “Ne pas aimer s’occuper de son enfant m’évoque directement cette possibilité. Pour reconnaître le burn-out parental, les premiers signes sont l’épuisement, le fait de ne plus avoir l’énergie de faire des choses qu’on avait l’habitude de faire. Et puis, la notion de déplaisir en tant que parent.”
  • Le manque de confiance dans ses compétences parentales. Vous vous comparez sans cesse aux autres mamans? Vous vous sentez nul(le) en tant que parent? Ces sentiments peuvent vous mettre la puce à l’oreille: vous souffrez peut-être d’un manque de confiance en vos compétences parentales. “Ne pas se sentir compétent dans un domaine ne donne pas envie de réitérer l’expérience, explique la psy. Ce qui peut assez vite générer un cercle vicieux. Ceci est lié à la confiance en soi en tant que parent, selon les domaines de la parentalité.”
  • Le manque de plaisir dans certaines activités: “Il est tout à fait normal de ne pas s’épanouir dans tous les aspects de la vie de parent. Les enfants prennent le bon qu’on a à leur donner, et c’est là aussi qu’intervient la complémentarité d’un couple.” Selon la psy, cette notion peut se redéfinir. “On peut prendre du plaisir à être avec son enfant, sans nécessairement faire quelque chose avec lui”, stipule-t-elle.

Aimer son enfant VS aimer s’en occuper

Il faut bien sûr distinguer le fait d’aimer son enfant au fait d’éprouver du plaisir à s’en occuper. “Aimer, c’est quelque chose d’affectif, c’est un sentiment. Je pense que dans ma carrière, je n’ai jamais rencontré de parents qui n’aimaient pas leur enfant. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient forcément capables de sécuriser ce lien. On peut aimer son enfant de tout son cœur, mais ne pas s’y prendre de la bonne manière avec lui: ce sont deux choses différentes.”

Il faut se rappeler qu’il s’agit d’une boucle de rétroaction. Ce n’est pas juste le parent qui influence l’enfant: l’enfant influence aussi le parent!

L’amour, un sentiment automatique? “Après la naissance, le sentiment d’amour d’un parent pour son bébé peut mettre du temps à arriver”, précise la psy. “Et c’est tout à fait OK. L’instinct maternel ne saute pas forcément sur la maman dès que l’enfant sort de son ventre. Mais il se cultive. Il faut aussi se rappeler que chaque relation est spécifique. L’enfant est qui il est, avec ses facettes, son caractère, ses difficultés, ses particularités. Et tout cela influence qui vous êtes en tant que parent.”

Comme toute relation, celle du parent et de son enfant se base sur la réciprocité, insiste la psy. “Il est primordial de reconnaître qu’il s’agit d’une boucle de rétroaction. Ce n’est pas juste le parent qui influence l’enfant: l’enfant influence aussi le parent! Si un parent n’aime pas s’occuper de son enfant, on peut aussi se demander: qu’est-ce que l’enfant lui renvoie? Comment réagit-il lorsqu’il s’occupe de lui?”

Ève, dépassée par le quotidien surchargé

Ève, 37 ans, responsable RH et coache, vit à Bruxelles. Elle a trois enfants de 8 ans, 6 ans et 2 ans. Entre le boulot, la gestion de la famille et de la maison, elle se sent débordée et ne tire plus de plaisir à s’occuper de ses enfants. Elle nous raconte son expérience, commentée par les conseils avisés de Marie Stiévenart.

Pas vraiment “avec eux”

Ève: “Certains disent qu’avoir trois enfants ne multiplie pas vraiment la charge. Je ne suis pas d’accord. De manière très pragmatique, les lessives, les rendez-vous médicaux ou les activités décuplent avec le nombre d’enfants que l’on a.

J’ai un sentiment d’éparpillement et cela empiète sur les moments de qualité passés avec mes enfants. J’ai du mal à prendre du plaisir à jouer avec eux, parce que j’ai du mal à être vraiment ‘avec eux’. Si je joue avec eux, c’est à contrecœur. Parce que j’ai tellement de choses sur ma to-do list qui trottent dans ma tête, que je vais m’interrompre dix fois dans le jeu… Cela génère des frustrations, de part et d’autre.

Et puis pour être honnête, il y a des activités que je déteste faire avec mes enfants! Jouer à bébé chien, ce n’est pas mon truc (Rires). Je trouve ça difficile de dire non, de peur de me faire rejeter, qu’ils se disent: ‘maman, elle n’aime pas jouer avec nous, ça veut dire qu’elle ne nous aime pas’. De mon côté, je préfère aller me balader en forêt avec eux, être au grand air, observer les animaux, les voir découvrir des choses…”

L’avis de la psy: “À partir du moment où on se dit ‘il faut que’, autant ne pas le faire. Car il y a une notion d’obligation, et donc on diminue le plaisir, et l’enfant le ressent. Mais ces moments peuvent prendre une multitude de formes! Vous aimez jouer avec vos enfants? Tant mieux. Ce n’est pas le cas? Pas grave, tant que vous trouvez du plaisir avec eux dans certaines activités. Ici, la qualité du temps passé ensemble prime sur la quantité. On peut partager un bon moment simplement en chantant avec son enfant dans la voiture sur le retour de l’école, en l’écoutant raconter sa journée, en papotant avec lui quand il prend son bain…

Et puis, il est également primordial de laisser l’enfant jouer seul. Dans le jeu, il peut se repasser des scènes de la vie quotidienne, il devient acteur, développe sa créativité, son imagination.”

Remplir sa jauge personnelle

Ève: “En ce moment, quand j’ai du temps, je l’investis pour moi-même, pour nourrir mon énergie. Parce que tant que je n’en aurai pas suffisamment pour moi, je n’arriverai pas à en donner aux autres. Mais parfois, ça me fait culpabiliser, je me dis ‘je ne m’occupe pas bien de mes enfants’.”

L’avis de la psy: “Pour prendre du plaisir à s’occuper de son enfant, il est clair que le parent doit commencer par prendre soin de lui-même. Et c’est bien d’en avoir conscience, pour ne pas généraliser trop vite et éviter les attributions causales du genre: ‘je n’aime pas être maman’.

En ce moment, quand j’ai du temps, je l’investis pour nourrir ma propre énergie. Parce que tant que je n’en aurai pas suffisamment pour moi, je n’arriverai pas à en donner aux autres

Quant au sentiment de culpabilité, il demande avant tout un travail d’acceptation. Si on veut trop vite l’éjecter, il risque de nous revenir de plein fouet, et cela ne fait avancer personne. Il faut essayer d’envoyer valser les diktats, en se disant qu’on fait du mieux qu’on peut et que c’est déjà très bien. Et qu’il est impossible de suivre toutes les injonctions actuelles autour de la parentalité.”

Réorganiser le couple

Ève: “Mon mari joue beaucoup avec les enfants. Mais il s’occupe beaucoup moins du reste. Et parfois je l’envie, je me dis que j’aimerais pouvoir jouer avec eux de manière insouciante. Mais à côté, il faut que la logistique avance. On est donc dans une ambivalence, et il faut retrouver un équilibre.

Une des pistes qu’on essaye de mettre en place pour rétablir la situation, c’est de procéder comme les couples séparés: une semaine sur deux, l’un de nous gère toute la charge mentale en solo. Pour moi, cela me permet de libérer du temps et de la pression, et de passer des moments plus détendus avec les enfants, notamment.”

L’avis de la psy: “S’il y a une notion de déséquilibre dans le couple, il est effectivement important d’en parler ensemble pour trouver une solution, et de s’adapter pour changer la dynamique. L’idée n’est pas forcément de trouver l’égalité parfaite, mais l’équité. Si l’un préfère gérer les finances et que l’autre aime organiser/planifier, c’est très bien, tant que les deux partenaires trouvent un équilibre qui leur convient!”

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