Héritages et donations: et si on y pensait déjà?
Ce n’est pas vraiment le genre de sujet auquel on aime penser. Pourtant, mieux vaut prendre ses précautions tant qu’il est encore temps, pour éviter les mauvaises surprises fiscales…
En Belgique, les droits de succession sont une compétence régionale et sont fixés par la loi. Ils sont calculés en fonction du montant de l’héritage, après déduction des frais de funérailles et des dettes du défunt. Le montant de ces droits dépend à la fois du degré de parenté avec la personne décédée, de son lieu de résidence fiscale, et du montant de l’héritage. Plus l’héritage est élevé, plus le tarif augmente.
La bonne nouvelle: chaque citoyen dispose de nombreuses options pour s’assurer que ses héritiers paieront le moins d’impôts, en profitant de techniques fiscalement intéressantes. La mauvaise: la plupart des Belges préfèrent y penser le plus tard possible. Ce qui fait que beaucoup de familles ne découvrent le montant des droits (et tombent parfois des nues…) qu’après le décès de leur parent. Et si vous mettiez le sujet sur la table?
Simuler un héritage pour voir au plus juste
Les successions sont une matière complexe, car le montant des taxes à payer dépend de la situation personnelle du défunt. Est-il marié sous régime légal? Combien de descendants a-t-il? Le simulateur d’héritage est un outil très pratique et gratuit pour avoir un aperçu de la répartition des actifs d’une personne en cas de décès, et du montant des droits de succession que les héritiers devront payer. En quelques clics, vous obtenez une simulation. Mais celle-ci ne prend pas en compte les dispositions spécifiques telles que les testaments, les donations ou les modifications du contrat de mariage.
4 questions récurrentes
Pour comprendre au mieux comment fonctionne un héritage et/ou une donation, on a donné la parole à nos lecteurs. Leurs questions pertinentes nous permettent de vous éclaircir sur la meilleure option à adopter.
1. Donner directement aux petits-enfants?
Jeanne, 42 ans: “Mes parents veulent léguer une grosse partie de leur héritage directement à mes enfants, car ils estiment que mon mari et moi avons assez d’argent. Est-ce possible?”
En effet, vous pourriez leur proposer un “saut de génération partiel”. Une solution fiscalement avantageuse puisque vous ne devrez pas payer deux fois les droits. Dans ce cas, vous devez renoncer à la succession, pour qu’elle bénéficie à vos enfants. Si vous ne désirez pas renoncer à la succession, vos parents devront faire un testament ou faire des donations à leurs petits-enfants de leur vivant.
2. Comment aborder le sujet avec des parents réticents?
Elsa, 56 ans: “Mes parents ont une grande maison, un terrain à bâtir et pas mal d’argent sur leur compte épargne. Mes sœurs et moi savons que les droits de succession à payer seront très élevés. Un montant qui pourrait pourtant fameusement être réduit si mes parents établissaient un plan de succession, via des donations par exemple. Lorsqu’on essaie de leur en parler, ça tourne mal”.
Personne n’aime évoquer sa mort, ni même y penser, encore moins si on est seulement dans la septantaine. Il est néanmoins important d’aborder le sujet de la succession. Imaginez qu’il arrive quelque chose à vos parents, avant qu’ils aient pris leurs dispositions. Parlez-en concrètement en présence de vos sœurs. Si vous-même rédigez votre testament, achetez une résidence secondaire, si l’un de vos enfants se marie et conclut un contrat de mariage, vous devrez pour cela passer devant un notaire ou un expert-comptable. “Le notaire/le comptable/l’avocat m’a demandé si nous avions déjà parlé de plan de succession dans la famille”, est une bonne entrée en matière pour une discussion. Cet article en est une également! Plus vous avez d’infos sur les avantages des donations, mieux c’est. En fin de compte, c’est aussi dans l’intérêt de vos parents qu’il y ait le moins d’impôts à payer.
3. Est-il possible de déshériter un de ses enfants?
Jessica, 56 ans: “J’ai trois fils, mais l’aîné a coupé les ponts avec nous depuis 15 ans. Suis-je tout de même obligée de lui léguer un héritage?”
La réponse est oui. Ça peut sembler étrange, mais dans notre pays, il n’est pas possible de déshériter un enfant. La loi stipule en effet qu’une partie de ce que vous possédez doit revenir à vos enfants. Ils ont droit au moins à la moitié de votre patrimoine, répartie équitablement entre chacun d’eux.
4. Qu’en est-il des beaux-enfants?
Anne-Marie, 75 ans: “J’aimerais que mon beau-fils hérite au même titre que mes enfants. Est-ce possible?”
Selon la loi, les beaux-enfants n’ont aucun droit d’héritage, ce qui veut dire qu’en tant que beau-parent, il faudra rédiger un testament chez le notaire pour qu’ils puissent bénéficier de l’héritage ou recevoir une donation. Les règles variant d’une région à l’autre, mieux vaut se renseigner auprès d’un notaire (en principe, une première rencontre est gratuite, mais dès que des recherches sont entamées, il y a des frais à payer).
3 solutions fiscalement avantageuses
Pour vous aider à faire le bon choix, prenez note des astuces qui suivent!
1. Donation ou cadeau: la meilleure façon de réduire les frais
Une donation permet à une personne de céder une partie de ses biens, de son vivant, à ses héritiers. Ceux-ci payeront alors une taxe bien inférieure aux frais de succession. Mais ce système est soumis à plusieurs conditions. Ainsi, le notaire doit rédiger un acte entre le donneur et le preneur, dans lequel ce dernier accepte explicitement la donation. Seule exception: le don manuel (d’argent, de bijoux, de meubles ou d’œuvres d’art) sur lequel il ne faut payer aucun droit fiscal. Néanmoins, il est toujours préférable d’avoir une trace écrite pour le fisc.
2. Legs en duo: la formule idéale en l’absence d’héritier direct
Cette technique est particulièrement intéressante lorsque le testateur laisse comme héritiers des personnes éloignées, et donc fortement taxées. Elle lui donne par ailleurs l’assurance que son argent sera bien utilisé après son décès. Elle consiste à léguer une partie de son patrimoine à une association ou une fondation à but caritatif, soumise à des frais de succession inférieurs, comme Gaia, Les Amis des aveugles ou la Ligue contre le cancer. Le testament devra stipuler que ce deuxième bénéficiaire (l’organisme de bienfaisance choisi) payera l’intégralité des frais de succession pour les deux parties. Tout le monde y gagne: les héritiers, qui ne paient pas de taxe, et l’œuvre caritative, qui reçoit une partie d’héritage, cela même si c’est elle qui doit s’acquitter de l’entièreté des frais. Attention toutefois à bien calculer la répartition de l’héritage entre les deux légataires avant décès, de sorte que chacun en tire un avantage.
3. Achat démembré: pour que chacun en profite
La troisième façon d’éviter des frais de succession élevés consiste à procéder à un achat démembré. Concrètement: les enfants achètent un bien immobilier (un appartement à la mer, par exemple) avec leurs parents. Ceux-ci achètent en réalité l’usufruit du bien, qu’ils peuvent habiter ou louer, tandis que les enfants achètent la nue-propriété, et deviendront automatiquement propriétaires à part entière après le décès des deux parents et donc, l’extinction de l’usufruit.
Plus d’infos sur le sujet: testament.be et dons-legs.be
Texte: Johan Lambrechts