Mon enfant est-il à haut potentiel?
Il rêvasse en classe, a du mal à s’intégrer au groupe, est hypersensible, pique des colères ou s’ennuie vite… Des caractéristiques souvent exaspérantes chez l’enfant «surdoué». Mais derrière ces traits négatifs se cachent de vrais trésors qui peuvent devenir sa force.
Du temps de Mozart, on parlait de “génie”…
Cela sous-entendait une intervention divine et même effrayante dans certaines cultures. Le terme «surdoué» lui a succédé. Mal choisi, il induisait une notion de supériorité par rapport aux autres, stigmatisant encore plus l’enfant.
Aujourd’hui, on a compris que le fonctionnement de ces enfants n’est pas supérieur mais juste différent de celui de la majorité et on parlera plutôt d’enfants à haut potentiel, ou «HP». Encore plus récent, inventé par la psychologue clinicienne française Jeanne Siaud-Facchin, le «zèbre», qui désigne un équidé «presque» comme les autres, à ceci près qu‘il est le seul à ne pouvoir être domestiqué par l‘homme.
Haut potentiel: une histoire de cerveau
Certains psychiatres s’accordent à dire que la douance est héréditaire. Pourtant, on constate que la plupart des familles ne comprennent qu’un seul individu HP. D’autres spécialistes défendent la théorie des cerveaux droit et gauche. Celle qui sous-tend notamment le travail de la psychologue spécialiste en sciences cognitives Béatrice Millêtre.
- Selon celle-ci, l’hémisphère gauche fonctionne de manière logique, analytique. Un peu comme un ordinateur, il analyse les informations de façon séquentielle, linéaire. Le «neuro gaucher», généralement qualifié de rationnel, est méticuleux et logique, partant des détails pour élargir sa réflexion au général.
- L’hémisphère droit plus synthétique, analyse les informations dans leur entièreté, les organise de manière globale. Le «neuro droitier» aura un raisonnement intuitif, souvent parallèle à celui des autres, ce qui lui donne parfois ce caractère «étrange».
Vous l’aurez compris si vous qui avez un «zèbre» à la maison, il est neuro droitier… ce qui explique la plupart de ses comportements, en termes d’apprentissage. Lui demander de se mettre à ses devoirs de façon continue sera contre-productif: il aura plutôt tendance à interrompre son «travail» par d’autres activités ou rêveries qui, sans qu’il le sache lui-même, étayeront sa compréhension de la matière pour aboutir à un miraculeux résultat. C’est le fameux «effet Eurêka» d’Archimède, grand zèbre s’il en est.
Le diagnostic haut potentiel: une vraie libération
Le test de Q.I. a longtemps été le seul outil pour diagnostiquer la douance. Mais un entretien avec un pédopsychiatre habilité qui analysera le mode de fonctionnement de l’enfant dans sa globalité (renseignez-vous chez votre médecin) est souvent suffisant pour confirmer votre intuition. Et c’est formidablement libératoire pour eux de s’entendre confirmer: «Oui, tu es différent. La plupart de tes camarades fonctionnent d’une certaine manière, mais pas toi. Ce n’est pas grave, il y a beaucoup de gens différents sur terre. Tu dois juste le savoir et on va t’aider à t’adapter.» Après le rendez-vous, pensez à informer son institutrice/teur. Ainsi, l’enfant sera reconnu «officiellement» dans sa différence et ne la vivra plus comme un handicap. Vous cesserez ainsi de le forcer à entrer dans un moule qui n’a aucun sens pour lui.
Enclencher une spirale positive
Il est d’autant plus important de poser un diagnostic et de lui donner des armes adéquates que cette particularité perdurera toute sa vie. Comme la majorité fonctionne sur un mode neuro gaucher, la société et ses règles, surtout dans le cadre professionnel, auront tôt fait de le stigmatiser: inaptitude à travailler en équipe, à respecter la hiérarchie, insolence, flemmardise… Mais s’il a conscience de sa différence, elle deviendra un formidable moteur. Habituez-le dès lors à communiquer autrement, à se trouver face à des difficultés qu’il a plaisir à dépasser. Encouragez-le à transformer sa curiosité plutôt que de vivre sur une facilité qui deviendra illusoire et proche du décrochage scolaire s’il ne travaille pas.
Exemples et témoignages d’enfants haut potentiel
Estelle, 14 ans, construit des idées
“Pour un devoir en géographie, j’ai passé des heures à chercher des informations sur Internet, à reproduire des schémas, à mettre le tout en relation et à expliquer ma démonstration. J’en étais fière. Mais le prof ne m’as mis que 11/20, me disant qu’on se noyait sous les détails et que ce n’était pas ce qu’il avait demandé!”
Comment ça marche? Pour Estelle, «réfléchir» n’est pas montrer qu’on a compris la leçon, mais c’est produire une pensée propre. Notamment parce qu’apprendre une matière et la restituer ne présente aucun intérêt pour elle si cela ne s’accompagne pas d’un objectif plus vaste.
Les activités qui l’épanouissent Les situations faisant appel à la stratégie: certains jeux de société, jeux d’échecs, de cartes, sports collectifs où les scores s’acquièrent par paliers, avec pénalités et stratégie d’équipe.
Firmin, 7 ans, hypersensible
“Firmin capte le moindre détail dans ce qui l’entoure, réclame par exemple qu’on lui cite tous les jaunes qui existent pour pouvoir préciser celui du bouton d’or et de la moutarde. Le seul mot ‘jaune’ ne lui suffit absolument pas. Epuisant et fascinant.”
Comment ça marche? Parce qu’il traite en même temps de nombreuses informations, Firmin a développé ses cinq sens plus que la moyenne (cela s’appelle l’hyperesthésie). Chez les petits, on note par exemple une grande sensibilité à un vêtement «qui gratte» alors que leur aîné l’a porté avant lui sans s’en plaindre.
Les activités qui l’épanouissent Les cours artistiques, bien entendu, mais dont la pédagogie est axée sur une approche ludique ou globale: pas d’académie de musique et de solfège par cœur, donc.
Céleste, 10 ans, visionnaire
“En maths, je ne sais pas comment mais je ‘vois’ la réponse sans faire l’exercice. Alors je dois faire les choses à l’envers: j’écris d’abord le résultat en laissant des lignes blanches, et après je les remplis avec la démonstration.”
Comment ça marche? Parce qu’elle a une intelligence intuitive et globale, Céleste a conscience du but à atteindre, sans percevoir les étapes nécessaires. Elle «sait», c’est tout. A son insu, les pièces du puzzle nécessaires pour trouver le résultat se sont assemblées dans son esprit.
Les activités qui l’épanouissent La photo ou les sports comme le badminton, par exemple. Des activités qui produisent un résultat immédiat, sans développer une stratégie pour y arriver. Cela correspond au fonctionnement «instantané» de ce type d’esprit. Pour les mouvements de jeunesse, c’est le côté visionnaire, leader, qui lui convient car il intègre de suite l’objectif final.
Pour aller plus loin
- Un livre: Petit guide à l’usage des parents qui trouvent (à juste titre) que leur enfant est doué, éd. Payot.
- Deux associations:Douance et zebrasurdoue