Garde alternée: que faire quand les ados ne s’y retrouvent plus?
La garde alternée est aujourd’hui le choix le plus prisé par les parents qui se séparent. Mais si cela permet une co-parentalité équilibrée, il arrive qu’une fois devenus ados, les enfants ne s’y retrouvent plus dans cette organisation entre deux maisons.
La garde alternée est souvent la solution privilégiée par les parents en cas de séparation, ou du moins celle qui permet à l’enfant de voir de manière égale ses deux parents. Les derniers chiffres du Ligueur annoncent d’ailleurs que près d’un enfant de parents séparés sur deux vit l’hébergement égalitaire. Un choix qui peut ne plus convenir lorsqu’il devient adolescent: en grandissant, il voit son petit monde changer et avec lui, ses priorités… Vivre à mi-temps chez papa et chez maman devient plus difficile. Il peut alors vouloir passer plus de temps chez l’un ou chez l’autre.
Quand la garde alternée ne satisfait plus les adolescents
Jordan a 16 ans et il est amoureux de Clara. Celle-ci habite tout près du papa de Jordan où il vit une semaine sur deux. Du coup, il aimerait y être plus souvent pour ne pas être séparé de sa petite amie la moitié du temps. Évidemment, Laetitia, sa maman, n’est pas heureuse de son choix: “Ce n’est pas juste qu’il passe plus de temps chez son père, et puis il va trop me manquer”. Pour Jordan, ce sera non à un changement de garde.
Une autre ado, Maé, est fatiguée de changer de maison une semaine sur deux. Sa maman, Alice, l’avait bien remarqué: “Elle ne disait rien mais je voyais bien que ça n’allait pas. Je lui ai beaucoup parlé et finalement j’ai compris que le rythme mis en place depuis 10 ans ne lui convenait plus. Nous avons discuté avec son père et sommes passés à deux semaines chez l’un et chez l’autre et ça a changé sa vie. Tout est redevenu fluide. Une semaine c’était trop court pour qu’elle puisse à chaque fois reprendre ses marques et se détendre. Deux semaines c’est long mais elle ne me manque pas car je suis heureuse quand elle est heureuse. J’ai entendu son désir plutôt que le mien”, continue Alice.
Les conseils d’un expert pour gérer au mieux la situation
Mathieu Mulligan, thérapeute familial et co-intervenant en médiation familiale, nous explique pourquoi de nombreux ados ne se retrouvent plus forcément dans la garde alternée: “L’adolescent aime rester dans sa tanière, et être collé à sa bande de potes. Si son tissu social est principalement du côté d’un des parents, c’est normal qu’il ait plus envie de rester de ce côté. Il arrive aussi qu’il en ait marre de trimballer son sac d’un endroit à l’autre, qu’il soit fatigué de faire des navettes entre ses deux maisons”. Selon le thérapeute, se mettre à la place de son ado et l’écouter est primordial si l’on veut qu’il soit heureux.
Comme l’a fait Alice: “Mettre mon ego et ma possessivité de côté a été une des clés pour accepter ce changement qui lui a été très bénéfique”. Plus facile à dire qu’à faire quand l’ado réclame de passer moins de temps chez vous… Voire tout son temps chez l’autre parent.
1. Non, il ne vous aime pas moins
Si l’enfant veut passer plus de temps chez l’autre parent, c’est souvent pour des raisons sociales ou de confort, et pas forcément parce qu’il le préfère à vous. Au contraire, ce serait même plutôt bon signe selon le thérapeute: “L’enfant a besoin de sécurisation affective. S’il arrive à prolonger les moments loin de vous c’est qu’il est sécurisé par rapport à votre amour et donc qu’il n’a plus à vous prouver quoi que ce soit”. Certains parents vont se sentir désemparés en ayant leur ado moins longtemps avec eux et, même si c’est inconscient, vont le faire ressentir à l’enfant. “Un enfant n’est pas un doudou. Il n’est pas là pour vous réconforter. Le faire culpabiliser, même si ce n’est pas voulu, ce n’est pas sain”, insiste le thérapeute familial.
2. Faire un bilan tous les 6 mois
Et si l’ado grandit à vitesse grand V, ses envies et besoins évoluent aussi très rapidement. C’est pourquoi il est important d’être flexible et de réévaluer l’organisation régulièrement: “C’est évidemment du cas par cas, mais pour avoir une idée, l’idéal c’est de faire un bilan tous les 6 mois à partir de 12 ans”, explique Mathieu Mulligan. D’autant que l’école et l’organisation des activités extra-scolaires peuvent changer. Il y a parfois une inscription dans un internat… Ou un coup de cœur amoureux! Bref, la seconde clé après l’écoute c’est la flexibilité. Tout en discutant avec toutes les parties… et parfois, elles sont nombreuses! Dans des fratries recomposées par exemple, le parent est loin d’être le seul à décider.
3. Être à l’écoute de l’autre famille
Dans un monde idéal, mettre son ego de côté pour entendre les desiderata de tous est l’attitude idéale. Par exemple, chez Rose et Simon, 14 et 16 ans, on a oublié un petit détail, comme l’explique Céline, leur maman: “Leur papa s’est remis en ménage et a eu deux autres enfants. Ils ont 5 et 10 ans. Quand on a décidé de passer à deux semaines, on n’y avait pas pensé mais Rose et Simon leur manquaient tellement que quand ils se retrouvaient, ils étaient infernaux à cause de l’excitation. Alors, on a trouvé une solution: on garde l’organisation des deux semaines mais ils vont chez leur papa, en plus, les mercredis après-midi”. C’est ça aussi, avoir une double famille!
4. S’en tenir au cadre fixé en tenant compte des cas particuliers
Pour autant, être flexible et s’adapter ne veut pas dire changer l’organisation à tout bout de champ. Jeanne, maman de Natie et Jack, reconnaît qu’il y a un souci dans leur organisation: “Quand leur père a trop de travail, il m’amène parfois les enfants alors que ça n’était pas prévu, et vice-versa. Ils n’aiment pas beaucoup ça”. Selon Mathieu Mulligan, il est primordial que l’enfant puisse se projeter et s’organiser: “Le changement de dernière minute est une source d’angoisse pour l’enfant. Évidemment, cela reste du cas par cas et ce n’est pas grave si tout est bien expliqué et que cela reste exceptionnel… Mais en règle générale, il est préférable de se tenir au cadre pour que l’ado puisse organiser son emploi du temps, ses petites affaires, à l’avance”. Cas particulier: le blocus. L’ado qui étudie peut avoir besoin de rester dans une tanière bien précise où il aura ses repères. On peut donc imaginer qu’il reste au même endroit au moment du blocus.
Familles recomposées: quand les ados ne s’entendent pas
Dans le cas de familles recomposées, il arrive parfois qu’une grappe d’ados se retrouve forcée à cohabiter. Comme chez Nathalie et Jean, en couple depuis 8 ans, sept ados en tout et une petite dernière de 6 ans: “Nos enfants n’ont pas la même éducation et ils ne s’entendent pas du tout. Comme ils ont entre 16 et 23 ans, c’est beaucoup moins facile à gérer qu’avec des enfants. On ne peut pas les forcer et ils ont tous leur personnalité”. Du coup, chacun a gardé sa maison, les parents se déplaçant deux fois par semaine chez l’un ou chez l’autre. Mais ils s’octroient un week-end en amoureux au moins deux fois par mois.
Ce dernier point est vital pour Nathalie: “Les enfants en bas âge prennent du temps mais les grands aussi car l’accompagnement psychologique est énergivore. Ils ont des problèmes de cœur, de confiance en eux, de choix de vie… Je trouve cela extrêmement fatigant de devoir se transformer en coach tout le temps. Je pense qu’il est indispensable de prendre du temps pour soi”. Par contre, si l’idée est bien là, sa concrétisation n’est pas toujours évidente, rit (jaune) Nathalie: “Durant notre dernier week-end, un des ados est rentré à la maison alors qu’il était censé être parti. Alors nous avons rejoint la maison de Jean. Mais là, rebelote, nous avons été reçus par un ado traînant en caleçon dans le salon. Au revoir cocooning à deux”.
Vous devez annoncer votre séparation à vos ados? Les conseils du thérapeute
On ne parle évidemment pas à un adolescent comme on le fait avec un enfant: il est en âge de comprendre, par exemple, que l’amour n’est pas éternel, que les besoins de chacun évoluent. Le thérapeute familial conseille aux parents de dire à leur ado qu’ils se redonnent leur liberté d’adulte. Que c’est pour un mieux. Il est bien également d’insister sur le fait que s’ils ne sont pas toujours d’accord, ils sont bien décidés à trouver des compromis pour le bien de l’enfant. Il y a une phrase magique à répéter: “On veut trouver une solution”. C’est pour cela aussi que rencontrer un médiateur familial a tout son sens. Cela reflète déjà la volonté des parents de bien faire, de trouver des solutions dans l’intérêt du bonheur de l’enfant. Matthieu Mulligan est un des thérapeutes du centre “Trialogues” qui propose de la médiation familiale (trialogues.be).
Texte Lucie Hage Adapatation web: Tatiana Czerepaniak
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