Concilier PMA et vie professionnelle: la galère!
Les rendez-vous médicaux qui s’enchaînent, les montagnes russes émotionnelles: mener de front un parcours de PMA et un emploi du temps pro n’est pas simple. Valérie a vécu ce dilemme de plein fouet.
Du bilan d’infertilité à la fécondation in vitro (FIV) en passant par l’insémination intra-utérine, un parcours de PMA (pour procréation médicalement assistée) est souvent long et périlleux. Et il implique un tas de rendez-vous contraignants: prise de sang, injection d’hormones, ponction d’ovocytes, radiographie de contrôle, implantation des embryons… Pléthore d’examens qui sont généralement difficiles à anticiper, puisqu’ils dépendent de l’évolution du cycle de la patiente. Son agenda doit donc se mouler aux aléas du traitement. Absences last minute, retards et difficulté à rester concentrée sont ainsi le lot quotidien des concernées.
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Ce que prévoit la loi belge
Quand votre projet bébé empiète sur la sphère professionnelle, quelle est votre marge de manœuvre? Quels sont les droits des femmes en parcours de PMA? Décortiquons d’abord trois points-clés.
1. Dois-je en parler à mon employeur?
Légalement, rien ne vous oblige à informer votre employeur de votre projet de maternité. Mais, selon votre degré d’intimité avec votre hiérarchie, vous pourriez juger bon d’en discuter, pour que votre équipe comprenne les enjeux physiques, psychologiques et logistiques auxquels vous êtes confrontée lors du parcours de PMA.
2. La loi me protège-t-elle?
Une double protection est prévue par la loi belge pour les travailleuses en parcours PMA.
La première, l’Arrêté Royal du 28 mai 2003, “prévoit une protection contre les risques éventuels pour la santé dès l’entame d’un traitement”, explique l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes. Concrètement, cela signifie que vous pouvez demander une consultation auprès du médecin du travail. Et, qu’en fonction des résultats, il pourra vous proposer, à vous et à votre employeur, des aménagements nécessaires.
La deuxième protection, c’est la loi du 4 février 2020, parue au Moniteur belge le 28 février 2020. Elle a modifié la loi du 10 mai 2007 contre la discrimination de genre en élargissant son champ d’application à six nouveaux critères protégés contre la discrimination, dont la PMA. Cette loi vous protège contre le harcèlement et la mise à l’écart.
Contrairement à la grossesse, il n’existe pas de loi spécifique contre le licenciement des femmes en parcours d’infertilité. Mais cette deuxième mesure est malgré tout protectrice, parce que licencier une femme sur base de ses absences liées à des traitements de PMA peut être considéré comme un acte de discrimination.
3. Ai-je le droit de m’absenter?
“La situation est la même que pour n’importe quel autre traitement médical”, précise l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes. Si vous êtes incapable de travailler, vous devrez avertir votre employeur et justifier votre absence par un certificat médical ou piocher dans vos jours de congés annuels.
Valérie a été licenciée suite à des absences répétées
Tout souriait à Valérie, 45 ans et vivant à La Hulpe: un job à temps plein, un conjoint aimant, un projet de bébé. Jusqu’à ce qu’un parcours PMA s’en mêle et entraîne, dans un cruel effet domino, la perte de son emploi, la fin de son couple et le deuil d’une possible grossesse. “J’ai rencontré mon conjoint en 2014, il voulait des enfants. J’avais déjà une fille d’un précédent mariage, je l’avais eue à 26 ans. Comme j’avais déjà dû prendre un traitement pour cette première grossesse, et que j’avais 36 ans, je me suis dit qu’on ne devait pas tarder à s’y mettre. À ce moment-là, je travaillais à temps plein comme office manager. Avec mon conjoint, on avait une chouette relation, tout se passait bien”.
Le début des FIV
“Quand j’ai commencé la PMA, je ne savais pas trop dans quoi je mettais les pieds. On est passés directement à la FIV, parce que ma réserve d’ovocytes n’était pas suffisante, il fallait viser juste, ne pas perdre d’occasion. Dès le premier jour du premier cycle, le processus s’est enclenché à une vitesse éprouvante. J’avais des rendez-vous à l’hôpital tous les deux jours pour surveiller l’état de mon endomètre. Il y a aussi les piqûres de stimulation ovarienne, à réaliser chaque soir à la même heure. Et puis, au moment de l’ovulation, on passe à la ponction, c’est-à-dire au prélèvement des ovocytes. Cette intervention se fait sous anesthésie totale et implique au moins une journée complète d’absence au travail. Ensuite, on procède à la fécondation in vitro, et si un ou plusieurs embryons ont tenu, on revient quelques jours après pour réaliser le transfert embryonnaire”.
Après le transfert embryonnaire, l’attente est interminable. Psychologiquement, ce n’est pas simple!
Dans cette phase du processus, même si elle ne doit pas se rendre à l’hôpital, l’esprit de Valérie est accaparé par ce projet bébé. “L’attente est interminable. Psychologiquement, ce n’est pas simple: on se pose mille questions, on se demande si la grossesse va prendre. C’est difficile d’avoir la tête dans le travail dans ces moments-là”.
Fausses couches et grossesse extra-utérine
Avec les FIV, Valérie tombe enceinte quatre fois, mais aucune de ces grossesses n’arrive à terme. “J’ai fait trois fausses couches avec curetage… Et une grossesse extra-utérine, traitée avec un type de chimiothérapie. Cette période a été très, très difficile à vivre. Les mots ne sont pas assez forts pour exprimer ce que j’ai ressenti. Je pense que personne n’est prêt pour ça et je regrette de ne pas avoir été davantage suivie psychologiquement parce qu’à force, ça rend un peu fou. Les rendez-vous médicaux, le fait de ne pas boire d’alcool, de gérer les attentes et les déceptions: j’ai fini par être vraiment à bout. Ma vie était conditionnée par la PMA: c’était tout mon projet de vie. Cela m’imposait une hygiène de vie et des contraintes qui faisaient que j’y pensais tout le temps”.
L’impossible match?
“L’équipe médicale qui m’a suivie a été super, nous raconte Valérie. Mais honnêtement, côté boulot, c’était l’enfer. Je pense que la PMA était vraiment incompatible avec mon job, ma boîte. Je n’ai pas osé parler avec mon boss de ce que je vivais parce que je n’étais chez eux que depuis un an et que je n’avais pas encore fait mes preuves”.
Je n’ai pas osé parler avec mon boss de ce que je vivais
Valérie ne se sent pas à l’aise et redoute une réaction négative de son employeur. “C’était une équipe très masculine, très carriériste, je me suis dit que je ne serais pas comprise”. Elle camoufle tant bien que mal ses rendez-vous à l’hôpital, mais ses absences répétées finissent par agacer. “Je n’arrivais plus à couvrir ces absences, les excuses devenaient difficiles à trouver. Au bout d’un moment, mon employeur m’a dit qu’il ne pouvait pas garder quelqu’un sur qui il ne pouvait plus compter, et il m’a licenciée. Je peux le comprendre, il s’agissait d’une PME, je les mettais en péril”.
Transformée pour toujours
Si elle comprend la décision de son employeur, Valérie se demande ce qui aurait pu se dérouler autrement. “En fait, je trouve qu’il devrait exister un système, peut-être une compensation, qui permettrait aux personnes en parcours PMA de s’absenter sans que cela ne pénalise l’employeur”.
Au bout de six mois de PMA, Valérie se retrouve donc sans emploi. Le temps passe, et son conjoint la pousse à chercher un autre boulot. “Personnellement, je me sentais physiquement et psychologiquement incapable de mener la PMA et une vie professionnelle de front”. Valérie finit par écrire une lettre à son compagnon pour lui exprimer ce qu’elle a sur le cœur: “Je lui ai dit que j’étais prête à retravailler, mais qu’alors je ne pouvais pas continuer la PMA. Parce que je n’en pouvais plus”. Suite à cet aveu, son compagnon se ferme complètement. “Il m’a dit qu’il n’avait plus confiance, que j’avais tout gâché. Petit à petit, notre relation s’est détériorée et ça a fini par se terminer”.
Et aujourd’hui?
Valérie s’est reconstruite, mais elle garde les traces d’une histoire qui l’a bouleversée et transformée à jamais: “Je me sens un peu anesthésiée. Et côté boulot, j’ai quand même perdu deux ans et demi de carrière… Que personne ne pourra me rendre”.
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