Don de lait maternel: pourquoi, à qui et comment donner?
Faire don de son lait maternel est un acte altruiste qui peut avoir un réel impact sur la santé et le bien-être de certains bébés, en particulier les prématurés ou ceux en mauvaise santé.
En faisant don de son lait, une maman peut réellement sauver des vies. Marie Tackoen, cheffe du service de néonatologie à l’Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, l’observe au quotidien: “Le devenir des grands prématurés est directement lié au fait qu’ils puissent avoir du lait de leur maman ou issu de dons. Le pronostic et l’évolution du bébé qui en a bénéficié sont meilleurs, il risque moins de complications comme l’entérocolite nécrosante, une pathologie intestinale grave qui mène à de la chirurgie, à des séquelles, et même au décès. Toutes les sociétés scientifiques dans le monde qui s’intéressent à la question recommandent que les grands prématurés aient en premier lieu le lait maternel, il n’y a pas de doutes là-dessus”.
Mon enfant n’est pas malade, puis-je profiter d’un don?
Le lait maternel fournit des nutriments essentiels, des anticorps et des facteurs de croissance qui favorisent le développement optimal de l’enfant, renforcent son système immunitaire et réduisent le risque de certaines maladies infantiles.
Le lait maternel, c’est un médicament, les professionnels s’accordent là-dessus
En Belgique, comme dans de nombreux autres pays, l’accès au lait maternel provenant de banques est donc limité aux bébés prématurés ou malades, ainsi qu’à ceux qui ont des besoins médicaux spécifiques. “À Saint-Pierre, notre banque de lait est ouverte depuis le 1er janvier 2023. Pour l’instant, nous avons pu couvrir les besoins des grands prématurés car ce lait leur est dédié. Certains hôpitaux peuvent proposer aux mamans le surstock, mais ce n’est pas notre cas”, explique Marie Tackoen.
Quels critères pour donner son lait?
Les donneuses sont soigneusement sélectionnées et leur lait est traité. “Donner du lait, c’est un peu comme donner son sang. On vérifie l’état de santé de la maman, on se renseigne sur son mode de vie, si elle a fait des voyages récents ou si son lait contient un virus qui contre-indiquerait la possibilité de don. C’est une logistique sérieuse”.
Les critères de sélection varient légèrement d’une banque à l’autre, mais en voici quelques-uns:
- Mère non fumeuse et non consommatrice de drogues.
- Absence de certaines infections transmissibles. Telles que le VIH, l’hépatite B et C, la syphilis, notamment.
- Absence de médicaments incompatibles. Les donneuses doivent informer l’institution de santé des médicaments qu’elles prennent.
- Alimentation saine. Les donneuses sont encouragées à avoir une alimentation saine et à éviter de consommer de grandes quantités d’alcool ou de caféine.
- Excédent de lait. Les donneuses doivent généralement avoir un surplus de lait après avoir satisfait les besoins de leur propre nourrisson. Le don de lait ne devrait pas compromettre l’alimentation de leur enfant.
Le don en soi doit par ailleurs respecter certains critères:
- Quantité. Les donneuses sont généralement encouragées à donner des quantités suffisantes pour être utiles aux bébés prématurés et malades. Les banques de lait apprécient les dons réguliers et de quantités importantes pour répondre à la demande.
- Hygiène. Il est essentiel que les donneuses maintiennent une bonne hygiène personnelle lors de la collecte du lait. Les mains doivent être soigneusement lavées, et les parties du sein et des récipients, propres.
- Conservation. Le lait maternel doit être collecté, stocké et transporté de manière appropriée pour maintenir sa qualité et sa sécurité, comme l’utilisation de récipients stériles et la conservation à des températures appropriées (généralement au congélateur).
Des précautions qui peuvent décourager
En Belgique, le don est un acte de générosité pure. Il se fait sans rétribution pour la maman, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis, par exemple. Certaines mères, désireuses de partager leur précieux “or jaune”, sont parfois bien déçues de ne pas recevoir un bel accueil de la part des hôpitaux ou de faire face à beaucoup de contraintes.
C’est le cas de Noémie, 30 ans, qui a donné naissance en mars 2022. “J’ai toujours voulu allaiter et ça a bien fonctionné. Vers la fin de mon congé de maternité, quatre mois après la naissance, j’ai commencé à tirer mon lait pour me faire un stock et j’en ai rapidement eu plus qu’assez”. Noémie contacte alors l’Hôpital Erasme, à Bruxelles, pour faire don de son lait: “Je ne me suis sentie ni accueillie ni utile. J’ai été transférée de service en service, puis on m’a dit qu’il y avait assez de stock, mais que si je voulais vraiment, je pouvais leur donner du lait, après avoir passé une batterie de tests et sous certaines conditions strictes. Découragée, j’ai abandonné et réduit mes tirages, tout simplement”.
C’était pour moi une révélation de rendre ce dont j’avais bénéficié
Justine a accouché d’une petite fille à 26 semaines. Elle a bénéficié de don de lait et a donné en retour: “Je voulais vraiment allaiter et durant ses 24 premières heures de vie, mon bébé a été nourri grâce au don. J’ai eu de la chance car rapidement, j’ai pu donner mon propre lait. Je tirais trois litres par jour, et les stocks étaient rapidement trop gros pour mon enfant. J’ai donc fait don d’une partie lors de mon séjour en néonat’. C’était pour moi une révélation de rendre ce que j’avais reçu et de pouvoir aider d’autres mamans”. Une fois sortie de l’hôpital et face aux contraintes que cela représentait, la maman a elle aussi cessé de faire don de son lait.
L’espoir d’une banque financée par l’État
La gestion des dons et des stocks est une tâche immense, ceci explique sans doute cela. “Pour ces raisons, au CHU Saint-Pierre, nous ne prenons que les dons de mamans qui ont accouché d’un bébé en néonatologie”, nous dit Marie Tackoen. Elles peuvent en effet fournir leur lait directement sur place durant leur séjour auprès de leur bébé. Toutes les contraintes et précautions de stockage, d’étiquetage, de timing sont alors gérées par l’équipe médicale.
Pour que le don de lait soit facilité mais aussi accessible à un maximum de bébés, Marie Tackoen rêve d’une banque gérée au niveau fédéral, par un organisme comme l’ONE (Office National de l’Enfance). “Plusieurs banques ont fermé car financièrement, ce n’était plus possible. Cela coûte très cher pour un hôpital. J’ai dû me battre pour acheter un pasteurisateur, le matériel de contrôle, de prise de sang…”, regrette la cheffe de service.
Où sont les banques de lait?
En Belgique, même si elles sont peu nombreuses, plusieurs banques de lait maternel rattachées à des hôpitaux recueillent et distribuent du lait aux bébés prématurés et malades. La plupart du temps, ces structures possèdent un service de néonatologie intensive. Voici les principales banques vers lesquelles vous tourner: la banque de lait de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF), celle de l’Hôpital Universitaire de Gand (UZ Gent), de l’Hôpital Universitaire d’Anvers (UZA), celle du Centre Hospitalier Universitaire de Liège (CHU de Liège) et du Centre Hospitalier Universitaire de Namur (CHU UCL Namur).
Outrepasser les banques: bonne idée?
L’utilisation de lait maternel provenant de donneuses privées peut comporter des risques pour la santé de votre tout-petit. Si vous envisagez cette option, il est essentiel de prendre des précautions appropriées: vous assurer que le lait maternel est collecté, stocké et transporté correctement, et de discuter de cette décision avec un professionnel de la santé en amont.
Vous aimerez aussi:
Recettes, mode, déco, sexo, astro: suivez nos actus sur Facebook et Instagram. En exclu: nos derniers articles via Messenger.