Mon ado vit un chagrin d’amour, que faire?
Qui dit adolescence dit nouvelles expériences: premières sorties, premiers baisers… mais aussi premières déceptions amoureuses. Une étape souvent compliquée à gérer pour un adolescent, qui va ressentir tout un panel d’émotions pendant cette période de deuil du premier grand amour.
L’adolescence est une période très intense de la vie: les hormones bouleversent nos enfants et les premiers émois sont bien souvent au centre de leur vie. L’enfant devenu grand vit des situations nouvelles qui forgeront sa personnalité, et les chagrins d’amour font partie intégrante des expériences par lesquelles il devra passer pour devenir qui il est. Mais cela n’en reste pas moins quelque chose de – parfois très – compliqué à gérer, tant pour lui que pour sa famille, qui peut ne pas comprendre ce qu’il se passe dans la vie de l’ado. Marie Tapernoux, sexologue et thérapeute de couple, nous donne quelques outils pour aider au mieux nos enfants à vivre ce passage de leur construction.
Reconnaître les signes d’un chagrin d’amour
Si certains se confient facilement à leur(s) parent(s), ce n’est pas le cas de tous les ados. Il est alors bien difficile de savoir ce qu’ils traversent. Mais selon la thérapeute, il y a des signes qui ne trompent pas: “Tous les adolescents ne dévoilent pas leur vie intime à leurs parents. C’est à cet âge qu’ils découvrent l’importance d’avoir leur petit jardin secret. Les parents peuvent alors ignorer que leur ado a connu une première relation amoureuse et que cette dernière est peut-être en train de se terminer. Et ces émotions en pagaille peuvent être très compliquées à gérer seul, sans le soutien d’un adulte”. C’est alors aux adultes d’être observateurs face aux signes:
- Un isolement plus important: l’ado aura tendance à se terrer dans son monde un peu plus que d’habitude, à refuser de parler ou de participer à la vie de famille.
- Une humeur différente: l’ado sera plus énervé, encore plus à fleur de peau, il aura peut-être tendance à crier parfois et/ou à être plus insolent, voire à faire des crises de colère.
- Un désinvestissement scolaire: les mauvaises notes peuvent alerter sur une éventuelle démotivation à étudier ou des absences répétées à l’école.
- Un trouble du comportement alimentaire: refus de s’alimenter ou, au contraire, une alimentation pour importante que d’habitude.
Si ces marqueurs ne veulent pas forcément dire que l’adolescent vit une peine de cœur, cela est certainement le signe clair qu’il se passe quelque chose de compliqué dans sa vie, et qu’on doit, dans une juste mesure, aller vers lui afin de découvrir ce qui ne va pas et l’aider à aller mieux.
Les conseils de l’experte
Selon la spécialiste, le but est avant tout d’être là et d’exprimer que l’on a remarqué que quelque chose n’allait pas et de l’accompagner dans cette étape particulière de sa vie.
1. Aller vers l’adolescent
Pour ne pas que l’adolescent se sente pointé du doigt ou jugé, il est préférable de parler en “je”. Par exemple: “J’ai remarqué que tu avais l’air triste pour le moment, tu veux m’en parler?”. Il est important de comprendre que l’ado vit les événements de manière très intense, et peut donc très vite se sentir acculé, stressé et prendre mal les remarques. L’idée est donc plutôt qu’il comprenne que l’on a remarqué sa détresse et qu’on lui montre qu’on est là pour l’aider.
2. Ne pas minimiser sa peine
Marie Tapernoux nous conseille également de ne pas minimiser la peine que l’ado peut ressentir: “Pour commencer, on évite les généralités du style ‘un de perdu, dix de retrouvés’, parce que cela n’aide en rien. Cela équivaut à dire que ce qu’il vit en ce moment n’est pas important, alors que pour lui, ça l’est. L’idéal est de laisser l’adolescent s’exprimer sans émettre de jugement. On va par exemple dire ‘je comprends ta peine’. Cette phrase peut sembler bateau mais elle est le signe que l’enfant va pouvoir déposer ce qu’il ressent en toute sécurité chez vous, qu’il est écouté et compris dans ses émotions, et c’est surtout en cela que le parent sera utile: en aidant l’ado à faire ressortir ce qu’il ressent et en l’accompagnant dans cette vague émotionnelle”.
3. L’aider à passer le cap, sans être omniprésent
Selon notre spécialiste, le risque lorsqu’on voit son enfant souffrir est d’entrer dans le rôle du parent “sauveur”, qui met en place des choses sans que l’ado ait demandé quoi que ce soit. “Beaucoup de parents vont faire des choses pour aider leur enfant à se sentir mieux, en imaginant ce dont il aurait besoin. Le hic, c’est que bien souvent cela crée des tensions, parce que le jeune peut avoir l’impression d’une intrusion. Quant au parent, il peut ressentir une grande déception si l’ado n’est pas ‘sensible’ à ce qu’il a mis en place, ou s’il refuse catégoriquement ce qu’on lui propose. Lors de cette situation, il faut absolument sortir de son ego, mais aussi comprendre que l’adolescent a le droit de refuser les sollicitations du parent, si cela ne correspond pas à ses propres besoins du moment. C’est pourquoi il est préférable de demander ce dont il aurait besoin pour aller mieux”.
La rôle du parent est surtout d’accompagner son enfant dans cette vague émotionnelle, de l’écouter et de répondre à ses besoins, sans en faire trop afin de ne pas être trop intrusif. Et pour y arriver, on peut lui proposer – sans imposer – plusieurs choses: une petite sortie en famille, regarder un bon film, cuisiner ensemble, le laisser tranquille, l’écouter, faire une activité pour lui changer les idées… et voir ce qui intéresse le jeune. Mais s’il préfère être seul, il est tout aussi important de respecter sa demande.
4. Lui parler de nos propres expériences d’ado
On peut aussi lui parler de nos premiers chagrins d’amour. Cela l’aidera à comprendre que vous avez vécu la même chose que lui, mais aussi que vous avez dépassé votre peine, et que vous avez vécu d’autres expériences, que vous avez traversé tout cela et que ça ne vous a pas empêché de vous construire et de connaître le bonheur. Inutile pour autant de rentrer dans des détails, surtout si vous ne le souhaitez pas. Juste dire “Tu sais, moi aussi j’ai eu le cœur brisé suite à une rupture” aidera l’ado à comprendre que, contrairement à ce qu’il croit, vous êtes en mesure de le comprendre.
Ce qu’il faut éviter absolument
- Être trop rationnel: l’adolescent vit beaucoup dans l’émotion. Si on est trop rationnel – en lui disant par exemple “mais ça va aller, tu verras, tu l’auras vite oublié” – on risque de creuser un fossé avec son enfant. L’idée est de le rejoindre sur le terrain de l’émotion en écoutant ses sentiments et en lui disant que l’on comprend qu’il puisse ressentir cela.
- Être dans le jugement: ce n’est pas parce que votre enfant est en pleine rupture qu’il faut pour autant dire tout ce que vous pensez de son ex, en particulier si vous n’en pensez pas du bien. Il est important de juger le moins possible, et d’éviter les phrases du genre “de toute manière je ne l’aimais pas parce que…”. On peut en revanche expliquer ce qu’on l’on a observé, en toute bienveillance. Par exemple: “J’ai remarqué qu’il ou elle s’énervait souvent sur toi, que vous vous disputiez beaucoup ces derniers temps”… afin d’amener l’adolescent à réfléchir sur sa relation, mais sans pour autant émettre un jugement.
- Faire l’autruche: certains parents se sentent tellement démunis face à la souffrance de leur enfant qu’ils ont tendance à faire comme si la situation n’existait pas. Mais faire “l’autruche” pourrait laisser penser à l’adolescent que ses parents ne se soucient pas de lui, que “tout le monde s’en fiche”, comme ils peuvent parfois le dire. Juste dire “J’ai remarqué que c’était difficile pour toi en ce moment, si tu as besoin de parler, tu sais que je suis là” aidera déjà le jeune à se tourner vers vous. Si vous n’êtes pas à l’aise avec ce genre de discussion, vous pouvez aussi “mandater” une personne de confiance: une marraine, un oncle, etc.
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