Témoignage: “J’ai quitté mon mari pour vivre avec une femme”
Sasha est mariée et maman de deux jeunes enfants lorsqu’elle décide de tout plaquer pour enfin vivre son homosexualité. Elle nous raconte…
Sasha* pensait former un couple parfait avec celui qu’elle considérait comme l’homme de sa vie: “Toutes mes copines m’enviaient! J’étais avec Guillaume* depuis sept ans, on était mariés, on avait deux enfants, on ressemblait à la famille idéale. Mais au fond de moi, je me sentais mal. Alors, un jour, tout cela a volé en éclats”. Sasha quitte alors Guillaume pour vivre sa vie avec une femme, mais “n’imaginez pas un coup de folie, non, c’est une longue histoire. Je me suis longtemps forcée à être comme tout le monde…”, nous confie-t-elle.
Rentrer dans le moule
Sasha a grandi dans un petit village des Ardennes où elle était la seule noire. “Dans la petite école du village, j’étais la seule fille de mon année. Pendant toute mon enfance, j’ai donc eu l’impression d’être la seule de mon espèce. C’était étrange. Un peu désagréable”. Cette impression se renforce à la puberté. “À 17 ans, je suis tombée follement amoureuse d’une copine de l’école. Le jour où on a été surprises à s’embrasser, ça a fait un psychodrame. J’ai annoncé à ma mère que j’étais lesbienne, elle m’a répondu: ‘C’est bien, au moins, tu ne tomberas pas enceinte!’. Je crois qu’elle a pris ça pour une passade d’adolescente”.
Sasha évoque alors le sujet à un ami qui s’empresse de lui répondre: “Quoi? T’es déjà noire, t’es la seule fille, et en plus t’es lesbienne?”. La jeune femme comprend que la suite promet d’être très compliquée: “Il fallait que je rentre dans le moule, que je fasse comme tout le monde. Je ne pouvais rien changer au fait d’être une fille et d’être noire. Par contre, je pouvais peut-être faire un effort pour aimer les garçons”.
Le dernier recours
Avant de rencontrer Guillaume, Sasha est sortie avec beaucoup de garçons. “C’était le vingtième homme que je mettais dans mon lit. On ne pourra pas dire que je n’ai pas essayé! Mais ça ne durait jamais… Je me rendais vite compte que je n’étais pas bien dans la relation. Jusqu’à ce que Guillaume entre dans ma vie”. Les jeunes adultes suivent le même cours à l’université. “Ce n’était pas le coup de foudre, mais j’ai senti que nous étions très compatibles. Alors, j’ai réfléchi. Qu’est-ce que j’attendais d’un potentiel mari? Qu’il soit un colocataire facile – du genre qui ne laisse pas traîner ses chaussettes partout, un vrai ami, un bon amant et le père idéal. Guillaume était le mec qu’il fallait! Je me suis dit: ‘Si ça ne marche pas avec lui, ça ne marchera avec personne. C’est mon dernier recours!'”. Sasha n’est pas amoureuse, mais elle apprend à aimer Guillaume.
Le couple décide d’avoir en enfant au cours de leur deuxième année d’études. “La décision a été prise d’un commun accord, mais l’idée venait de moi. J’avais plein de bons arguments très rationnels: je n’aurais plus jamais autant d’énergie, ce serait encore plus compliqué d’être enceinte en arrivant sur le marché du travail, mon père vieillissait et je voulais qu’il connaisse ses petits-enfants…”. En réalité, Sasha a comme un manque à combler.
En robe blanche
“J’étais sincèrement bien dans mon couple, mais il manquait quelque chose. Je me disais que ça irait mieux lorsque nous aurions un enfant. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il y a une suite logique dans la vie hétéro: on se rencontre, on couche ensemble, on emménage, puis on se marie et on fait des bébés ou l’inverse. Et moi, je voulais à tout prix m’assurer que j’étais bien dans cette logique. Inconsciemment, j’ai tout fait pour rentrer dans le schéma”. Théo naît lorsque la jeune femme a 22 ans. Tout roule pour la petite famille, mais Sasha sent qu’elle a sans cesse besoin d’autre chose. “Il fallait que je passe à l’étape suivante de la suite logique. C’est ainsi que nous nous sommes mariés – un mariage en bonne et due forme avec robe blanche et nœud papillon, puis nous avons eu un deuxième bébé, une petite Zoé. Les enfants se portaient bien, mon mari était toujours aussi adorable, nous avions tout pour être heureux, et je pensais vraiment être heureuse. Il faut dire qu’entre les études, le boulot, les enfants et la maison, je n’avais pas franchement le temps de me poser trop de questions”.
Un pas en avant
Malgré cette vie parfaite, la jeune maman ressent une étrange sensation de mal-être. “J’essayais de me raisonner: ‘Tu as rencontré l’homme de ta vie, tu es mariée, tu as des enfants… Qu’est-ce que tu veux de plus?’. À l’époque, j’avais interrompu mes études. J’ai décidé de les reprendre et j’ai alors été amenée à lire pas mal de choses relatives aux discriminations. Ça m’a tout à coup ouvert les yeux. Je n’étais plus la seule de mon espèce. Mais qui étais-je vraiment? Est-ce que je vivais selon mes envies? Ou m’étais-je forgée une identité qui convenait aux autres? J’étais envahie de doutes”.
Lors d’un cours sur les inégalités, le professeur demande à des volontaires de monter sur l’estrade. “J’y suis allée. Il nous a alignés, puis il a demandé aux hommes de faire un pas en avant, aux blancs de faire un pas en avant… J’étais toujours derrière les autres. Ensuite, le prof a demandé aux hétéros de faire un pas en avant. J’ai tendu la jambe pour rejoindre le reste du groupe et j’ai arrêté net le mouvement! Ça m’est soudain apparu comme une évidence: non, je n’étais pas hétéro”.
Ça m’est soudain apparu comme une évidence: non, je n’étais pas hétéro.
Des papillons dans le ventre
Le couple a toujours été très ouvert et honnête. Guillaume savait que sa femme se cherchait, il en parlait souvent. “Au moment où il m’est apparu clairement que je n’étais pas hétéro, il est tombé amoureux de quelqu’un d’autre. Notre couple était en danger. On a beaucoup discuté mais on a choisi de ne pas se séparer. On s’était mariés, on avait construit une famille, ce n’était pas pour tout laisser tomber au premier coup dur. Alors, on a tenu bon. Pendant un an. Jusqu’au jour où j’ai rencontré une fille avec laquelle j’ai passé la nuit. On a fait l’amour, on a parlé, on a dormi. Et j’ai eu des papillons dans le ventre”, sourit Sasha.
Une sensation nouvelle qu’elle n’avait jamais ressentie avec Guillaume. Très vite, elle comprend qu’il faut qu’elle arrête de se mentir. “Je n’étais pas attirée par les hommes. Je m’étais forcée pendant toutes ces années. Je m’étais enfermée dans un placard en pensant que ce serait plus simple… mais ce n’était pas simple du tout! C’était même invivable. Intolérable. Il fallait que ça s’arrête. Il fallait que je sorte du placard. Que je sorte du moule. J’avais besoin d’être moi, de vivre ma vie et d’être heureuse”.
En harmonie
“Quand je suis rentrée à la maison, Guillaume faisait la vaisselle. Il a tout de suite compris et m’a prise dans ses bras. C’est ainsi qu’a commencé notre divorce. Théo était en 3e maternelle. On lui a expliqué que papa allait déménager. ‘Ah bon, pourquoi? – Parce que papa et maman se séparent. – Ah bon, pourquoi? Parce que maman n’est plus amoureuse. – Ah bon, pourquoi? Parce que maman aime les filles… Aaah, OK!’. Dans sa petite tête, c’était très logique: maman aime les filles, papa n’est pas une fille, donc c’est normal”.
L’entourage du couple, lui, a été très surpris et la mère de Sasha a avancé un “T’es pas obligée d’expliquer à tout le monde que t’es lesbienne!”. Sauf qu’elle s’était tue pendant quinze ans, et que ce silence ne pouvait plus durer. Aujourd’hui, Sasha vit en couple avec une femme: “Nous avons les enfants en garde alternée. Et je me sens bien. Je suis enfin en harmonie avec moi-même. Si j’avais pu affirmer mon homosexualité plus tôt, je me serais évité quinze ans de traumas, mais je me dis que je n’aurais pas vécu cette histoire avec Guillaume… Je ne peux pas regretter ces années. Guillaume est l’homme de ma vie pour toujours. Mais j’aime les femmes et je ne m’en cacherai plus jamais”.
Texte: Christine Masuy/Coordination: Stéphanie Ciardiello
*Les prénoms ont été modifiés
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