Peut-on refuser un Noël en famille?

S’il y a bien un Noël que l’on peut décliner, c’est celui de 2020. Le contexte, ainsi que le discours politique et scientifique, légitiment le comité très restreint. Mais donner son refus ne veut pas dire éviter les tensions familiales.

Les règles sanitaires en vigueur pour les fêtes de fin d’année sont sans appel: à moins que vous ne soyez isolé(e), seule une personne s’invitera dans votre bulle. Une règle stricte qui ne sera pas respectée de tous, disent les enquêtes d’opinion; ce qui met dans l’embarras les Belges bien résolus à suivre l’injonction. “Noël, c’est un rite familial par excellence, nous dit Bernard Fusulier, sociologue de la famille à l’UCLouvain. Il y a d’ailleurs une part significative de musulmans qui le fêtent pour le rassemblement et non pour le côté religieux”. Et de poursuivre: “C’est le moment où l’on se réunit pour voir ceux auxquels on tient. Mais cette année, on sait que ce n’est pas prudent, surtout qu’il y a une lumière au bout du tunnel: sortir de cette pandémie”.

Les tensions ne dureront pas

Entre l’envie de respecter ce qui est imposé ou d’élargir légèrement la bulle, le choix est cornélien. “Pour certains, on doit déroger à la norme au nom de l’intérêt supérieur de la famille; pour d’autres, il faut la respecter, justement au nom de l’amour que l’on a pour ses proches”, avance le Professeur et directeur de recherches au FNRS. Si vous décidez de protéger vos proches en restant au sein de votre foyer le jour de Noël, ne culpabilisez pas. Car si elles existent, les tensions familiales ne dureront pas. “La situation est inédite et difficile! Sur le moment, il peut y avoir de la déception, mais beaucoup entendront que ceux qui respectent la règle ont raison d’opérer ainsi, et qu’il y aura d’autres moments pour se rattraper”.

Pourquoi c’est si compliqué?

Si le choix est difficile, c’est parce que la famille est bien souvent ce qu’on a de plus cher. “Selon les études sur le sujet, la famille est la valeur n°1 devant le travail et les amis. Elle est une petite communauté tissant des liens forts et protecteurs entre les personnes (de sang, d’alliance, juridiques et évidemment affectifs), lesquels appartiennent à l’histoire de chacun. D’où le fait que la famille n’est pas une entité sociale comme les autres: elle demeure une communauté de base dans une société individualiste”, explique le sociologue.

Ce qui rend le choix plus crucial encore, c’est qu’aujourd’hui, les configurations familiales sont multiples alors que la règle en vigueur se base sur un modèle standard. “À l’heure actuelle, la famille se décline dans des formes variées”, nous explique Bernard Fusulier. “Il y a la famille nucléaire, la famille recomposée, la famille monoparentale, la famille élargie, sans compter les caractéristiques de ses membres (célibataires, en couple, cohabitants…). La règle sera, selon moi, appliquée en plus ou moins grand décalage en fonction du type de configuration”.

À quoi ressemblera ce Noël inédit?

Il y aura évidemment des récalcitrants, imagine le sociologue. Mais même s’il anticipe que de nombreuses familles vont négocier la norme en s’en écartant un peu, la prudence restera de mise, selon lui: “Pour beaucoup, il sera particulièrement difficile de faire l’impasse sur les réunions avec un deuxième cercle familial (les grands-parents notamment), mais la tendance sera au report des rencontres avec les cercles plus éloignés (oncles, tantes, cousins…)”.

Qui sera votre “+1”?

Les familles qui s’en tiendront à la règle de la bulle devront faire de réels sacrifices. Parce que choisir son “+1”, c’est forcément renoncer. Alors qui choisir comme invité? Un frère? Un grand-parent? Dans tous les cas de figure, Bernard Fusulier se veut rassurant: “Il n’y a pas de recette standard: le plus important, c’est de préserver ce qui vous semble essentiel”. Et de rappeler que la perspective d’une année 2021 où la pandémie serait contrôlée présage de belles réunions familiales pour Noël prochain.

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